(47) Marcus-première analepse

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Marcus, quant à lui, était bien, fier de ses fonctions.
Il serait mort pour une telle place, et c'est d'ailleurs ce qu'il avait fait...
Mourir. Se donner la mort pour du pouvoir.
Loin de moi l'envie de le blâmer, cette volonté de suprématie habite tous les êtres humains.
Lui qui n'avait été qu'un sous-fifre toute sa vie, avait enfin l'occasion d'occuper une place importante. Pour rien au monde il n'aurait laissé quiconque lui retirer son autorité...

Décidément, personne ne veut de moi.
Je suis vraiment le dernier des abrutis pour avoir pensé que, si son père le lui ordonnait, Julia se marierai avec moi sans contestation. J'ai réussi à noyer ce besoin viscéral d'être aimé en m'engageant dans l'armée. Mais un autre besoin n'a pas tardé à faire son apparition : celui de commander. Ce n'était pas une simple envie, je dis bien un besoin, et j'insiste sur la puissance de ce mot. Si l'on rajoute un petit "r" à ce mot, une seule lettre, il devient "mort".

L'idée n'a pas surgi de nulle part, ça non. J'écoutais les récits mystiques avec une grande suspicion, j'ai eu bien du mal à me départir de mon pragmatisme pour accepter la possibilité que les élucubrations de l'ancien du régiment soient plus que de simples élucubrations.
Malgré tout le mal que l'on pourra dire de moi, j'ai toujours eu un grand respect envers les anciens. Ils dégagent une aura de sagesse et de savoir. Je n'en ai connu que très peu de séniles. Celui-ci était un de mes favoris pour son talent d'orateur. Il avait le don de vous mettre un homme dans sa poche avec quelques mots bien choisis...
C'est d'ailleurs ce qu'il est parvenu à faire avec moi.
Quand je l'écoutais, plus rien n'existait hormis sa voix. Je visualisais chacunes de ces histoires et je les intégrais pour en tirer un enseignement.
Je ne suis pas certain que le message qu'il avait voulu me faire passer à travers le récit de la guerre ectoplasmique ait été celui que j'en ai gardé...
D'ailleurs je me demanderai toujours d'où il tenait ce récit.
J'avais surtout retenu ceci : que les hommes forts à la mentalité d'acier devenaient des lâches sans ambitions une fois qu'ils passaient l'arme à gauche.
Les personnalités étaient inversées. C'était aussi simple que cela.
Bien sûr, je ne me faisais pas d'illusions : dans ce monde-ci, j'appartenais à la deuxième catégorie. Mais des suppositions ont commencé à germer dans mon esprit : les hommes qui décèdent sur le champ de bataille sont toujours les plus braves.
En toute logique, si l'on se fie à leur passé militaire, ce sont donc ceux-là qui seront affrétés pour mener la guerre dans l'au-delà.
Des hommes hagards, sans ambitions ni volonté, ont besoin d'un chef...et je me ferais un plaisir de le leur offrir.

Ce soir-là, je me suis suicidé.

Julia Caesaris Où les histoires vivent. Découvrez maintenant