L'Élue (Evangeline)

Chapitre 46

Hagarde, désorientée, je reprends peu à peu conscience dans un endroit glacial en grelottant convulsivement. Machinalement, ma main tente de se poser sur mon ventre, mais les chaînes m'en empêchent.

Les horribles souvenirs m'extirpent lentement de ma torpeur.

Samson ! Ces ordures ont pris mon bébé... ils me l'ont arraché.

Les sanglots me submergent sans que je puisse réagir. J'éprouve une immense colère envers ses monstres, envers moi-même aussi... pour mon incapacité à protéger mon fils. Je voudrais me punir, me frapper jusqu'au sang, mais le maudit sort de Nergal est toujours actif.

Nergal !

C'est un salaud sans âme et sans cœur.

Comment ai-je pu tomber si facilement dans ses filets ?

Comment le destin a-t-il pu choisir de m'octroyer les pouvoirs de l'Élue ?

Je ne suis qu'une nullité... une bonne à rien.

À force de pleurer, les chaînes m'oppressent de plus en plus, au point de presque me couper la respiration. J'ouvre la bouche péniblement pour récupérer un peu d'air et tenter de me calmer.

Je balaye le décor d'un regard absent, désespéré. Un sol de terre battue froid comme la mort, des murs sombres avec en hauteur une minuscule fenêtre garnie de barreaux, et puis une lourde porte en bois vermoulu... sans doute verrouillée à double tour.

Je me trouve dans un immonde cachot...

Un de ces endroits horribles où on laissait autrefois les gens crever à petit feu, sans eau et sans nourriture.

Je ne suis plus sur le vaisseau de la reine parce qu'il est bien trop moderne et élégant pour receler un lieu aussi dégueulasse.

Ils ont dû atterrir sur la planète de glace... c'est pour ça que je suis gelée en permanence. Je me sens tellement faible que j'ignore si je vais parvenir à appeler le chant, mais c'est notre seule chance, à moi et à mon fils. Je suis terrorisée à l'idée que la reine obscure tienne Samson en son pouvoir et qu'elle cherche à en faire un être aussi vil qu'elle.

La porte s'ouvre avec un grincement lugubre et un démon apparaît... baraqué avec une sale tête qui n'annonce rien de bon. Il me tourne autour à la façon d'un prédateur avec une proie et comme s'il voulait évaluer mon état physique, prenant son temps pour m'observer attentivement.

— Sa Majesté a ordonné d'en finir avec toi, dit-il d'un ton aussi glacial que cette foutue planète.

Je demeure vautrée au sol, frissonnante et apeurée par cette créature. J'espérais bénéficier de quelques heures précieuses pour récupérer un peu de forces, mais il semblerait qu'Ereshkigal souhaite se payer ma peau rapidement.

Le type s'est approché tout près...

— Tu vas subir le supplice du fouet, marmonne-t-il.

Le fouet ! Ce guignol déconne ou quoi ?

On ne meurt pas de quelques coups de fouet.

Je m'attendais à la pendaison haut et court, ou à l'écartèlement, ou encore à la crucifixion !

Mais le fouet...

Il éclate d'un rire cruel en triturant sa barbichette.

— Sache que je suis l'un des meilleurs bourreaux de Sa Majesté... une fois que tu auras goûté à mon fouet, tu regretteras de ne pas posséder la carapace d'une tortue, ma pauvre petite.

C'est bizarre... sa voix a pris une légère inflexion de pitié.

Et puis j'entends le claquement sec de ses doigts entre eux, aussitôt les chaînes magiques qui me retenaient disparaissent.

Hélas mon soulagement est de courte durée.

Malgré l'absence des chaînes, je suis incapable de faire le moindre mouvement et je me retrouve écartelée dans les airs en position verticale. Je produis des efforts surhumains pour bouger et me libérer du sort extrêmement puissant que le démon a sans doute lancé.

En vain...

— Il est temps, lâche-t-il avec indifférence.

Sa main se met à devenir incandescente... comme si elle brûlait de l'intérieur. Puis elle se prolonge très vite par de longs serpents éblouissants et rougeoyants. Je m'aperçois avec horreur qu'ils portent une multitude de pointes acérées.

— Je te présente le feu de Vulcain, ricane-t-il. Les murs de ce cachot sont épais... Sa Majesté a insisté pour que tes cris d'agonie ne dérangent surtout pas son sommeil.

Je ne ressens plus vraiment le froid glacial... tellement je garde les yeux fixés sur le feu de Vulcain qui a entamé autour de moi une terrifiante danse de la mort.

***

Et la version chantée par Amy Lee... plus connue sous le nom de Ailee ^^