Chapitre 86.

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Le silence. Elle ne réagit pas. Je suis toujours devant sa porte, elle ne m'a pas encore fait entrer, et je me sens mal.
Elle remue la tête comme si elle remettait ses idées en place.

— Entre, dit-elle en s'effaçant.

— Merci. C'est mignon chez toi, remarqué-je ironiquement devant la pièce exiguë. J'imaginais un truc plus grand.

— Je viens de m' y installer, renacle-t-elle. La maison était à Billy.

— En gros, il te trompe et tu te retrouves à la rue ?

— Ça n'arrivera plus. Crois-moi. Tom sait que tu es ici ?

— Bien sûr. En fait, il est dans un café à côté avec ton frère, précisé-je.

— Tu avais peur ? ironise-t-elle.

— Non. Juste que quand nous nous prenons de gueule, c'est explosif. Oliv te gère, Tom a cette facilité aussi.

— Tu penses qu'on va se fâcher ?

— Je n'espère pas... Tu as entendu ce que je t'ai dit. J'ai déposé plainte.

— Tu y as mis le temps, remarque-t-elle.

— Tu ne vas rien me pardonner, hein ? Quoi que je fasse, quoi que je dise ? Alors tu sais, j'abandonne.
Je t'enverrai l'invitation pour mon mariage. Tu décideras.

— Ah non, Mattys ! s'énerve-t-elle. C'est trop facile. Tu débarques comme une fleur. "Regarde, j'ai porté plainte" . Et il faudrait que j'oublie tout.

— Oublier quoi, bordel ? aboyé-je. C'est moi qui ai failli crever sous leurs coups, c'est moi qui ai entendu leurs propos.

— Et c'est toi qui n' a pas voulu les dénoncer, renchérit-elle les bras croisés sur la poitrine.

— Je ne pouvais pas, je n'arrivais pas à m' y résoudre, gémissé-je. J'en dors plus depuis trois jours à l'idée de les envoyer en taule, putain !

— Oh Mattys, gémit-elle. Pardonne-moi. Ils ne te méritent pas. Qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ? Tom ?

— Non. Tom, contrairement à toi, n'est pas un pittbull. Il donne son avis, écoute le mien mais ne m'affronte pas. Il sait que cela ne sert à rien. On en discute.

— Il cède...

— Ne crois pas cela. J'ai toujours mon sale caractère. Mais il me connaît très bien. N'oublie pas qu'il m'a rencontré dans ma plus sale période.

— Alors pourquoi ? insiste-t-elle.

— Toute une suite d'événements. Notre gamine a vécu des trucs ignobles, un jeune homo que j'ai rencontré. Tout ça m'a fait comprendre que je ne pouvais pas les laisser s'en sortir. Que tu avais raison. Je veux pas que Lilou, un jour, ait honte de moi.

— Je n'ai jamais eu honte de toi. Jamais. J'étais en colère. J'ai des torts aussi, je gueule mais je laisse pas les autres parler. Je ne t'ai pas laissé la possibilité de me dire ta souffrance.

— Je ne pense pas que j'aurais pu le faire. Pas à ce moment-là.

— Tu as exprimé tout ça devant Tom ?

— Il était avec moi quand j'ai porté plainte. Oliv aussi.

— Et si on les appelait ? Je suis impatiente de le rencontrer. Il s'entend avec Oliv ?

— Au début, c'était un peu compliqué. Tom peut paraître froid. En fait, il écoute. Ton frère passait son temps à le provoquer, tu le connais ! Maintenant, c'est fini. Et puis, Oliv a été le premier à part nous deux à apprivoiser Lilou.

— Mon frère avec une gamine ? ricane-t-elle.

— Oh oui ! Et il n'est pas le seul. Tous les mecs : Dan, Phil. Elle nous ensorcèle, tous. Surtout depuis qu'elle parle.

— Comment ça ? Depuis qu'elle parle ?

