(23) Marcus et sa philosophie

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27 juin de l'an 65 avant JC, en plein milieu de la nuit

Quiconque connaît un tant soit peu Crassus sait que ce charmant patronyme est en réalité son nom de famille. La grande majorité des romains se font appeler par ce dernier. Cependant Julia venait d'obtenir l'honneur de déroger à cette règle et d'employer son prénom. Qui n'était pas sans lui rappeler celui de son ex-fiancé...Elle frissonna à cette pensée. Marcus tenta un peu d'humour comme il la guidait jusqu'à sa bibliothèque

"Avec tous ces noms similaires on ne s'y retrouve plus...prenons le tien par exemple. Il y a une multitude de Julia dans Rome, c'est bien connu. Mais savais-tu que l'ensemble que forme ton prénom et ton nom de famille, représentants de ton identité profonde, est porté par une personne de ma connaissance?"

Julia n'en était que moyennement surprise. Son prénom était très apprécié et le nom de famille César répandu. Pour la forme, elle prit un air intéressé.

"Ah bon? Ma foi quel âge a-t-elle?

-Je pense qu'elle avoisine le mien."

Il capta son regard interrogateur avant de partir d'un rire tonitruant.

"Tu n'as pas la moindre idée de l'âge que je peux bien avoir?"

Il prit le ton de la confidence avant d'ajouter :

"Je dois l'admettre, je ne suis plus de prime jeunesse, j'ai récemment eu 60 ans.
Enfin, pour en revenir à Julia, il est préférable que tu ne sois plus la jeune fille éponyme de mon amie car elle est particulièrement connue pour ses frasques..."

Julia sentit le rouge lui monter aux joues et au nez.

Elle avait donc l'air si parfaitement innocente?

"Quels types de frasques si ce n'est pas trop indiscret?

-Oh non il s'agit d'un secret connu de tous, elle sortait la nuit pour s'adonner à toutes sortes d'orgies et de dépravation. Peut-être le contrepoids de son existence diurne : elle est la descendante unique d'une grande famille patricienne. Heureusement, c'est une fille issue des secondes épousailles de son père, ainsi ses actes n'ont pas de grandes répercussions et elle n'a pas jeté l'opprobre sur la famille...."

Julia s'était laissée bercée par le flot incessant des paroles de Marcus Crassus.
On reconnaissait là le grand orateur qui maitrisait la rhétorique à la perfection : il était envoûtant.

"Enfin, ceci est de l'histoire ancienne, nous avons plus urgent à régler, comme tu le vois nous sommes arrivés."

Et dire qu'elle ne s'en était même pas rendue compte. Elle décida de se recentrer sur la raison de sa présence ici : comprendre la guerre.
La guerre au sens large du terme car de tout temps elle a existé, et Julia aurait mis son petit doigt au feu (oui j'invente des expressions et alors?) qu'elle existerait toujours...

"Ce fait n'a pas grande importance mais tu dois savoir que la philosophie de la guerre est appelée la polémologie, cela pourra te servir lors de tes recherches.
Je vais te dire ce que je pense et connais de ce phénomène, ensuite tu pourras mener tes propres investigations comme bon te semblera. Prête à m'écouter?"

Julia hocha si vigoureusement de la tête qu'elle faillit se déboiter.
Le grand homme s'assit et posa ses deux mains sur la table.

"Tu m'as posé la fameuse question du pourquoi. Je peux te donner plusieurs pistes : l'homme a le goût des grandeurs, il est perpétuellement insatisfait de sa situation même lorsque celle-ci n'est pas mauvaise. J'appelle ce phénomène la folie conquérante et c'est souvent un motif de querelle. Il y a aussi des facteurs plus...personnels dirons nous.
Admettons que ton frère ait été tué par quelqu'un. N'aurais-tu pas envie de le venger coûte que coûte?"

En effet, Julia avait un frère. Dont elle n'avait jamais fait la connaissance mais il existait bel et bien. Ptolémé était le fruit des conquêtes amoureuses et territoriales de son père en Egypte. Elle doutait fortement que l'exemple choisi par Crassus soit le plus pertinent pour elle car elle n'aurait pas songé un seul instant à entreprendre quoi que ce soit pour cet inconnu...mais elle comprenait l'intention.

« Enfin nous arrivons à la plus pessimiste des possibilités : l'univers ne serait mû que par la guerre et l'homme ne serait que le jouet d'une volonté qui le transcende...je reste convaincu que le libre-arbitre rentre en jeu, l'être humain est libre de choisir si oui ou non il veut veut imposer sa force et répandre la violence ! »

Je me suis contentée d'acquiescer mollement durant tout son laïus. Il ne m'apprend malheureusement pas grand chose, je vais me rabattre sur les livres qu'il me tend, allégories du savoir. J'espère qu'ils me seront d'une plus grande aide que ne l'a été Crassus...sans vouloir l'offenser.

C'est le moment que choisit Tonio pour pénétrer dans la pièce, les cheveux en bataille (sans aucune boutade par rapport à la guerre). Il eût un instant d'hésitation, ne sachant pas s'il avait coupé la parole à son maître et s'il était en mesure de prendre la parole à son tour.

Face au regard insistant de ce dernier, il finit par ouvrir la bouche.

"Julia, Pompée vous cherche, il est devant la maison actuellement."

Bougre d'âne...il avait eu la présence d'esprit de venir la chercher là où elle se cachait !

Julia adressa un regard désolé à son hôte et celui-ci fit mine de comprendre. Il ajouta qu'elle pouvait conserver les livres. Elle esquissa un sourire qui était porteur de remerciement, du moins elle espérait que le message était passé.

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Je suis vraiment contente de m'être remise à écrire les péripéties de Julia, j'ai une nouvelle trame qui s'étoffe et un soupçon de motivation !
Si vous pouviez partager l'histoire autour de vous ça serait vraiment super, en tout cas je remercie de tout cœur mes lecteurs les plus invétérés 😚

Julia Caesaris Où les histoires vivent. Découvrez maintenant