Chapitre 45

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Je suis née dans un monde sans espoir, sans avenir, au sein d'hommes et de femmes condamnés par une minorité de leurs semblables à mourir de faim et de soif sous un soleil brûlant.

Mais le destin ne se montrait pas assez cruel.

Désormais, je me retrouve prisonnière dans l'immense vaisseau de la reine noire, pieds et poings liés par un sort puissant qui bride mon pouvoir.

Tout a été si fulgurant...

La fin brutale de Liam m'a fait comprendre à quel point la vie est fragile et éphémère. Tout comme le malheureux fils du gouverneur, je peux disparaître en quelques fractions de seconde.

J'essaye désespérément de me libérer en appelant le chant, à chaque mouvement j'ai la sensation que ma peau part en lambeau sous l'effet de la douleur.

— Du calme ! grogne mon gardien, un être obscur particulièrement teigneux qui m'a jetée comme un sac sur une sorte de lit, dans une pièce quasiment nue, silencieuse et froide.

Je dois me trouver dans le bloc médical du vaisseau...

À première vue, ça pourrait être rassurant, mais mon instinct me dicte le contraire. Tant que Samson est dans mon ventre, la reine noire ne risque pas de poser ses sales pattes sur lui. L'attirail éparpillé autour de moi ne me dit rien qui vaille... des pinces, des compresses, des flacons divers.

On ne m'a pas trainée ici par hasard.

La porte de la pièce coulisse pour laisser entrer cette ordure de Nergal. Il est accompagné d'une grande bonne femme costaude, avec des ailes impressionnantes dans son dos. C'est la première fois que je rencontre une « femelle » de cette race étrange. Franchement, on ne peut guère qualifier la demoiselle de « sexy » vu ses allures de catcheuse. Il me semble que les prunelles bleues de Nergal m'ont effleurée lorsqu'il est entré...

Malgré moi, je ne peux pas m'empêcher de le dévorer des yeux, tout en m'interrogeant sur comment je pourrais lui faire exploser la courge. C'est bizarre quand la haine se mélange avec de l'attirance... ça laisse un goût désagréable au fond du gosier.

Et puis je me demande si mon Samson aura les ailes sombres et majestueuses de son père... ou bien s'il ressemblera à une espèce de pélican comme la femelle « démon ». En tout cas, la dernière échographie ne montrait rien de ce genre. La toubib trouvait mon Samson parfait et pensait que l'accouchement aurait lieu dans le mois.

Démons... démones... c'est sûrement comme ça qu'il faut appeler les êtres obscurs. Un rire forcé s'échappe de ma poitrine et je lâche immédiatement un gémissement plaintif.

— L'élue est loin d'être inoffensive, marmonne la « démone ». Tes chaînes ne la retiendront pas longtemps... je dois faire vite...

Nergal s'est contenté de hocher la tête en détournant soigneusement son regard de ma personne.

Maudit salopard !

Cette saleté de démone a raison... je sens la puissance du chant lutter contre le sort de Nergal, lui et la reine obscure ne perdent rien pour attendre.

Il faut juste que je tienne le coup.

Sur un signe de la démone, mon gardien s'approche de moi et attrape une de mes jambes pour la fixer à l'angle du lit avec des sangles de contention. Les chaînes ont suivi le mouvement en m'arrachant des hurlements. Mon autre jambe subit exactement le même sort, puis vient le tour de mes bras qui sont liés ensemble au-dessus de ma tête.

Cette position imposée entraîne une horrible souffrance.

Je serre les dents tandis que les larmes dégoulinent le long de mes joues... du sang a glissé sur ma bouche, j'ai dû me mordre la lèvre involontairement. Dans un nuage d'eau salée, je vois Nergal quitter la pièce...

— Je reviens une fois que ce sera fait, dit-il brièvement.

La démone vient de m'injecter quelque chose dans les veines et commence à s'affairer entre mes jambes, ses mains sont gantées et étrangement chaudes.

— Tu as de la chance, ricane-t-elle. Je suis une excellente accoucheuse...

Malgré les chaînes et un supplice colossal qui me coupe le souffle, mon corps se tend comme un arc pour résister.

Samson... par pitié.

La démone et ses gants me provoquent de grands soubresauts, j'entends des râles gutturaux et désespérés.

Ce sont les miens.

***

D'après le poème de Mary Elyzabeth Frye ^^

La version chantée par Ryeowook et Yesung de Super Junior, et Oney de SHINee ^^


L'Élue (Evangeline)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant