Petite Ellie.

Chapitre 55.

(Marc)

Damien est tendu. Je ne le connais pas depuis si longtemps, mais je sais que c'est un homme juste et fiable. C'est pour cette raison que je l'ai appelé à l'aide. Inès avait besoin d'un coup de main, elle est si fragile.

Je me rappelle de la fois où je l'ai découverte à ma porte.

Elle était là, ses yeux mangés par les cernes. Une taille mince, presque maigre.

— Oui ? Je peux vous aider ? lui ai-je demandé presque hostile.

— Vous êtes Marc ? Marc Biden ?

— Oui, répondis-je, les sourcils froncés.

— Je voulais vous parler d'Emma, a-t-elle lâché dans un souffle.

Quand elle a prononcé ce prénom, mon cœur  a fait un bond dans ma poitrine. Cela faisait tellement longtemps que je n'avais pas eu de nouvelles de ma sœur. Je me suis fâché avec mes parents car ils avaient baissé les bras. Et là, cette fille voulait me parler d'elle.

— Entrez ! dis-je sans hésitation en ouvrant ma porte en grand. C'est elle qui vous a donné mon adresse ?

— Non. Elle m'avait parlé de vous, chuchota-t-elle.

— M'avait, répétais-je bêtement. Est-elle morte ?

— Oui. Je suis désolée. J'ai...tenta-t-elle de s'expliquer.

— Sortez, la stoppé-je en lui faisant faire demi-tour. Je ne peux pas. Revenez demain, s'il vous plait.

J'avais erré toute la journée et une partie de la nuit pour finir fortement alcoolisé chez Damien. Je lui avais parlé de ma sœur, de sa disparition, de ma souffrance sans réussir à lui dire ce que je venais d'apprendre. Je savais que c'était la vérité mais je ne pouvais pas encore l'accepter. Après une nuit pour décuver, j'étais rentré chez moi et j'avais attendu qu'elle revienne. Elle m'avait raconté une partie de son histoire, puis je n'avais pas réussi à la laisser partir. Aujourd'hui, elle était prête à la dire et j'étais terrorisé.

Je la trouvais assise sur le canapé. Mon Dieu ! On dirait qu'elle a vieilli de dix ans. Elle tourne la tête vers moi.

— Inès ! Ma puce ! Je suis là, m'exclamé-je en lui prenant les mains

— Marc ! Je suis désolée. Tellement désolée.

— Chut ! Viens dans mes bras. Calme-toi.  Tu sembles épuisée.

— Ça va aller, Marc. Il faut que ça se finisse. Je vais raconter, expliquer. Il le faut... Emma aurait été d'accord. Damien ? Dis-leur que je suis prête.

— Chica, on peut attendre un peu. Tu veux boire quelque chose ? Un thé ?

— Je ne peux plus attendre. Je ne peux plus...

— Ok ! Je vais le dire à Peter

Celui-ci n'est pas très loin, et me suit accompagné de Tom et Matt. Nous nous installons sur des chaises auprès d'Inès.

— Inès ? On peut commencer ?

— Oui.

— J'enregistre mais rien d'officiel.  C'est plus là pour éviter de vous faire répéter. Personne à part nous est au courant officiellement. On y va ?

— Oui.  J'ai été enlevée, il y a un peu plus de six ans, commence-t-elle.

****

(Damien)

Je connais son histoire. Je sais à quel point cela va être une horreur de leur raconter. Mon rôle est de veiller aux réactions de tout le monde. Marc est concentré sur Inès, il entend ce qu'elle dit, mais quand Emma va entrer dans l'histoire, cela va être tendu.

— Je me suis retrouvée avec deux autres femmes, Lou et Emma.

— Inès ? Je dois vous arrêter, dit Peter. Nous n'avons que des photos. Vous n'avez aucun nom de famille pour Lou ? Pour sa famille ?

