Chapitre 4 - De déception en déception (Partie 1)

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— C'est moi qui gagnerai ! hurla la voix juvénile de Mioca de Monti, par-dessus le bruit des sabots de leurs montures au galop.

— Mon adorable présomptueuse cousine, se moqua Sojeyn, attends-toi à forte partie.

— Admire ta cousine, lui répliqua-t-elle avec une grimace.

Mioca talonna son okyda, les mains solidement accrochées à sa crinière, et sembla s'envoler parmi les arbres, tandis que le garçon la poursuivait.

Flore les regarda s'éloigner, en réprimant un sourire, amusée par le ton pompeux pour prononcer « cousine ». Seuls les nobles utilisaient ce terme, sans référence à un quelconque lien de famille, comme marque de respect. Sauf les jeunes quand ils désiraient se taquiner entre eux.

Elle oublia la course des adolescents et respira à pleins poumons les fragrances boisées, enchantée de cet instant de répit. Il lui permettait de se débarrasser de la colère sourde qui la hantait depuis son audience, deux jours auparavant. Était-elle due à l'attitude lamentable du Conseil ou celle décevante de ses parents ? Si la princesse ne le savait pas, cela lui importait peu au regard du rejet de sa vision. Bien plus grave à ses yeux.

Mais je n'ai pas dit mon dernier mot!

Dès son retour à l'uriah royal, elle chercherait une solution et en trouverait une. Coûte que coûte ! D'ailleurs, une idée un peu folle commençait à pointer dans son esprit, qui l'emmènerait lire l'histoire d'Aurora et plus particulièrement la fin des siècles de la Décadence.

D'ici là, autant profiter de l'invitation de Tojian de Borealia, resté à ses côtés. Et du merveilleux cadre estival qu'offrait le feuillage au patchwork émeraude, ambre et mauve autour d'elle. Il les protégeait du soleil au zénith tandis que l'altitude apportait un peu de fraîcheur.

Une exclamation soudaine, poussée par Mioca, l'arracha à ses réflexions :

— J'ai gagné !

Flore cligna des yeux sous la lumière inattendue, pendant que son okyda s'arrêtait, puis observa les alentours : le chemin forestier avait laissé place à un vaste plateau herbeux, agrémenté d'un étang.

Elle descendit de sa monture et se joignit aux félicitations de Tojian et Sojeyn. Le reflet rose des cheveux de sa cousine s'intensifia, mais personne ne se moqua d'elle. Au contraire, ils prétendirent n'avoir rien vu et dressèrent le copieux pique-nique sous les branches d'un arbre.

Les animaux, occupés à se désaltérer à la source naturelle, furent attirés par les odeurs douces de fleurs et fruits confits, et celles sucrées ou salées des galettes chaudes. Ignorant les serviettes sur les plats, ils tentèrent de dérober ce qui leur apparaissait être de succulentes friandises.

La princesse, ainsi que ses compagnons, rit à ce spectacle avant de les éloigner. Elle attacha à l'écart sa monture et la flatta entre les deux petites cornes torsadées côte à côte sur le front. Ces attributs, contrastant avec la belle robe claire, donnaient une fière allure à l'okyda. Celui-ci la remercia d'un coup de museau dans l'épaule, puis se mit à brouter l'herbe à ses pieds.

Malgré les effluves alléchants de leur menu, la curiosité avait été la plus forte chez Mioca, qui s'était rendue à la limite du replat. Flore, accompagnée des garçons, la rejoignit. Ils admirèrent le paysage époustouflant qui se déroulait à perte de vue sur les plaines en contrebas.

Tojian effectua une révérence théâtrale et brisa le silence :

— Je cherchais un endroit exceptionnel afin de fêter ton nouveau statut de maître kiriahni juste entre nous quatre. Le voici !

Aurora T1 : Les Perles de Vie / Watty 2020Où les histoires vivent. Découvrez maintenant