(45) Nourrice

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De son côté, Julia n'avançait pas avec Sisyphe. Il demeurait toujours aussi hermétique à toutes ses injonctions et elle commençait à désespérer. Celui qui avait eu l'idée de dissimuler les enfants à cet endroit était un génie...machiavélique, mais un génie, il faut le reconnaître.
Appius et Titius, quant à eux, étaient aussi impuissants qu'elle car ils n'avaient pas bien étudié la psychologie du personnage. Qui le leur reprocherait...
Eh bien Julia n'était pas loin de le faire en cet instant, tant ses nerfs étaient à bout !

L'intervention d'une vieillarde l'irrita au plus haut point.
"Mademoiselle...
-Qu'est-ce qu'elle a, la vieille?"
Elle daigna lever le regard vers son interlocutrice et fut frappée de stupeur.

Comment...? Après tout, ce n'était pas si improbable, sa nourrice était décédée depuis un moment. Mais sa présence aux Enfers était plus qu'injustifiée...aucune personne ayant foulé la Terre ne pouvait être plus adorable. Sincèrement.

"Nourrice? C'est bien toi?"

La petite femme se fendit d'un sourire malicieux qui fit pétiller ses yeux, comme autrefois.

"Je t'aurais bien répondu en chair en en os mma petite, mais je crois que l'expression n'est plus adaptée ! Mais dis-moi...que diable fais-tu ici? Tu es bien trop jeune !
-Oh...rassure-toi, la situation n'est pas vraiment celle que tu crois."

Elle jeta un coup d'oeil à Titius et Appius, afin de vérifier qu'ils n'écoutent pas, avant de poursuivre :

"Je ne suis pas vraiment décédée. Disons que je suis entre-deux...je me suis débrouillée pour tromper la mort."

Le regard de la nourrice s'illumina d'une lueur interrogative.

"Sans vouloir t'offenser...qu'est-ce qui peut bien pousser une jeune fille telle que toi à visiter un tel endroit? J'ai connu mieux pour prendre des vacances..."

La boutade de sa gouvernante faillit bien arracher un sourire à Julia malgré la conjecture.
Ce qu'il était bon de retrouver ce personnage-phare de son enfance !
Et il était heureux de constater que la bonne n'avait rien perdu de sa repartie...
Julia se pencha vers elle sur le ton de la confidence.
"Eh bien, vois-tu, si je suis ici c'est pour sauver des enfants bien vivants qui sont retenus ici contre leur gré"

Son interlocutrice ouvrit des yeux hallucinés.

"C'est impossible ! Seuls des morts peuvent pénétrer en ce lieu !"

Julia soupira : elle avait appris à ne plus rien considérer comme étant impossible, tant son existence avait pris une tournure fantasque. De toute évidence, les Enfers étaient plus que détraqués pour qu'il soit permis à des morts d'en sortir et des vivants d'y pénétrer, et ce en toute impunité ! Mais que faisait donc Mars? Ou Pluton?
Pour toute réponse à l'attention de son interlocutrice, elle haussa les épaules.

Puis une question jaillit dans son esprit qui vint délier ses lèvres à nouveau.

"Tu es ici depuis plus longtemps que moi...saurais-tu comment ils ont bien pu s'y prendre?"

L'intendante était penaude, ses épaules se voutèrent encore un peu plus.

"Il est possible que..."
Julia attendit et braqua un regard insistant sur cette femme qui s'était occupée d'elle il y a bien longtemps. Elle se fit la réflexion que les rôles étaient maintenant inversés et cela la fit rire intérieurement. Manifestement, beaucoup de choses paraissait impossible à la vieille femme, elle était restée trop pragmatique. Julia, n'y tenant plus, se sentit obligée de la brusquer un peu, au risque de la froisser...
"Parle Nourrice, je t'en prie !"
Elle s'effectua à contre coeur.
"Il est en effet envisageable que les personnes mal intentionnées dont tu me parles se soient débrouillées pour s'attirer les faveurs de Mors, le dieu de la mort. Ce dernier aurait pu leur permettre d'accéder plus vite à la réincarnation et ainsi de mener à bien leur projet à travers un autre corps..."

