(63) Apothicaire bavard

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Ils avaient écumé la majorité des apothicaires de Rome.
De guerre lasse, Pompée se résignait à accepter son sort et à ne plus jamais reparaître dans Rome, lorsqu'une table inespérée se distingua au forum.
On avait disposé tant de flacons sur cette dernière qu'il était difficile de voir qu'il y avait encore une table dessous.
Détail encore plus insolite : le vendeur de tous ces produits n'était pas une personne perdue dans le troisième âge mais bien un enfant.
Ils étaient passés à deux doigts de ne pas le remarquer, tant ils avaient focalisés leur recherche sur un adulte, à plus forte raison un vieil adulte.
Le gamin offrait des sourires à tous les passants, sans retenue, mais il n'aguichait pas comme la majorité des vendeurs ambulants.
Il se contentait de rester stoïque derrière sa table.

Pompée se fendit un passage à travers la marée humaine composée de vagues de toges et de sandales, Tonio sur ses talons.
Il se pencha sur la table du petit.

"Dis-moi garçon, est-ce que tu vends des boissons qui tuent?
-Du poison liquide vous voulez dire?"

Pompée jeta un regard derrière lui.

"Pas si fort ! Oui, c'est à cela que je fais référence.
-J'en ai dans ma sacoche oui. Lequel désirez-vous?
-A vrai dire, ce n'est pas pour cette raison que je te consulte. En aurais-tu vendu à une jeune fille il y a de cela une vingtaine d'années?"

Tonio le regarda de travers, ce qui lui fit réaliser l'absurdité de la question.

"Bien sûr, tu n'étais pas né à l'époque....mais ton père tenait-il déjà cet office?
-Oui en effet.
-Peux-tu l'amener ici?"

Le garçon secoua la tête et ses traits affichèrent une grande douleur.

"C'est impossible, il est mort...je suis désolé"

Tous leurs espoirs? Fichus en l'air, balayés comme de vulgaires parchemins au vent.
Ils le remercièrent chaleureusement et s'apprêtaient à rebrousser chemin lorsque Pompée sentit une pression sur la manche de sa toge.
"J'ai peut-être une solution ! Mon père consignait toutes ses ventes dans un carnet, afin de faire chanter les éventuels meurtriers. Bien sûr, rien n'assure qu'ils ne mentaient pas sur leur identité... "

Il sortit le carnet en question de sa sacoche, et le tendit à Pompée qui s'empressa de le feuilleter. Il trouva la date approximative de la mort de Fabia et regarda les noms inscrits à cette période.

"Marius Piplius
Claudius Ortus
Cornelia Cinna"

Elle n'avait pas menti, ne songeant pas que quiconque puisse mener des investigations sur ce tragique décès.
Pompée s'enticha de sa voix la plus délicate.

"Petit? Cela te dérange-t-il si j'emporte cette page avec moi? Elle me sera infiniment précieuse..."

Le petit vendeur haussa les épaules.

"Si cela peut vous aider...je ne suis plus à cela prêt !"

Ils le remercièrent chaleureusement avant de glisser dans sa petite menotte quelques pièces de monnaie accompagnées d'un clin d'oeil.
Curieusement, la pièce en question semblait être à l'effigie de Pompée...
Et cette preuve lui serait précieuse pour conserver son visage sur les pièces pendant encore longtemps.

Julia Caesaris Onde histórias criam vida. Descubra agora