01

18.9K 1K 15
                                    


- Ton vol est à 22h ma fille, je viens de t'envoyer le billet.

- Ah tonton Bachir tu as donc tout tenté.

- Évidemment, tu es ma nièce chérie et je ne veux pas que tu rates cet événement pour rien au monde.

-...

- Ma fille, il est temps, l'heure est arrivée. Il faut que tu viennes pour prendre en main ce qui te revient de droit. Ton apprentissage a touché à ses fins il y a déjà six mois, oui je suis au courant. Et je sais que tu me le cache pour fuir. Laisse moi te dire que ce n'est pas la solution. Affronte, et garde la foi. Tout ira bien par la grâce de Dieu.

- in sha Allah mon oncle. Désolé de t'avoir caché la vérité c...

- non ne te justifie pas, je comprend tout à fait tes craintes. J'enverrai le chauffeur à ta rencontre à l'aéroport. Je veux aussi que tu viennes à la maison pour un moment. Il est tant de faire ton deuil ma chère. Nous t'attendons.

- D'accord j'y serais, donc à demain in sha Allah.

- Aller porte toi bien.

Je raccroche et me jette sur le canapé en soufflant. Si je ne suis pas sur mes terres natales demain mon oncle m'en voudrait énormément. Pourtant je m'étais promise de ne plus y mettre les pieds, dans cette ville. Et maintenant je me vois rompre cette promesse pour lui, mon oncle, mon père. Il est pour moi mon père car c'est le seul à m'avoir offert une chaleur paternelle après ce jour malheureux. Ce jour où j'ai perdu les deux êtres les plus chers à mes yeux. Mon père et ma mère. Ce jour a voué une haine envers ma ville d'origine dans mon cœur. Oui, car ce jour, sous une pluie violente, sur la route pour se rendre à Bâta. Leur voiture quitta la route pour éviter une autre et rentra en choc horrible. Un choc qui m'a prit la prunelle de mes yeux ma mère et ma raison de vivre mon père. J'aurai préféré être morte ce jour là que d'être la seule survivante. La douleur est toujours présente comme si c'était aujourd'hui pourtant cela fait trois années, trois longues années sans eux. Toute seule, sans frère ni sœur. Je suis venue à Genève pour ma dernière année et pour mes deux années de pratique certes, mais ce fut plus pour échapper aux souvenirs, à la souffrance qu'est de perdre ses deux parents en même temps. A la même seconde, j'aurais préféré qu'on m'arrache le cœur que d'avoir vécu ce jour. Du haut de mes 24ans, je pleure presque chaque soir serrant mon oreiller en pensant à eux. Si ce n'est ma foi je ne saurais ce que je serais devenue. Car seule la prière m'apaise. Je passe des nuits entières à prier le tout puissant pour eux, pour qu'il leur accorde le paradis et la paix éternelle. Et je prie pour alléger mon cœur. L'islam est ma paix, c'est cette foi qui me fait tenir, à chaque fois que je craque, à chaque fois que l'envie de vivre m'échappe...

...- Sadate ! Oh Sadate ça va ?

Je sursaute légèrement en regardant mon ami Alex près de moi.

- Ça va, désolé Alex mais je dois y aller, je t'appelle avant de partir tu pourras me conduire à l'aéroport in sha Allah.

- hum d'accord, fais attention à toi !

Aatifah Sadate Sangaré est mon nom. Érythréenne de mère et mon père Nigerien J'ai 24ans, sans frère ni sœur, je suis fille unique. Bachir Sangaré est le frère de mon père, son frère aîné plus précisément. Lui il est pour moi un père, je pense l'avoir expliqué récemment. Et la relation père et fille que nous entretenons ne faillira pas même si c'est le plus grand souhait de ma tante malheureusement. Sa femme, Oumou Diop, pour une raison que je ne sais pas, ne m'aime pas trop. Disons qu'elle ne m'aime pas tout simplement. Ni moi, ni ma mère quand elle était en vie et ni mon père. Je me demande parfois pourquoi les hommes bons tombent sur des femmes aussi mauvaises et mal intentionnées, ce qui est le cas pour mon oncle, malgré qu'il soit un homme bon au grand cœur, on ne peut pas en dire autant de sa femme.
Ma mère m'a toujours appris comment agir avec ce genre de personne et je n'ai pas oublié ses conseils. Ils ont trois enfants, deux garçons Oumar le plus âgé, Tcherno le second lui et moi avons le même âge et une fille Aissa, la dernière, deux ans de moins que moi. Ce n'est pas l'amour fou avec eux, surtout les deux derniers mais...disons que j'ai pire a gérer, leur mère.
Au vivant de mes parents nous vivions chez nous à Malabo, non loin de Bata. Mais le plus souvent on se réunissait chez ma grand-mère paternelle donc nous nous fréquentions entre cousins. Mon père et mon oncle Bachir, étaient des meilleurs amis en plus d'être frères. Donc la plupart du temps il m'amenait chez lui. Ce qui fait qu'avec mes cousins on se connaît assez. Mais depuis leur mort je ne suis plus retournée à Malabo. Je n'en avais pas la force. Ça fait trois ans que je n'ai vu aucun d'entre eux à part mon oncle qui est venu deux fois en trois ans à Genève juste pour me voir et s'enquérir de mon état.

