(58) Somnus et Servia

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La vieille nourrice mesurait sa chance. Être conduite au palais par un des frères en personne !
Mais elle n'était pas de nature orgueilleuse, et ne s'en réjouit que pour l'aspect pratique d'une telle faveur : elle pourrait s'entretenir plus facilement avec Mors.
Les dieux ont la faculté de se transporter d'un endroit à un autre en un instant, ce qui rendit le voyage plus commode que si elle l'avait effectué à pied.
Leur lieu de vie n'était pas aussi fastueux qu'elle l'avait imaginé. Elle leur aurait volontiers accordé des dorures et autres ors, mais il y avait là une villa, tout ce qu'il y avait de plus simple.
Excepté un détail : elle flottait au-dessus de leurs têtes, citadelle accrochée à on-ne-savait-quoi au juste. Elle comprit que la discussion à venir s'annonçait importante puisque le destin avait eu la bonté de mettre Somnus sur son chemin, et que sans lui elle n'aurait jamais pu entrer dans la flottante demeure. Les malheureux ayant une requête étaient nombreux, mais ils pouvaient attendre un moment avant d'être reçus...certes, ils avaient du temps devant eux.
Somnus me prit par la main et prit le temps de s'élever dans les airs, alors qu'il aurait pu se matérialiser directement dans la villa même. Pour narguer les laissés pour compte ?
Je ne sais pas trop. Je penche plutôt pour une volonté de m'épater.
Je me raclais la gorge.
« Quel âge avez-vous d'ailleurs ? »
Il prit un air offusqué.
« On ne demande pas une telle chose à un immortel madame ! »

Il éluda la question et me fit patienter dans l'atrium quelques instants. Plutôt étrange, le sol était transparent et donnait un vertige fou à qui regardait au travers.
Il revint à la vitesse d'un dieu et m'informa de l'absence de son frère. Il me paraissait faussement désolé.

« Ne connaissez-vous pas un moyen de l'appeler ?
-Je ne suis pas le messager des dieux ! Avec lequel il doit d'ailleurs être en cet instant...il passe bien plus de temps avec lui qu'avec son propre frère. Ajouta-t-il d'un ton mauvais. Je suis en mesure de faire appel à Mercure en effet, mais ton affaire est-elle pressante à ce point ?
-Je pense qu'elle peut être considérée comme une urgence oui... »*

Résigné, il ferma les yeux. L'instant qui suivit l'ouverture de ses paupières, Mors était à côté de lui, à côté de moi. Il était furieux.

Julia Caesaris Où les histoires vivent. Découvrez maintenant