(62) Trahison fraternelle

32 2 0
                                    

Servia
"Somnus, fais-les monter je te prie !"
Le ton était impérieux, le dieu du sommeil se plia à la volonté de son frère.
Le dieu de la mort reporta son attention sur la vieille Servia, qui avait dorénavant réussi à gagner son intérêt.
"Je vous écoute : comment cette absurdité a-t-elle pu se produire?"

Elle lui fit l'étalage des conclusions auxquelles ils étaient parvenus, en s'attardant sur l'aspect dévastateur de la guerre sur les vivants.
Mors tombait des nues, il était vraisemblablement ignorant du bourbier au centre duquel se trouvait son royaume...il paraissait sincèrement navré.

Il devrait pourtant être le plus informé...quelqu'un devait faire de la rétention d'information et Servia soupçonnait de plus en plus l'autre dieu a faire figure d'autorité, Somnus.
Elle venait à peine d'achever son récit que Julia et toute sa troupe apparaissait devant eux.
Il était étrange qu'ils aient passé autant de temps à se transporter, au vue des aptitudes de Somnus et se sa rapidité habituelle.

Julia
En effet, ma nourrice nous avait rapidement envoyé une aide précieuse en la personne de Somnus, chargé de nous transporter jusque dans sa résidence.
Nous l'avions accueilli avec moult sourires qui se sont heurté à son visage fermé.
Il a dédaigneusement projeté son regard sur chacun de nous, balayant la scène comme s'il jaugeait notre propension à lui planter un couteau dans le dos.
Enfin, il a pris la parole. Voix hautaine et condescendante.

"Ne vous avisez pas de raconter quoi que ce soit à mon frère qui le fasse douter de son pouvoir sur ces lieux. Dites lui que ces enfants sont morts depuis peu, et que c'est la raison pour laquelle ils ont l'air aussi...vivants. Me suis-je bien fait comprendre?"

Nous étions ahuris. Excepté les plus jeunes, qui ne comprenaient rien à ce qu'il se tramait.
Je décidais de prendre les choses en main.

"Pourquoi devrions-nous mentir? Nous avons besoin du soutien de Mors !
-Je vous l'ordonne et c'est ainsi."

La mort dans l'âme, nous nous résignâmes à faire ce qu'il attendait de nous, au risque de ne pas être amenés là où nous voulions aller.
En une fraction de seconde, j'étais face à Servia et Mors.
Ce dernier s'empressa de s'approcher des enfants avant de s'adresser à moi.

"Sont-ils réellement vivants?"

Je donnais intérieurement toutes mes excuses à Servia, qui s'était donné tant de mal pour nous aider, et sentant le regard lourd d'attentes de Somnus dans mon dos, je mentis.

"Non seigneur Mors, ils sont simplement décédés il y a peu."

Je me détestais pour avoir cédé aux caprices de Somnus si facilement mais je le sentais capable de tout si jamais la situation ne lui était pas favorable.
Cependant Mors était loin d'être dupe et il s'interrogea.

"Pourquoi vous être présentés ici dans ce cas? Quelle est votre requête?"
La question était très légitime, nous n'aurions aucune raison d'être venus le solliciter si les enfants étaient réellement en vie. Alors...
Je lui avouais le plus rapidement possible :
"C'est Somnus qui m'a demandé de vous mentir !"

Il jeta un regard inquisiteur à son frère.

"Pourquoi cela Somnus?"

Face au mutisme de ce dernier, Servia se décida à intervenir.

"C'est lui qui vous a endormi lorsque vous avez autorisé cette réincarnation ! Et c'était lui aussi qui vous maintenait dans l'ignorance pour la guerre aux abords du lac Averne !"

Sa déclamation ne manquait pas d'audace, pourtant sa voix assurée donnait envie de la croire. Mors hésitait.

"Mais enfin quel aurait été l'intérêt de Somnus de me dissimuler une guerre?"

La question s'adressait autant à son frère qu'à ma nourrice.
Ce dernier ne daignait toujours pas ouvrir la bouche.

"Il est jaloux de votre pouvoir, cela crève les yeux !" me sentis-je obligée d'ajouter.

Somnus tenta bien de plaider sa cause, à grand renfort de "mon frère adoré", mais il l'avait déjà perdu.

"Je me dois de réparer les dégâts causés par l'impudence de mon frère.
Lesquels d'entre vous sont vivants?"

Grimace gênée. Appartenais-je vraiment à cette catégorie?

"Les enfants et moi-même seigneur"
J'avais tenté de faire preuve d'une grande humilité mais l'affirmation fut acceptée sans soupçons.

Il ajouta même : "Dans mon infinie mansuétude, et par gratitude pour m'avoir perdu d'expulser de mon entourage les individus néfastes (regard entendu vers Somnus), je vous offre la possibilité de ramener un autre mort parmi les vivants.

Julia Caesaris Où les histoires vivent. Découvrez maintenant