Julia s'imaginea la situation.
Et si ce plan était fomenté depuis plus longtemps qu'elle ne le pensait?
Ce coup-ci, elle s'autorisa un raisonnement logique : un esprit ne peut être réincarné qu'à travers un nouveau-né. Seulement, dans le corps d'un bébé, le champ d'action est plutôt limité...
Alors il a fallu attendre que l'enfant grandisse, que l'idée se développe en lui, que l'adulte qui sommeillait, tapi dans sa conscience enfantine, s'éveille.
Elle fut frappée par un éclair de lucidité.
Mais oui ! C'était évident maintenant !
Le voleur d'enfants n'était autre...qu'un des enfants lui-même !
Un enfant qui était né et avait grandi avec cet autre en lui, qui s'était débrouillé pour qu'il se retrouve dans une charrette emplie d'enfants, des enfants qui attireraient l'attention et attiserait la part bestiale des humains pour que les conflits s'embrasent !
Tout faisait sens.

Elle fit part de son raisonnement à Servia, cette sacrée nourrice qui lui avait fourni l'élément déclencheur pour parvenir à sa conclusion. Cette dernière hocha la tête durant tout son étalage d'arguments qui se corroboraient les uns les autres, mais son expression faciale termina cependant sa gymnastique sur une moue dubitative.

"Ma chérie...tout ce que tu me dis là se tient, mais un élément demeure flou : comment s'y sont-ils pris pour convaincre Mors d'amender leur projet? Pour l'avoir déjà rencontré, je sais qu'il n'est pas facile d'entrer dans ses petits papiers....
-C'est une bonne question nourrice, à laquelle je serais ravie de répondre, mais je pense que notre priorité n'est pas de savoir comment ils s'y sont pris mais plutôt comment déjouer leur machination...es-tu disposée à m'aider?
-Rien ne me ferait plus plaisir mon enfant...malgré tout, lorsque j'en aurai le temps, je me souviendrais qu'il me faudra consulter Thanatos pour m'entretenir avec lui. Cette histoire est incompréhensible ! Pour commencer, je crois avoir une idée qui pourrait t'aider à détourner l'attention de Sisyphe de ce coffre géant. Tu m'as bien dit avoir déjoué la mort?
-En effet...
-Sache que cela te fait un point commun avec ce cher Sisyphe !
Lui aussi s'est montré assez rusé pour embrouiller Mors, malheureusement la situation s'est retournée contre lui...comme tu peux le constater.
-Bien, mais je ne vois pas où tu veux en venir...
-Patiente un instant, le dénouement arrive ! Sisyphe avait révélé la position de sa fille à Asopos, en échange d'une source intarissable pour alimenter Corinthe en eau. Elle avait été enlevée par Zeus, et ce dernier n'a pas vraiment apprécié l'intervention de Sisyphe dans ces affaires amoureuses...il a demandé à Mors de venir chercher ce jeune mortel qui avait eu le toupet de venir interférer dans ses relations. C'est ici que l'histoire devient intéressante puisque Sisyphe, dans toute son ingéniosité, proposa à Mprs de découvrir sa toute nouvelle invention : des menottes. La suite tombe sous le sens...
Alors voilà ce que je te propose : il suffit de parler avec Sisyphe de son passé pour qu'il devienne l'homme le plus distrait du monde. Alors, je me charge de cette tâche pendant que tu ouvres le coffre. Convaincue par mon projet?"

Julia sourit franchement cette fois-ci.
Qu'aurait-elle fait si cet ange n'était pas tombé au moment propice?
Cependant, il demeurait un souci.

"Certes, ton idée est bien ficelée, mais où trouver la clé?"

C'est le moment que choisirent Appius et Titius pour vider l'intégrité de l'air contenu dans leurs poumons à travers un cri triomphant provenant du sommet de la montagne.

"La clé est ici !"

Décidément, tout s'annonçait bien pour nos protagonistes.

Presque trop bien...

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Un chapitre un peu plus long et bourré de révélations ! (Que j'espère intéressantes )
Je vous remercie encore de lire et de voter, voir même de commenter pour les plus hardis, ça me booste !

Julia Caesaris Où les histoires vivent. Découvrez maintenant