(23) Crassus

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Elle était dans de beaux draps, c'est le cas de le dire. Elle se demandait comment Crassus allait réagir lorsqu'il la verrait débarquer à une heure aussi avancée.
Mais il lui avait fallu attendre que son compagnon s'assoupisse, et cela avait pris un certain temps. Il ne s'était pas révélé avare de paroles, il s'était même montré intarissable...

Elle avait appris qu'il se nommait Tonio, qu'il avait une petite soeur qu'il n'avait pas vu depuis qu'il avait été employé ici et mille autres détails de son existence qui seraient bien trop longs à énoncer. Elle mit son plan à exécution et se faufila hors du lit. On eût pu écrire « sur la pointe des pieds » mais il était difficile de ne faire toucher que cette partie de son corps au sol.

Le cubiculum de Crassus ne serait quant à lui pas difficile à trouver : les villas sont toutes construites sur le même moule !
Les chambres sont autour de l'atrium, et celle de Crassus ne pouvait être que celle dont s'échappait un long ronflement tonitruant.

Elle se refusait tout commentaire.

Ne sachant comment signifier sa présence une fois encore, elle toqua timidement à la porte.
Le vieux général ne dormait que d'un œil.
Sa voix avait malgré tout des accents excédés.

« Entrez ! »

C'est en tremblant que Julia fit selon sa volonté.

« Bonsoir, je sais que ce n'est pas le moment idéal mais j'avais à vous parler avant de me rendre hors de Rome avec mon époux et...

-Qui êtes-vous bon sang? »

Comment avait-elle pu oublié de se présenter?

Toute penaude, elle se présenta en bonne et due forme avant de formuler sa requête d'une conversation avec lui.
Il n'était pas seul, la femme à ses côtés commençait à s'agiter.

« Crassus, qu'y a t'il? L'interrogea-t-elle d'une voix endormie.

-Rien Tertulla, rendors-toi chérie »

Typique de l'homme qui ne fait pas confiance à sa femme. Cette dernière dut se douter de l'ignorance dans lequel on voulait la laisser, mais elle ne fut aucun commentaire.

Crassus soupira afin de marquer sa désapprobation face à cette jeune fille qui venait le tirer du lit en pleine nuit, c'eût pu être sujet à interprétation, mais il fit tout de même mine de se lever.

Il la mena jusque dans son tablinium, l'équivalent d'un bureau, et aussi l'endroit le mieux décoré de la maison, pour en mettre plein la vue aux invités de marque.
Julia se demanda si elle figurait dans cette catégorie avant de capter le regard de Crassus qui la jaugeait et de se voir finalement menée dans le triclinium, la salle à manger.

Au moins, elle était fixée...elle ne méritait pas tant d'honneur.
Trêve de digressions, elle avait déjà assez trainé et Pompée devait remuer ciel et terre pour la retrouver alors qu'elle n'avait pas encore obtenu ce qu'elle voulait.

Heureusement, il ne serait pas venu à l'esprit de son époux qu'elle pût être chez un homme tel que Crassus. Dans tous les cas, il n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle pouvait bien faire.
Elle prit un air grave, s'efforçant de se composer un visage de circonstance et formula sa requête sans plus de détours :
"Je sais que les guerres ont jalonnées notre histoire, mais celle qui se trame en ce moment a des répercussions encore plus fortes que lors des précédentes. Alors je viens humblement vous demander de m'aider à y mettre un terme, et aussi à les comprendre."

Crassus était interloqué. "A quelles répercussions faites-vous référence jeune fille?"

Trop tard. Il ne l'aiderait pas si elle ne lui confiait pas l'histoire dans son intégralité.

Julia Caesaris Where stories live. Discover now