Pendant ces trois années je suis allée en vacances une fois en Érythrée pour rendre visite à ma famille maternelle. Heureusement que de ce côté je n'ai aucun problème et qu'ils m'aiment tous. Ma grand-mère veut même que je déménage là-bas pour de bon. Mais ce n'est pas le souhait de mon oncle et je ne sais pas ce que je ferai pour l'instant.
Ça fait six mois que j'ai terminé la mission pour laquelle je suis venue. J'ai même obtenu un job rapidement grâce aux diplômes de l'école aisée dans laquelle j'ai étudié. L'agroalimentaire, domaine aquatique, pêche etc. J'aime et m'intéresse à tout ce qui touche à la nature. Eh oui je suis une amoureuse de la création naturelle de Dieu. Et c'est grâce à mon père car il a toujours travaillé dans ça depuis que j'étais petite, il m'a tout apprit là dessus afin que je puisse m'occuper de son trésor, son entreprise. J'en avais l'ambition oui j'en avais le courage et la volonté mais ça c'était surtout avant, avant qu'ils ne partent...

Dans mon appartement je terminais de ranger ma valise en y déposant le portrait de mes parents. Je vide tout ce qui pourrait pourrir ou périmer. Puis appelle Alex. Alex est mon ami, depuis mon arrivée dans la boîte où je bossais ça a collé avec lui. Il m'est d'une aide inestimable, toujours là pour moi, il m'écoute et me réconforte quand je sombre dans les souvenirs douloureux. Et ce que j'apprécie le plus c'est que notre amitié est pure et sincère. C'est à dire qu'il n'existe aucune ambiguïté dans la relation amicale que nous entretenons, il n'a jamais tenté de me draguer ou autre chose de ce genre depuis que je l'ai connu. C'est juste un ami, un simple et très bon ami.
De plus que je ne suis pas trop du genre à me lier d'amitié avec les gens, surtout les filles. Depuis mon adolescence j'ai toujours eu cette manie de n'avoir presque que des amis garçons. Ce qui était très mal vu par ma famille en Guinée. Mais heureusement que mon père était quelqu'un de très ouvert d'esprit, il me connaissait bien et je n'avais aucun mal à communiquer librement avec lui. C'était pareil avec ma mère, mais elle s'en faisait un peu trop et ne restait pas indifférente face aux pensées des autres contrairement à papa qui s'en foutait pas mal de l'avis des autres mais raisonnait toujours convenablement. Je la comprend, car elle n'etait pas trop aimée par sa belle-famille. Ma grand-mère l'aimait mais ses belles-sœurs, c'était carrément autre chose et tout ça a commencé avec Tante Oumou. C'est elle qui montait ses autres belles-sœurs contre ma mère. Et vu son côté excessivement gentil, ma mère faisait tout pour éviter les problèmes quitte parfois à piétiner son amour maternel pour éviter les conflits avec ses belles-sœurs. Et c'est une chose qu'elle a pu m'inculquer, oui elle m'a inculqué sa sagesse et sa tendresse. Je lui ressemble énormément j'ai presque tout pris d'elle, que ce soit physiquement ou mentalement. Ce que je regrette surtout c'est sa petite taille lol. 1m66 pour une jeune fille de 24ans c'est quand même assez court. C'était son souhait depuis que je suis née que je sois de nature calme comme elle. Raison pour laquelle elle m'a donné le prénom Érythréen "Aatifah" qui dégage un sens mystique de l'élégance et du calme, et qui signifie "Sympathie".

A 21h34min Alex était déjà là à descendre mes valises dans sa voiture. J'enfile mes chaussures et descend le rejoindre dans la voiture. Le chemin ne se fit pas dans un grand bavard. Je lui fis un câlin pour lui dire au revoir en lui laissant les clés de mon appartement pour qu'il les rendent. Je m'en alla après qu'il m'ait promis de faire un tour à Malabo après l'obtention de ses congés.

Braise de feuWhere stories live. Discover now