Aurora T1 : Les Perles de Vie / Watty 2020

Chapitre 8 - Réconciliation (Partie 1)

Sitôt que Flore immobilisa son okyda, elle glissa une main dans la poche de son pantalon. Fébrile, elle vérifia la sphère de souvenir de la légende d'Edjo avec sa carte, au travers du tissu qui l'enveloppait. Intacte. Elle soupira de soulagement avant de grimacer. Avec un trajet sans incident, il n'y avait aucune raison de briser son précieux trésor.

Arrête avec ton obsession et détends-toi !

Facile à dire ! À chaque bruit, elle tressaillait, comme si elle craignait d'être découverte et ramenée au palais sous bonne garde. Peur irrationnelle. Elle se déplaçait seule sur cette route à l'écart des villages, avec l'accord de tous, effectuant son pèlerinage de maître kiriahni dans les uriahs d'Aurora.

Une petite voix se manifesta dans sa tête : mais tu leur as menti !

Un frisson de culpabilité traversa la princesse. Sa décision d'enfreindre les lois et son devoir lui pesait, même si l'enjeu le justifiait. Elle respira plusieurs fois afin de chasser ce sentiment d'oppression. Une fois celui-ci dissipé, elle répliqua à son esprit.

Pour la bonne cause !

Un sourire éclaira son visage, celui de la satisfaction d'avoir convaincu le Conseil avec un argument imparable. Puisqu'elle en devenait membre de plein droit à sa majorité, réaliser son voyage initiatique, requérant de demeurer un mois par doryaum, sur deux ou trois années auparavant s'avérait judicieux.

Le choix de cet été s'opéra sans difficulté non plus : Borealia pour son anniversaire chez Tojian ; ensuite Monti, pour celui de Mioca. Les deux jeunes hommes avaient eu la sagesse de ne pas déclencher les hostilités, si bien que Flore en gardait un excellent souvenir.

En fait, l'unique ombre au tableau avait été la présence de ses parents. Ses lèvres se crispèrent à leur évocation. Si elle donnait l'apparence d'une famille unie devant témoin, depuis son audience, elle les ignorait en privé. Malgré les tentatives de Sojeyn pour les réconcilier. L'image des prunelles tristes de l'adolescent l'assaillit, mais elle ne culpabilisa pas.

Pardonne-moi, c'est au-dessus de mes forces.

L'okyda la ramena à la réalité d'un mouvement brusque de la tête. Ses réflexions négatives l'avaient conduite à tirer plus fort sur ses rênes de manière inconsciente. Le mors avait blessé l'animal. Dès que la princesse le caressa, après avoir relâché la tension, il se calma vite.

Puis elle descendit de sa monture alors que le soleil couchant auréolait la cime des arbres de ses rayons rosés. Elle l'admira quelques instants, avant de s'intéresser au lieu, but de son voyage.

Une habitation trônait au fond de la clairière. Elle dénotait une certaine richesse, à la différence des précédentes sur son parcours, qui avait duré plusieurs jours. Composée d'un étage, solidement bâti en rondins foncés avec une base de pierre couleur sable, elle resplendissait de sérénité. Et accueillait ses invités à bras ouverts.

Un couple travaillait devant un foyer extérieur, excentré et éloigné de la maison par sécurité. L'odeur de fruits grillés lui procura l'eau à la bouche, et des gargouillis dans son ventre renforcèrent son intérêt. Une paume posée dessus, elle s'avança vers les Auroréens.

Ils levèrent la tête, leurs yeux reflétant la surprise que devait causer cette visite à une heure indue, et se redressèrent. La main droite sur le cœur, ils la saluèrent avec un sourire bienveillant. La femme prit la parole :

— Bonjour à toi, visiteuse. Tu te promènes bien loin des villes de Monti. As-tu perdu ton chemin ?

— Bonjour à vous. Non, je suis parvenue à ma destination, le dernier point de vie du doryaum. Conimont. Permettez-moi de me présenter. Flore, Maître Kiriahni, en pèlerinage. L'uriah vous a informé de ma venue.