— Non. Nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour parler. Dans la journée, elle dormait ou restait avec lui. Selon ses exigences. Le reste du temps, elle était prostrée, mais à ce moment là, nous ne savions pas -Emma peut-être- ce qu' elle vivait nuit après nuit.

— Avez- vous rencontré d'autres femmes ou des hommes ?

— Non. Juste elles, lui et Ellie.

— Ellie ? Qui est-ce ? intervient Marc à son tour.

— J'y arrive, l'avise Inès. Je peux reprendre ? Puis, subitement, Lou a disparu...

Je serre les poings, à me faire mal. L'entendre raconter de nouveau ces horreurs... sa voix qui tremble, qui par moment se fêle. Je jette un œil sur les quatres hommes qui l'écoutent en silence.
Le regard de Matt est d'une telle intensité !
Marc semble au bord de l'explosion. Il est en train de découvrir ce que sa sœur a subi. La violence, le pouvoir que cet homme a eu sur ces femmes, sa perversité.
Les deux policiers ont déjà compris la signification de la disparition de Lou.

— Tais-toi, Inès ! Tais-toi. Je ne peux plus, supplie Marc d'une voix brisée par la douleur.

— Si tu savais comme j'aimerais avoir eu le courage de te taire tout ça, lui répond-t-elle tout doucement.

Il se lève brusquement et sort de la pièce. Je suis conscient qu'il a besoin de moi, mais Inès aussi.
Peter s'approche d'elle et sans un mot, il lui prend la main. Il lève son regard vers moi.

- Vas-y, va le voir. Je reste là, me dit-il d'une voix douce.

Marc est dehors. Oliv, pas loin de lui, s'éclipse en me voyant arriver.
Il ne pleure pas, il est en colère mais n'arrive pas à expulser celle- ci. Seul ses poings et ses yeux en sont les signes évidents.

— Casse-toi, Damien ! Laisse-moi seul, rage-t-il en me voyant arriver.

— Non.

— Tout ça, c'est de ta faute. Pourquoi tu l'as aidé à parler... à lâcher toute cette merde. J'aurais préféré rester dans l'ignorance, débite-t-il d'une traite avec rage.

—Tu sais que c'est faux.

— Non, je ne suis pas l'homme que tu crois. Je ne l'ai pas protégée, hurle-t-il. C'était mon boulot ! C'était ma petite sœur ! Comment  vais-je pouvoir dire un truc pareil à mes parents ?? Comment je vais pouvoir vivre après ça ? Comment Inès a pu avoir la force de survivre à cela ??

— Elle avait promis à ta soeur de te retrouver et ...

— Une part de moi se refuse à entendre le reste, mais je sais que si je ne le fais pas je le regretterai jusqu'à la fin de mes jours, dit-il résigné.

— Elle a besoin de le dire. Elle porte ce fardeau depuis trop longtemps. S'il te plaît, Marc.

— Bien sûr. Elle a été avec Emma, tout ce temps. J'aurais pu la forcer à me raconter, je ne voulais juste pas le faire. C'est après moi, que je suis en colère.

— Je sais. Allez, viens, dis-je en l'entraînant avec moi vers l'intérieur.

Dans la pièce, le silence régne. Tom et Matt sont enlacés, les visages fermés, les yeux brillants. Ils ont plus d'informations que Marc. Au moment où celui-ci a craqué, Inès racontait l'arrivée d'Emma, enceinte. Si mon pote n'a pas réagi à cela, par ignorance, eux, savent très bien que le bébé dans le ventre est leur puce. Et, avec ce qu'ils ont entendu, ils redoutent évidemment  la suite.

Quelqu'un a emmené du café, du thé.
Je ne connais pas la raison de cette présence autour de cette maison. Mais je connais Oliv, et j'ai reconnu certains des autres mecs, tous font partis des plus fidèles. Ils sont là pour de la protection. Aucun doute.
La question que je me pose, c'est qui protègent -ils ?