Chapitre 50.

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(Inès)

Le silence a suivi la fin de ma phrase. Damien n'a pas réagi. Alors, je continue.

- Quand il m'a laissée partir, j'ai mis plus d'une heure à y arriver. Cela faisait cinq ans que j'étais à cet endroit. Je n'avais jamais été dehors. De la maison, je voyais uniquement par la fenêtre.
S'il était là, et surtout quand il l'exigeait.

" Regarde dehors, décris- moi ce que tu vois, en détail. Dans cinq minutes, fini. "

Là, j'étais dehors pour de vrai. Il m'examinait commentant mon hésitation, et je n'y arrivais pas. Je me disais que, vu sa perversité, il était capable de tout arrêter pour me dire que c'était une blague. Mais non, il m'a laissée partir.

Je crois que c'était son jeu ultime avec moi. Si je revenais, il aurait gagné. Sinon, il avait l'embarras du choix dehors : Retrouver une fille ne serait pas compliqué pour lui. Le jeu devait lui plaire, sans aucun doute.

Je ne suis pas allée très loin. J'avais coupé les ponts avec ma famille depuis très longtemps.
Bien avant mon enlèvement.

Je voulais juste récupérer l'argent pour acheter la liberté d'Emma. Mon compte n'étais pas clôturé. Il était déjà pas mal plein à l'époque. Avec les intérêts, il devait avoisiner les 25 000 euros.
Ironiquement, il m'avait donné 100 euros.

" Pas question que tu dormes dans la rue à cause de moi " avait-il dit cynique.

Je prenais une chambre d'hôtel. Je désirai prendre une douche, seule, sans son regard sur moi.
En fait, je n'ai même pas apprécié ce moment. Même en son absence, je le sentais m'observer.
En plus de l'argent, il m'avait donné un portable. Et un numéro pré-enregistré, le sien bien sûr.

Ma première nuit loin de là-bas, a été peuplée de cauchemars dans lesquels Emma et Ellie m'appelaient.

Au matin, ma décision était prise. Je ne retournerais là-bas qu'avec les flics. J'allais tout leur dire.
Je me dirigeai d'un pas décidé vers le premier poste de Police. Mon portable sonna, m'arrêtant immédiatement.

" Tu es sûre que c'est une bonne idée ? "

Et son rire...

Je tremblais comme une feuille, regardant partout. Tout n'était qu'un jeu. Alors, je fis demi-tour.

Un SMS arriva

" C'est plus sage ".

J'allais à la banque le lendemain. Après avoir justifié de mon identité, expliqué un départ imminent pour l'étranger, je récupérais 19500 euros. Le plus compliqué fut d'obtenir la somme en liquide.
Je n'avais pas besoin de rester plus longtemps, je n'étais pas libre. Alors je lui envoyais un message pour lui dire que je rentrais.
J'avais trouvé la solution, la seule. Pour nous sauver toutes les trois. Et toutes celles à venir.
J'avais pris une voiture louée pour la semaine, Emma était trop fatiguée pour marcher.

Quand je suis arrivée, il n'était même pas dehors à m'attendre.
Bien sûr, il savait, lui, depuis le début que je reviendrais.

Qu'aurais-je pu faire d'autre ? Les abandonner ?

Je rentrais dans la maison. Il était là, tranquille, presque serein.
Je cherchais Ellie du regard. Il a souri : je devais être tellement prévisible pour quelqu'un comme lui.

- Tu es déjà de retour ?

- Pourquoi attendre plus longtemps, lui ai-je répondu.

Il a éclaté de rire, et rien que ça, a fini de me décider.
Je lui ai dit d'aller chercher Emma. Et je lui ai montré l'argent.
Il a eu l'air étonné. Peut-être ne pensait-il pas que je puisse être naïve à ce point.
Il m'a regardé droit dans les yeux, il a pris le sac avec l'argent, l'a posé sur la table, me tournant le dos.
Il a poussé un long soupir, m'a dévisagée longuement.

- Je ne peux pas aller la chercher, Inès. Elle est morte depuis longtemps déjà...

Je suis tombée sur le sol, à genoux. Je n'ai pas hurlé, ni même pleuré, j'étais au delà de ça.
Ma priorité était maintenant Ellie, je devais faire tout mon possible pour la sauver.
Il était toujours là, immobile, froid.

- Viens maintenant, tu dois ranger la maison pour la nouvelle, elle sera là bientôt. Tu resteras avec elle.

- Qui s'occupera d'Ellie ?

- Plus besoin de s'occuper d'elle.

Je me suis arrêtée net. Il avait tué sa fille. Je me retenais à la table, j'avais envie de vomir. Je pris le couteau que j'avais dans mon sac, et sans hésitation, je lui enfonçai en pleine poitrine. Plusieurs fois.
Puis, je récuperai mon argent, montai dans la voiture et quittai définitivement cet endroit.
Mes larmes coulaient sans aucun contrôle possible. Ma vue était brouillée, je roulais vite, très vite. Quand j'ai déboulé au bout du chemin, j'ai failli accrocher deux personnes. Bisson et son copain. J'ai largué la voiture, le plus loin possible.
Quelques jours plus tard, aux infos, j'ai su que les flics avaient trouvé un mort et j'ai entendu parler de la petite dans la niche. Il avait menti, pour avoir un autre moyen de pression j'imagine.

J'arrête de parler. Cela fait plus de deux heures que je parle et Damien n'a pas réagi.

- Damien ?

- Excuse- moi...

Il se lève d'un bond et fonce vers les WC. Je l'entends vomir, longtemps.
Je le comprends. Moi aussi, je me dégoute.
Je mets mes chaussures, j'enfile mon blouson et je me dirige vers la porte.

- Tu va où ? Inès ?

Il est à mes côtés en deux pas, me prend par la taille. Me serre dans ses bras.

- Je ne veux pas que tu partes. Je veux t'aider. Il faut aller au bout, Chica.

- Tu veux encore m'aider, malgré tout ça ? Je l'ai tué, j'ai tué un homme.

- Un homme ? Tu es sûre ? Un monstre plutôt !

- Je ne sais pas quoi faire...

- Ellie doit savoir. Tu étais avec elle, tout ce temps. Je vais aller avec toi. Je ne te forcerai à rien. Tu décides. Moi, je suis juste à tes côtés.

- Pourquoi ? Par pitié ?

- Tu crois que je ressens ce sentiment pour toi ? Inès, bordel, tu as vécu un enfer permanent, des tortures psychiques. Et toi, tu veux juste voir si elle va bien.

- Je n'ai pas sauvé sa mère, je ne pouvais pas l'aider.

- Personne ne pourra te le reprocher !

- Je l'ai cru, je n'ai pas eu de doute. Elle n'était pas morte se reproche-t-elle.

- C'est lui le coupable, pas toi. Laisse- moi t'accompagner. Tu dois la voir, après tu décideras.

- J'ai tellement peur.

- Je serai avec toi, je ne te lâcherai pas.

- Merci. Tu me donnes de la force.

Une demi-heure après, je gare la moto à une centaine de mètres de la maison. Inès est à la limite du malaise. Je la serre contre moi, lui prends la main et nous nous dirigeons vers la maison. Il y a des personnes dans la cour, Inès est crispée. Je la tiens fermement par la main.

- Damien ? Qu'est-ce que tu fous dans le coin ?

- Oliv ?

Petite Ellie. Where stories live. Discover now