(61) Les vindictes de Cornelia

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Pompée tombait comme un cheveu sur la soupe. Tonio avait totalement occulté de préparer le terrain, aussi sa venue déconcerta Caius.
Ils expliquèrent la situation à ce dernier, en modifiant le statut de Pompée en le faisant passer de "meurtrier" à "fiancé éploré".

Le vieux philosophe (car c'en était bien un) parut se souvenir d'une question importante.
"Cette histoire est bien ancienne...pourquoi avoir attendu tant d'années pour venir me parler?"
Il faut reconnaître que leur alibi ne tenait pas vraiment la route : comprendre une disparition...
Il prétextèrent avoir vécu loin de Rome pendant un moment, et n'avoir pu revenir que plus tard. La justification demeurait bancale, mais le vieil homme décida de passer outre, heureux qu'il était d'avoir trouvé des interlocuteurs, des exutoires pour ses histoires.
Il les convia à boire un verre de vin, dilué avec de l'eau pour conserver l'esprit claire.

"Fabia...que puis-je vous dire sur elle? Elle me confiait régulièrement des anecdotes sur son enfance dans un petit village, sur sa trop nombreuse fratrie qui a poussé ses parents à se délester de quelques membres de leur progéniture en les vendant au plus offrant..."

Il marqua une pause solennelle à ce moment de son récit, comme pour envoyer sa compassion à la jeune fille.

"Comme je l'ai dit à Tonio, elle me parlait souvent de Cornelia, de son amour pour Pompée et...
-L'amour de qui? fit Pompée, soudain très intéressé.
-Eh bien en réalité les deux jeunes filles étaient amoureuses de lui...la situation était compliquée. Cornelia n'avait jamais confié ce secret intérêt à son amie, mais Fabia l'avait deviné à des détails, triviaux certes, mais révélateurs : le brillant des yeux de Cornelia quand le prénom du jeune homme était mentionné, sa coquetterie opportune lorsqu'il était prévu qu'elles le voient. Bien sûr, si Cornelia le lui avait demandé, Fabia n'aurait pas hésité un seul instant à lui laisser la place et à se sacrifier pour son amie. Mais Cornelia n'ayant jamais exprimé ouvertement cette inclination pour Pompée, elle ne pouvait rien faire sans risquer de l'offusquer ou de la blesser..."

Face à cette révélation, la situation devenait limpide pour Pompée.
La dernière pièce qu'il lui manquait était une preuve.
Cornelia avait empoisonné Fabia, cela ne faisait plus aucun doute.
Les apothicaires qui marchandent dans ces travers ne sont pas si difficiles à trouver.
Avec un peu d'argent, il devrait parvenir à lui délier la langue.
Le coeur de Pompée se gonfla d'un espoir nouveau, et sa conscience s'allégea, ses traits s'adoucirent, ses rides se raffermirent. Tout son être était plus rayonnant, plus confiant, et aussi plus impatient. Par conséquent il eut grand peine à attendre la fin de la conversation avec Caius.
Il dût se modérer et faire bonne figure, mais le regard qu'il jeta à Tonio reflétait son empressement. Ils abrégèrent et remercièrent chaleureusement leur hôte, déçu de les voir s'en aller si vite.

Julia Caesaris Where stories live. Discover now