Chapitre 10 - L'amitié en chemin (Partie 1)

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Deux jours plus tard, Flore pêchait dans le ruisseau qu'elle suivait, pieds nus et bas du pantalon relevé. Du moins, telle était son intention avec cette pique, fabriquée de ses mains la veille avec le couteau de voyage. Son adresse la décevait.

Pourquoi n'ai-je pas mis en pratique l'enseignement de Matoli, au lieu de me reposer sur mes vivres ? se rabroua-t-elle.

Si les baies roses la contentaient, elle avait eu envie de changer son régime alimentaire. Mais, depuis une heure, ses lancers se terminaient esseulés au fond du gravier noir du lit. D'une moue boudeuse, elle attrapa sa lance.

Celle-ci résista.

La princesse tira dessus de toutes ses forces. Après plusieurs tentatives, l'objet récalcitrant céda d'un seul coup et, déséquilibrée, elle glissa sur le rocher submergé. Le contact de ses fesses avec l'eau froide la saisit tant qu'elle se releva d'un bond.

Au même moment, un rire résonna au-dessus d'elle.

Flore fit volte-face et scruta la canopée, le cœur battant. En vain. Le silence régnait de nouveau. Quelqu'un se dissimulait dans cette végétation, lui jouait un tour à sa façon. Où était-il ? L'inconnu dut avoir pitié de ses recherches infructueuses, car le feuillage ambre d'un arbre trembla comme pour attirer son attention.

Elle découvrit un jeune homme de son âge, installé sur une branche, le dos appuyé au tronc. Sa tunique jaune et son pantalon cuivré facilitaient le camouflage. Au milieu d'un visage, aux pommettes saillantes, des prunelles bleu-orange la fixaient d'un air narquois.

Il sauta au sol avec agilité et s'approcha. S'il ne la dépassait pas par la taille, il affichait une musculature bien plus imposante que la plupart des kiriahnis. Elle le soupçonna de travailler en plein air.

— Qu'essayes-tu de faire ? la questionna-t-il, moqueur.

— Cela se voit, non ? Pêcher ! maugréa-t-elle.

— Vraiment ? Heureusement que tu le dis !

La princesse se contenta d'un regard assassin en guise de réponse. L'inconnu ôta ses bottes, lui arracha la pique des mains, puis s'engagea dans le cours. D'un geste vif, il transperça un poisson mordoré, et la prise fichée au bout de la pointe se promena sous le nez de Flore.

Il me nargue !

Agacée, elle déplaça des pierres par la pensée. Le jeune homme se détourna d'elle afin de rejoindre la berge. Mais il perdit l'équilibre et, à son tour, s'étala dans l'eau. Ses yeux éberlués se levèrent vers elle, sans se douter qu'elle était responsable de sa déconfiture.

— Aurais-tu du mal à marcher ? s'enquit-elle, d'un ton innocent.

— Je ne comprends pas. Je ne tombe jamais !

— Vraiment ? Heureusement que tu le dis !

Ils restèrent silencieux un moment à se dévisager avant d'éclater de rire. Son interlocuteur se remit enfin debout, et tous les deux retrouvèrent la terre ferme.

— Bonjour, je suis Kishor. Je viens de Melaki.

Le doryaum des grands lacs, source principale de poisson pour Aurora, le seul où les Auroréens savaient nager. Ce qui justifiait son physique et son adresse.

— Bonjour. Moi, c'est Ann-Flore de Monti. Mes amis m'appellent Flore.

— Pourquoi es-tu ici ? Aussi loin des habitations et, visiblement, avec peu d'expérience de la forêt.

— Et toi ? riposta la princesse, vexée.

Le jeune homme arqua un sourcil, puis rétorqua d'une voix calme :

Aurora T1 : Les Perles de Vie / Watty 2020Où les histoires vivent. Découvrez maintenant