(40) Bataille navale aux Enfers

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Julia n'était pas encore pleinement remise de sa surprise, aussi elle ne fit pas le lien entre la Fabia qui était devant elle et l'ancienne copine éponyme de son mari.
Cette dernière l'avait bien reconnue mais ne fit aucune allusion pour l'instant.
Quant à Marcus, il dut taire son animosité et faire bonne figure, notamment pour ne pas se décrédibiliser auprès de Cornelia.
Il était décédé récemment, et avait aussitôt assouvi son besoin de pouvoir en se nommant chef du camp.
Julia n'était pas tellement surprise : un homme qui a ce type de besoin de son vivant le conserve aussi une fois mort...

"Julia ! Quel plaisir de te rencontrer enfin ! s'exclama ce dernier, dans toute la splendeur de son hypocrisie.
-Je peux en dire autant, répondit cette dernière en lui tendant la main, signe d'un accord de paix tacite."

Elle espérait que son sourire n'était pas trop crispé.
Fabia la fixait d'une manière curieusement insistante, comme si elle cherchait à sonder son âme ou tout autre extrospection. Ce que Julia nommait "extrospection", c'était l'étude minutieuse des gens qui l'entourent. Se mettre à leur place, elle savait faire. Fabia aussi manifestement.

De curieux crépitements mirent fin aux effusions.
Comme si quelqu'un s'amusait à allumer des feux d'artifice.
Sauf qu'il s'agissait d'une attaque navale, et de grande ampleur, à en juger par le volume sonore des "oblivius", comme Julia avait entendu Marcus désigner les redoutables billes.

Ce dernier s'empressa d'ailleurs d'alerter les populares en sifflant dans une sorte de corne.
La corne d'abondance, précisa-t-il en faisant un clin d'oeil à son attention.

Pitié...il n'avait donc pas encore abandonné toute ambition de la conquérir.
Elle saurait le remettre à sa place en temps voulu, mais il y avait plus urgent.

Appius et Titius étaient tout paniqués, ce qui ne fit que corroborer la théorie de Julia selon laquelle ils avaient laissé beaucoup d'êtres aimés derrière eux, et ne souhaitaient pas que leur vision de ces personnes soit altérée.

De tels assauts paraissaient être fréquents, à en juger par l'incroyable défense qui avait été déployée en quelques instants. Chacun était équipé d'un bouclier et ceux qui n'en possédait pas étaient entourés par les autres.

La situation n'était pas aussi catastrophique que Julia l'avait envisagé.
Elle s'attendait à trouver une mère éplorée attendant désespérément l'aide de sa fille adorée, elle se trouvait face à une impitoyable général de guerre, maniant le fer comme personne pour défendre les siens, et n'hésitant pas un instant à ôter quelques vies pour son salut.
Elle ne faisait que déchanter depuis qu'elle était arrivée...

Elle ne parvenait pas à placer sa confiance en cet être. Ni en Marcus.
Il n'y avait que Fabia qui lui inspirait de la sympathie, sans qu'elle sût expliquer pourquoi.
Mais une personne, ce n'était pas suffisant pour la convaincre de rester et d'abandonner son projet de sauvetage.

C'est pourquoi elle se dirigea rapidement vers ses deux acolytes pour leur souffler
"suivez-moi, j'ai une bonne connaissance des valeurs optimates, avec un peu de chance il nous sera permis d'embarquer à bord de la barque qu'ils ont affrêtés pour l'assaut."

Appius et Tutius ouvrirent tout deux des yeux ronds.
Comme ça, Julia voulait s'infiltrer chez l'ennemi?

Elle était déjà en route mais pris le temps de se retourner et, voyant qu'ils ne suivaient pas, les apostropha tout en tentant de faire preuve de discrétion corporelle (disons que ses émanations vocales étaient très amplement couvertes par les résidus sonores de la bataille environnante) : "Alors, vous venez?"

Il n'y eut pas à tergiverser pour les deux amis. Au point où ils en étaient, ils auraient été prêt à suivre Julia jusqu'au bout du monde.

Julia Caesaris Where stories live. Discover now