(21) Le début de la fin

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César était d'une humeur massacrante. Alors comme ça Pompée s'empressait de lui arracher sa fille? Il le prévenait un instant après qu'il lui ait accordé son pouvoir juridique sur cette dernière? C'était une d'une ignominie sans nom !
Tout cela dans quel but? S'éloigner un peu de l'agitation mondaine, d'après ses dires.
Foutaises !
Le ton montait acrimonieusement dans l'atrium, tandis que Julia s'interrogeait dans sa chambre. Quel est la source de ce conflit qui agite les esprits et les coeurs?
Chacun a une vision différente de ce qui est bon pour l'empire romain. Enfin il ne s'agit pas d'imposer son idée mais de parvenir jusqu'à un terrain d'entente ! Même si le chemin pour y accéder doit être long et périlleux, criblé d'embuches. Oui, elle s'entretiendrait avec les investigateurs de ces problèmes récurrents : les politiciens.
Après tout, elle était une César, son nom n'était pas étranger à ce milieu !
Mais comment se rapprocher de ces hommes influents alors qu'elle est justement supposée s'éloigner du centre des agitations politiques que constitue Rome?

Pompée risque de plonger dans une fureur sans nom mais j'ai à faire avant de partir...
C'est sur cette pensée que Julia se faufila par la fenêtre d'une manière qu'elle espérait silencieuse.

Une fois dans la rue, elle réalisa qu'elle n'avait pas la moindre idée du lieu où elle devait se rendre. Elle rit de sa propre ignorance tout en se flagellant pour son impétuosité qui la poussait à agir sans réfléchir au préalable...

A défaut de pouvoir consulter une oracle, elle décida de se rendre chez un ami de son père, le seul dont elle connaissait le domicile à Rome. Elle pensait au dernier membre du triumvirat, Crassus.

Elle marchait seule dans la nuit, ruminant de sombres présages de la guerre qui s'abattrait bientôt sur sa belle ville. Une jeune fille bien ne se promenerait pas dehors à une heure pareille se sermonna-t-elle intérieurement tout en riant de sa candeur.
Rome était bien différente de nuit, la ville avait deux visages.
Pendant la journée, elle fourmillait de vie mais chacun se montrait sous son meilleur jour tandis que l'animation qui y régnait de nuit était bien plus libertine et...alcoolisé.

Il n'était pas rare de croiser un homme déglutissant sur la devanture d'une taverne ou des bandes de ces rustres marchant bras dessus bras dessous tout en claironnant des chansons païennes.

Elle frissonna en pensant que pour rien au monde elle ne voudrait tomber sur eux ce soir.
Elle aurait peut-être dû prévenir Pompée avant son départ...
Elle secoua fermement la tête pour chasser cette idée de son esprit. Non, cet homme ne lui ferait jamais confiance, il lui aurait interdit de sortir ou bien dans son infinie bonté aurait insisté pour venir avec elle.
En quoi cela aurait-il été un problème?
Julia avait beau avoir partagé le gâteau du mariage avec cet homme, et même son lit, elle ne se sentait pas plus en confiance avec lui qu'avec ces énergumènes souls qui piaillaient en coeur...c'était malheureux !

Mais avec elle, plus qu'avec quiconque, la confiance se gagnait au prix de multiples efforts sans cesse à renouveler...

C'est sur cette pensée que s'acheva son cheminement intérieur, tout comme l'extérieur prenait fin aussi : elle arrivait devant l'imposante villa de Crassus.

Julia Caesaris Where stories live. Discover now