— Elle est restée presque un mois sans dire un mot. Des sons. Des crises de panique. Un petit animal sauvage. Il a fallu l'apprivoiser. Avec la musique. On l'a trouvé sur une scène de crime. Dans une niche. Elle acceptait ma présence. Personne n'en voulait. Elle aurait fini dans un asile. On l'a prise chez nous. C'est mon rayon de soleil.

—Je vois ça. Quand tu parles de Tom ta voix est douce. Quand tu parles de...

— Lilou

— De Lilou, tes yeux brillent comme des étoiles. Tu as une photo ?

— Non. Tom, peut-être.  On les fait venir ?

— J'appelle Oliv, dit-elle.

— Moi, je vais fumer.

Je me sens mieux. J'ai réussi à lui parler. Je pense qu'elle a compris.
Je vois arriver Tom et Oliv. Isa les attend à la porte.
Tom s'approche de moi et m'enlace. Il me connaît tellement bien. Il m'embrasse le front, toujours dans la pudeur.

— Ça va ? me demande-t-il collé contre moi.

— Oui . Et toi ?

— Mieux, maintenant.

— Isa, dis-je en serrant la taille de Tom, je te présente Tom, mon futur mari.

— Bonjour Tom. Contente de rencontrer celui qui arrive à le supporter, blague-t-elle. Salut frangin.

— Salut toi, la salue Oliv en la serrant contre lui. Mes félicitations à vous deux. Vous êtes encore vivants !

— Ta gueule, Oliv, grondé-je.

— De même Matt, de même.

— Ah Ah !! Comme cela m'avait manqué, vos mots doux, s'éclate Isa. Tu dis autant de gros mots que lui, Tom ?

— Non. Juste quand il m'énerve de trop.

— Tout le temps, alors ?

— Ne crois pas cela, Isa. Depuis l'arrivée de Lilou, il est plus calme, dit Tom.

— Surtout si cela vous dérange de parler de moi quand je suis là, vous le dites !

— Désolé, Matt, me réplique Tom gentiment. Je me contente de répondre à Isa.

— Ben voyons ! Tu es d'accord pour qu'on commande un truc à bouffer ? J'ai faim.

— Tu as toujours faim Mattys ! rétorque Isa.

— Mattys, tu l'appelles comme ça ?

— Excuse-moi Tom. Je l'ai toujours appelé comme ça !! Et je sais qu'il n'aime pas, je vais faire un effort, promis !!

—Tu vis dans ce truc ? nous coupe Oliv en découvrant l'endroit où vit sa sœur. Sans rire, la caravane de Phil est plus grande !!

— Oliv, ne commence pas. Je voudrais trouver plus grand, mais sans boulot, c'est compliqué, réplique Isa.

— Je vais aller lui parler ! Bordel !
Tu perds tout dans l' histoire, ton boulot, ta baraque.

— Mon mec, propose-t-elle, arrogante. Mais je t'interdis d'intervenir, c'est bien compris, Oliv ? Cela lui ferait trop plaisir !! Ça me servira de leçons !

—Tu cherches dans quel secteur ? reprend plus calmement Oliv. Peut-être que tu pourrais te rapprocher de moi. Je connais pas mal de monde, tu sais ?

— Je sais. Je me suis donnée un mois.

— Isa ? Excuse-moi, mais est-ce que tu espères te réconcilier avec lui ? demande Tom. Je ne juge pas.

— Je n'espère rien du tout, Tom. Mais je vis ici depuis longtemps. En dehors de Billy, je connais plein de gens. Je me suis donné du temps pour voir qui ils vont choisir.

— Et supporter d'être dans le souvenir continuel.

— Voilà ! Je comprends ce que tu disais Matt, il écoute. Pourquoi  avez-vous repoussé le mariage ?

— Je voulais mettre un terme à cette partie de ma vie. La laisser derrière moi pour avancer, pour me sentir libre. Tom a compris. Mais, on n'attendra pas très longtemps. Nous voulons avancer avec Lilou, tous les trois.

Petite Ellie. Where stories live. Discover now