(22) Contretemps

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Bien sûr, aucun moyen de signifier sa présence et elle n'était pas attendue.
Imprudente pour imprudente, elle décida de franchir le mur de la propriété et de...comment fait-on dans ce type de situation au juste? Elle ne le savait pas, ayant toujours été attendue là où elle se rendait. La porte était ouverte. Elle savait que c'était risqué mais elle la franchit elle aussi, sans plus de cérémonie.
A l'intérieur, nulle trace de mobilier ou même de vie humaine. Rien que des cruches de vins entassées les unes sur les autres, et un comptoir.
Julia était perplexe. Comment se faisait-il que la maison de Crassus aie cette allure? Pour y être déjà venue par le passé, elle se fit la réflexion que le lieu avait bien changé.
Peut-être que le général traversait une période de déprime et qu'il noyait son chagrin dans la boisson?
Elle commençait à réaliser l'absurdité de cette hypothèse et à comprendre la véritable nature du lieu lorsqu'une voix l'apostropha violemment.

"Eh toi ! Qu'est-ce que tu fous dans ma taberna?"

Ce n'était pas lui. Sûrement un esclave qui avait pris la liberté de prétendre qu'il s'agissait de sa taberna pour paraître plus crédible, pensant qu'elle n'était rien d'autre qu'une vulgaire voleuse...il allait s'avérer compliqué de justifier sa présence face à un inconnu.
Si seulement elle parvenait à le convaincre de la conduire jusqu'à son maitre...

"Je suis Julia. Julia César et je viens rendre visite à ton maitre. Peux-tu me conduire jusqu'à lui?"

"Au beau milieu de la nuit? Mais vous êtes tombée sur la tête ma petite dame !
Pourquoi chercher à le voir? Je refuse de vous conduire à lui sous prétexte que vous êtes une bourgeoise, bien que je doute qu'il soit endormi..."ajouta le jeune homme d'un air entendu qui ne manqua pas de faire grimacer Julia.
Les hommes...

Le garçon était vêtu d'une toge blanche très sobre, comme le commun des romains. Il avait des traits harmonieux et un corps sculpté par le travail, qui n'avait rien de comparable à celui des hommes riches et ventrus...Il y avait cependant une certaine lueur dans ses yeux que Julia n'apprécia pas outre mesure. Il se pencha sur elle de tout son corps, dans une attitude presque menaçante, avant de lui susurrer à l'oreille d'une voix doucereuse "Par contre je peux vous faire visiter mon cubiculum si vous le souhaitez, qui sait vous pourriez peut-être vous y attarder?"

Il se fendit d'un grand sourire tout en formulant cette requête des plus osées.
L'orthodoxie et la bonne morale aurait voulu que Julia refuse.
D'ailleurs, c'est ce que la plupart des personnages de roman prônant le féminisme aurait fait. Elle aurait dû s'offusquer, s'insurger, envoyer ce malotru au diable.
Et pourtant...Julia n'était pas parfaite. Elle avait une faiblesse qui était le besoin d'amour et une volonté, celle de rester insoumise. Il faut l'excuser, si l'on perçoit les choses à travers ses yeux, il y avait là une façon de revendiquer qu'elle n'appartenait pas à Pompée, qu'elle pouvait faire ce qu'elle voulait de son corps. A son tableau psychologique de l'instant, il faudrait ajouter la perspective de se retrouver dans la maison de Crassus, et ainsi de fausser compagnie au jeune homme pendant la nuit pour mener à bien son projet initial.
Alors, c'est à un visage incrédule qu'elle rendit son sourire tout en répondant par l'affirmative.
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J'espère que les agissements de Julia ne vous choquent pas trop mais sachez qu'elle agit toujours en pleine conscience !

Julia Caesaris Où les histoires vivent. Découvrez maintenant