Aurora T1 : Les Perles de Vie / Watty 2020

Chapitre 19 - Décès inexpliqués (Partie 2)

— Sojeyn ? Sojeyn ? Réveille-toi, appela une voix de très loin.

Le prince se redressa. Une paume plaquée sur la gorge, il aspira plusieurs bouffées d'air.

Je suis vivant, constata-t-il ensuite.

À peine cette pensée le traversa, qu'il se demanda pourquoi il l'avait eu. Il chercha autour de lui un repère et aperçut des visages inquiets. Où était-il ?

— Est-ce que tu vas bien ? s'enquit la même voix.

Il se tourna vers elle et reconnut Merioni. Tout lui revint alors en mémoire : le Cercle, la sphère et... la noyade.

— Que... que s'est-il passé ?

— Tu as refusé l'union des esprits. Nous avons tenté de t'y entraîner, malgré ta résistance, mais nous avons échoué.

— Je me sentais disparaître, ne plus exister, mourir.

— C'est une étape pénible, qui ne dure pas longtemps si tu l'acceptes.

— Ai-je blessé quelqu'un ?

— Non, tous les membres connaissent cette épreuve, ils savent se protéger. Nous reprendrons demain. Tu boiras de la liqueur de llyriah pour abaisser tes défenses psychiques.

— Je préfère réessayer maintenant ! objecta-t-il d'un ton ferme.

Merioni hésita et les kiriahnis écarquillèrent les yeux, avant de se regarder. Quelques secondes s'écoulèrent ainsi en silence.

Ils discutent ma requête, supposa Sojeyn. Le maître le confirma l'instant suivant :

— Le Cercle est d'accord, toutefois j'arrêterai l'expérience si tu résistes trop.

— Pourquoi ?

— Au moment de la connexion, ta conscience ne distingue plus entre réalité et virtuel ni ton inconscient. La noyade est vécue comme vraie. Ta lutte lors de la première tentative t'a soutiré beaucoup d'énergie, tu seras donc plus faible pour gérer une seconde ; d'où la raison du report au lendemain. Désires-tu encore recommencer tout de suite ?

— Oui, assena-t-il.

Le prince avala un jus de fruits dans lequel des gouttes de l'élixir de llyriah étaient diluées. Le Cercle se reforma et il retrouva l'étrange bain chaud de la sphère. Dès le contact mental des membres, il plongea de nouveau au milieu des vagues houleuses : elles l'emportaient, le submergeaient, le noyaient.

Tandis que, d'instinct, il se débattait, une phrase surgit dans sa tête. Pas la bonne attitude. À ces mots, il se laissa couler, mais l'air manqua très vite et l'envie de regagner la surface batailla en lui. Il serra les poings, refusant de céder à la panique. Comment sortir de ce piège ?

Concentre-toi sur les kiriahnis ! lui intima son esprit. Il obéit aussitôt.

Après quelques secondes, qui semblèrent une éternité à l'adolescent, une extraordinaire lumière blanche brilla et des pensées douces se manifestèrent avant de se mélanger aux siennes. Le Cercle était vraiment né, semblable à une entité indivisible, guidée par la main du maître. Il se déplaça dans la salle de préparation où un énorme cube s'y trouvait, le souleva comme s'il ne pesait pas plus lourd qu'une plume, puis le ramena.

La déconnexion s'effectua ensuite, le prince étant le dernier à quitter la sphère. Il regarda celle-ci se reposer sur le plateau en verre et les arcs colorés qui la traversaient s'éteindre. Elle ressemblait maintenant à une immense bulle de savon irisée.

Enfin, les paupières de Merioni se relevèrent.

— Félicitations, Sojeyn ! Tu es parvenu à surmonter ta résistance, informa-t-il. Ton esprit reconnaîtra la situation et ta lutte disparaîtra avec la pratique.

— Je comprends pourquoi l'exercice lui-même était si facile, l'unité importait plus que l'utilisation du kiriah.

Le maître opina. Quand ses compagnons le congratulèrent, le prince relâcha sa tension et se réjouit avec eux.

Quatre jours plus tard, satisfait des résultats en téléportation, Merioni lança l'intégration du pouvoir de guérison. Le Cercle ne se rendit pas dans l'aile ouest, réservée à la santé. Un moniteur leur amena les cas les plus simples : plaies bénignes, refroidissements, douleurs musculaires.

L'adolescent s'adapta sans difficulté, grâce à son séjour dans l'Entre-Deux monde pour secourir sa sœur plutôt que ses cours d'apprenti. Cette étape le captiva, car il était autorisé à participer aux conversations médicales, même s'il devait surtout écouter.

Le décès sans cause claire de trois Auroréennes, deux semaines auparavant, l'intrigua : vomissements, maux de tête et incapacité à se souvenir étaient leurs symptômes. Toutes étaient mortes dans les cinq jours de leur arrivée, malgré l'emploi de la cerlim, plante rare des hautes montagnes. Combinée à la liqueur de llyriah, elle aidait à réparer les cellules endommagées du cerveau d'un patient à la suite d'un accident, d'une maladie ou en raison de la vieillesse.

En soirée, Merioni rejoignit Sojeyn dans son pavillon à sa requête.

— Pourquoi veux-tu me voir seul ? As-tu des soucis avec le Cercle ?

— Non, je te rassure. J'aimerais avoir ton avis sur ces femmes décédées de manière aussi curieuse.

— C'est cela qui te dérange ? Trois cas inexpliqués ?

— Est-ce déjà arrivé ? Ne pas réussir à sauver un malade et même ne pas en déterminer la cause ? Que faites-vous dans ce genre de situation ?

— Rien de particulier, leur nombre ne justifie pas une investigation approfondie. Pourquoi t'intéresses-tu à ces malheureuses ?

— Tu connais la vision de Flore et tu y crois. Si je ne me trompe, ces morts ont eu lieu après l'installation des Cloriniens au sol.

— En effet. Cependant, plus aucun ne s'est présenté depuis. N'exagères-tu pas leur importance ?

Devant la surprise peinte sur le visage du maître kiriahni, le prince réfléchit. Se trompait-il ? Surestimait-il un évènement épisodique ? Ou localisé ?

— Et dans les autres uriahs ? interrogea-t-il.

— Je vois où tu veux en venir. Des cas identiques existeraient dans plusieurs doryaums afin de ne pas éveiller les soupçons.

— C'est une possibilité, nous devons vérifier.

— Comment ? Demander ouvertement lèverait des questions embarrassantes avec si peu de décès.

Merioni n'avait pas tort. Rester discrets s'imposait, tant Sojeyn désirait résoudre ce problème et s'assurer de la réalité d'un lien ou non avec les Cloriniens.

— J'ai la solution, déclara-t-il.