(33) Le néant

57 6 1
                                    

Je m'attendais à traverser un tunnel ou au minimum à franchir une lourde porte devant laquelle s'entasserait toutes les personnes ayant poussé leur dernier soupir au même moment. Ce qui, soit dit en passant, fait un nombre considérable de personnes...

Mais non, rien de tout cela pour l'instant. Le vide intersidéral.
J'évolue dans un espace immatériel, sans air autour de moi et donc sans bruit.
Le vrai silence. Celui qui n'a jamais lieu lorsque l'on est pourvu de tympans.
Mais je ne suis moi-même pas une entité tangible, juste un esprit, une âme, peu importe la dénomination que l'on accorde à ce phénomène.

C'est sans doute un entre-deux. Ma façon de penser et mon identité n'ont pas encore eu le temps d'être transférées dans ma deuxième enveloppe corporelle.
Celle qui se trouve sans doute inanimée aux abords du lac Averne, attendant encore mon esprit. Ne me demandez pas comment il est possible que j'ai un corps aux enfers alors que mes organes sont restés auprès de Tonio, je n'en ai pas la moindre idée.
Il est possible que sans posséder vraiment de corps, une illusion d'en avoir un nous soit octroyée. Mais pour une illusion visuelle, encore faut-il posséder des globes oculaires non?
De toute façon, je ne comprend plus grand chose et je trouve cette sensation de n'être plus que pensées terriblement agréable. Il m'est permis d'être passive dorénavant.

Je perd toute notion du temps. C'est peut-être pour cela que ce moment existe.
Nous libérer hors de toute contrainte temporelle et matérielle pour ne redevenir plus que réflexions et intériorité...

Mais cela ne pouvait pas durer. J'étais en train de me dire (intérieurement bien sûr) qu'étant donné les circonstances de mon décès, je me retrouverais probablement dans l'Erèbe, ce qui n'était pas pour m'arranger. Eh bien oui, ma mort est sans doute passée pour un suicide (bien que j'espère fortement que l'ambroisie a fait effet) et dans ce cas, je ne suis ni une bonne, ni une mauvaise âme. En fait, c'est plus ou moins le pire endroit où je pouvais atterrir car il le seul à être insulaire. Nous n'avions pas envisagé cela avec Tonio...

Je sens que ce n'est que le début des ennuis puisque je commence déjà à me matérialiser, ma main entrant dans mon champ de vision sans crier gare.
C'est maintenant que je réalise que j'aurais préféré avoir plus de temps pour réfléchir...

Julia Caesaris Where stories live. Discover now