(64) Rendez-vous chez César

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Son bout de papier d'une importance capitale à la main, Pompée se hâta de rejoindre le domicile de César pour lui faire part de sa trouvaille. Il s'y rendit le visage résolument tourné vers le sol, afin de n'être pas reconnu.

Quelle ne fut pas la surprise de César lorsqu'il se rendit compte que Pompée avait eu l'audace de se pointer jusque devant chez lui. Il ne dit rien et le regarde froidement.

"Laisse-moi entrer Jules, ce que j'ai à te dire ne manquera sans doute pas de t'intéresser.
-Ne t'avise plus de m'appeler par mon prénom."

Après cet échange de douceurs, César s'effaça tout de même pour faire une place à son ancien ami. Ils laissèrent Tonio sur le devant de la porte.
Comme à chaque fois que les deux hommes se tenaient dans la même pièce, la tension augmentait drastiquement. Leurs corps se tenaient prêts à agir, tendus vers une volonté de prendre le plus de place. Ils se toisèrent ainsi un moment, avant que Pompée ne cède.
"Ce n'est pas pour te chercher querelle que je me suis présenté devant ta demeure aujourd'hui : j'ai la preuve de mon innocence dans la mort de Fabia.
-Ah oui? Tu avais raison, il me plairait grandement de voir cela."

Pompée lui tendit la feuille, méfiant. Il craignait que César ne soit capable de la déchirer.
Il l'étudia un court instant avant de partir d'un rire méchant.

"Mais enfin mon pauvre ami, cela ne prouve rien ! L'absurdité de ce que tu avances me sidère : Cornelia, tuer Fabia? Et pourquoi?"

Il lui raconta la discussion avec Caius, la jalousie de Cornelia, tout en conservant un oeil sur le fragile bout de papier.

"Tu te fais des illusions, Cornelia était amoureuse de moi. Tu ne sais pas ce que tu dis...
-En attendant, j'ai à mon appui une preuve écrite et un témoignage. On ne peut pas en dire autant de toi qui n'a que mon aveux à ta disposition...
-La parole d'un vieux fou et un bout de papier ! La belle affaire !"

Pompée soupira. Il le sentait pourtant, qu'il n'aurait pas dû se rapprocher de la famille César.
Et pourtant il s'était empressé de demander la main de la fille de son ami, ce qui n'avait fait qu'envenimer la situation alors qu'ils auraient pu rester en de bons termes...
En réalité, il n'avait pas exactement demandé la main de Julia. César pensait qu'il serait de bon aloi de renforcer leur accord politique en y joignant un peu d'amour.
Un amour forcé, certes. Alors durant de nombreuses années il avait parlé de Julia à son ami, lui avait implanté cette idée dans la tête, et l'avait informé des déplacements de sa fille afin qu'il puisse la voir sans toutefois se présenter. Julia avait été l'instrument de l'affaire sans même s'en douter. Avec un père manipulateur et une mère meurtrière, sa filiation n'était pas des plus glorieuses ! Et pourtant, personne n'en saurait jamais rien...César ne pouvait pas se permettre de jeter l'opprobre sur son ancienne épouse de la sorte, car le déshonneur s'étendrait à lui et sa famille. Il se contenterait d'éteindre les braises du ragot qu'ils avaient lui-même attisées, il en faisait la promesse à Pompée.

Lorsqu'ils se serrèrent la main, Pompée s'autorisa une accolade à son ancien compagnon.
Il lui glissa :
"Je voudrais tant que tout redevienne comme avant...je vais tout faire pour te ramener ta fille, et j'espère que cela me ramènera mon ami."

Les deux hommes les plus impassibles de Rome s'autorisèrent une petite larme lors de cette déclamation. Que c'était beau, une amitié qui renaît !
Il ne faisait aucun doute qu'elle serait bancale quelques temps, tout ne pouvait pas se réparer d'un battement de paupières, mais cette accolade avait un pouvoir symbolique.

Julia Caesaris Where stories live. Discover now