Chapitre 84.

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Oliv est arrivé très vite. J'avais suggéré à Matt de lui dire de venir, et bien sûr Oliv avait été d'accord. Ce jour-là, c'est lui qui l'avait soigné donc il savait exactement dans quel état il était.

Nous sommes restés plus de trois heures dans ce bureau. L'officier Bullock a été très bien. Professionnel et conscient de la difficulté de Matt à se confier.
A un moment, il a fallu arrêter, Matt était blême et surtout sa rage était en train de monter. Sa voix se faisait cassante, froide. Ses yeux flamboyaient de colère.

— Officier ? interrompt l'avocat, mon client a besoin d'une petite pause. Et de fumer, aussi.

— Bien sûr. Prenez la porte juste à droite, elle donne sur une cour. Vous serez tranquille.

— Merci, Officier. Allez- y, nous dit-il,  je dois passer des appels .

— Viens, Matt ! dit Oliv en le prenant par le bras.

— J'arrive, râle Matt. Je suis mort mais j'aurai préféré finir...pour en être débarrassé.

—  Ton avocat a eu raison, tu étais au bord de la rupture. Es-tu conscient du danger à ce moment de ton témoignage ? Tu ne peux pas confier à cet officier que tu tabassais les homophobes.

— Je ne suis pas idiot,  Oliv, dit-il arrogant.

— Non, mais tu perdais pied, tes poings étaient serrés.

— Je sais, je ressentais cette colère destructrice monter en puissance. Il va se passer quoi, maintenant ?

— Tu le sais. Tu es prêt, Matt.

— Je ne le crois pas. Je viens de porter plainte contre mon père et mes frères. Ils vont aller en taule, Oliv !! En taule !

— Ils t'ont tabassé pendant deux jours. Uniquement parce  que tu es homo, martèle-t-il. Tu étais révolté pour Festes et les autres. Ton père et tes frères sont pareils. C'est ça que tu dois intégrer.

— Tu as raison. Où est Tom ?

— Peter a laissé un message, je suppose qu'il discute avec lui. Je vais le chercher.

Je me retrouve seul,  soulagé d'avoir déposer plainte. Mais je me sens mal et sans même le réaliser je déambule dans la courette. Il s'agit de mon père. Dois-je l'envoyer en prison ?

— Bébé ?  Il faut te calmer, dit-il en me surprenant à faire les cent pas dans la cour. Tiens, je t'ai apporté un café, tu n'as rien avalé ce matin.

— Tu me trouves trop calme ? essayé-je de blaguer maladroitement.

— Il est normal que tu te demandes s'ils méritent d'aller en prison. Le contraire serait anormal.

— Je vais détruire le reste de ma famille.

— Non, bébé. Je ne suis pas d'accord avec toi. Depuis le temps, ni ta mère ni ta sœur n'ont cherché à te contacter. Personne.

— Je sais. Je dois être con ou alors c'est ma sensibilité d'homo, ironisé-je.

— Ou que tu as un coeur et pas eux, me dit mon futur mari en me serrant contre lui. Tu es prêt à aller au bout. Et à accepter qu'il y ait des probables inculpations.

— Oui. Allons- y. Je ne vais pas dire ce que je faisais. Je travaille sur le dégoût de moi à ce sujet. Mais je ne veux pas aller en prison pour cela.

— Le dégoût de toi ? Même si je n'approuve pas tes coups, tu as juste défendu des victimes potentielles. Énergiquement.

— Ça n'efface pas le geste. Le rôle de justicier. Pathétique, grimacé-je.

***

— En conclusion, Monsieur Fargas, finit l'officier après encore une bonne heure de questions, votre plainte va déclencher une enquête et je pense qu'il y aura une probable mise en examen. Très rapidement. Êtes-vous disposé à une ou des confrontations ?

— Oui. Je ne me cacherai pas. Ils risquent quelle peine ?

— Je ne peux vous le dire mais je pense qu'ils n'échapperont pas à de la prison ferme.

— D'accord, acquiescé-je, à voix basse.

— Je vous sens mal à l'aise avec ça. Il ne faut pas. C'est courageux de votre part de porter plainte. Il est nécessaire de faire comprendre aux gens que l'homophobie est punie par la loi.
Je vous tiendrai au courant des différentes inculpations. Oh, une dernière précision. Si suite à cette plainte, vous et vos proches êtes victimes de menaces ou autres intimidations, signalez- les tout de suite.

— Très bien. A bientôt alors. Peter avait raison. Vous êtes un  bon flic.

— J'ai beaucoup d'affection pour lui. C'est un sacré bon flic. Passez-lui le bonjour.

Nous avons dit au revoir à l'avocat. Puis nous sommes partis chez Nicolas pour récupérer Lilou.
Elle était dans la cuisine, juchée sur un petit tabouret. Elle avait du chocolat jusqu'aux yeux, et remuait avec énergie la cuillère dans le saladier. Tout ça sous le regard rieur de Nicolas, et d'Amy en train de nourrir les jumeaux.

Il faut être honnête qu'après les horreurs de la journée, ce spectacle était ce qu'il nous fallait.

— Matt ? Moi, je fais un gâteau avec plein de cocolat.

— Chocolat, mon ange. Je vois ça.

— Tu veux goûter ? me dit-elle en tendant la cuillère qui dégouline de chocolat.

— Dans ma bouche, vite ! Tu en mets partout !! m'écrié-je.

— C'est bon, hein ? Nicolas a raison, me dit-elle, les yeux plein de sourire.

— En quoi il a raison ?

— Il a dit que tu serais heureux, ce soir. Pas comme hier, explique-t-elle.

— J'étais un peu triste, mais c'est fini, mon cœur. Et quand j'aurai mangé ce chocolat, ça sera encore mieux, dis-je en suçant avec plaisir le doigt qu'elle me tend.

— Allez Lilou, suis-moi je vais te débarbouiller, intervient Amy. Nicolas, tu jettes un œil sur les garçons.

— On va les surveiller. Alors ça y est, c'est fait ? Tu te sens comment, Matt ?

— Je ne peux pas dire que je suis content, avoué-je. Mais je suis délivré de cette horreur. Après, l'idée de les envoyer en prison ne me plaît pas.

— Ils ont eu le temps pour essayer de reprendre contact, de faire amende honorable. Ils n'ont jamais rien fait. Toi, tu en avais besoin, mec. Lilou est très sensible. Elle était très triste, hier soir. Je crois qu'elle avait peur.

— Que veux-tu que je lui dise, elle a quatre ans.

— Je lui ai simplement dit que quelqu'un avait été méchant avec toi. Et que ça t'avait rendu triste. Elle voulait te rendre le sourire, d'où le gâteau.

— Tu es un type génial, mec. La voir rire en arrivant, m'a presque fait oublier tout le reste. C'est l'épreuve la plus douloureuse. Dénoncer son père et ses frères. Je me dégoûte. Mais ce serait pire encore si je fermais ma gueule. J'ai eu un cauchemar l'autre nuit. Ils en tabassaient un autre .

— Tu as fait ce qu'il fallait Matt. Je suis fier de toi.

Petite Ellie. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant