Chapitre 63.

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(Oliv)

Matt a dû fumer tout le long de la route.
Il est nerveux, le visage fermé, la mâchoire serrée, les yeux rouges.

— Je vais y aller seul et le ramener, précisé-je. Cela ne concerne personne.

— Je suis d'accord. Dépose-moi loin du poste, je ne veux pas prendre le risque de tomber sur un Mariani. Énervé comme je suis, je lui éclaterais la gueule !

— Quand Tom sera là, je resterai à l'écart.

— Tu as peur de quoi, Oliv ?

— Aucune peur.  Je n'adore pas forcément tenir la chandelle, idiot !

— T'es con ! Va le chercher avant que je fasse marche arrière.

Je sors de la bagnole. J'espère que Tom est là. Il faut qu'ils se parlent : Matt est au bord de la rupture. S'il plonge, il aura beaucoup de mal à remonter. Ce mec est comme ça : une allure de badboy, la grande gueule qui va avec, les poings prêts au combat... et un énorme manque de confiance en lui.

A force de penser être une merde, il a failli en devenir une. Tom l'a sorti de là. La peur de ne pas être à la hauteur le fragilise.

— Bonjour, demandé-je à l'agent de service. Je voudrais voir Tom Bisson, s'il vous plaît.

— Il vous attend ?

— Non. Mais je pense qu'en lui donnant mon nom, il devrait me recevoir, dis-je avec mon plus beau sourire.

— Et votre nom ?

— Oliv Loin.

— Je vais voir.

Dix minutes après, je vois Tom entrer dans la pièce, le regard inquiet.

— Oliv ? Qu'est-ce qui se passe ?

— Calme-toi. Rien de grave. Enfin... si, tu peux sortir ?

— Oui, bien sûr, dit-il en m'emboîtant le pas.

— Matt est là-bas, lui dis-je. Sur le parking à droite. Il a besoin de toi.

— Il panique, c'est cela ? Il a bu ?

— Un peu.

— J'y vais. Merci. Il a de la chance,  de t'avoir !

— Je ne peux pas faire grand chose, cette fois-ci.  C'est de son mec qu'il a besoin. Je serai au café. Aide-le à combattre ses démons.

— Tu le connais tellement. Un jour, s'il est d'accord, j'aimerais que tu me parles de lui.

— Cela me semble une bonne idée, oui.

(Tom)

J'arrive vers Matt. Il fait des aller-retours de sa démarche vive.

Comment peut-on avoir cette allure de conquérant et avoir une si mauvaise image de soi.

Je me stoppe à un mètre de lui. Je sais à sa posture qu'il a ressenti ma présence. Depuis le premier jour, nous avons toujours eu cette  connexion particulière.
Je l'enlace, me collant à son dos, ma tête dans son cou. Je hume son odeur.
Je le sens se détendre, comme rassuré.

— Tu avais peur de quoi, Matt ?

— Tu es parti si vite, sans rien dire, chuchote-t-il.

— Je m'excuse, dis-je. J'ai été égoïste. J'avais honte de ce que je ressentais.

— Tu éprouvais quoi ? dit-il en se libérant de mon étreinte.

— Nous devons  parler de tout cela, tu as raison.

— J'ai peur. Elle a subi tellement d'horreurs. Je ne veux pas gâcher tout. Elle a besoin de quelqu'un de fiable, ce que je ne suis pas Tom ! Elle a besoin d'une personne représentant l'image paternelle. Je n'ai aucune idée de ce que c'est un père.

— Matt, le raisonné-je, elle a aussi besoin de ta tendresse, de ton humour. Vois comment elle est avec toi.

— Oui. Mais comment je ferai quand elle me parlera de son grand-père ?

— Tu lui diras qu'elle a un grand père mais que tu ne le fréquentes pas. Ce que tu as vécu te permets de comprendre plein de choses.

— Très utile pour son éducation, raille-t-il. Je lui raconterai comment on m'a massacré.

— Non, tu lui apprendras la tolérance. Moi, j'ai vécu et grandi dans un cocon. Le bonheur tout le temps. Même mon homosexualité n'a pas été un souci.
Et c'est bien cela mon problème. A force de me préserver de tout ce qui est moche... J'ai mal. Je n'arrive pas à réaliser. Notre bébé a subi des trucs, qu'en tant que flic, je ne connaissais  pas, articulé-je avec difficulté.

— Et alors ? Ça ne fait pas de toi un mauvais flic, si ?

— Non. Mais de me protéger de tout non plus, Matt. Je vis avec toi et pourtant je sais moins de choses qu'Oliv. Je suis capable de supporter de t'entendre me le dire.

— Je ne suis pas sûr d' être capable de te le raconter. Pas pour te protéger. Mais parce que j'ai honte de ce qu'ils m'ont fait. Je ne le comprends toujours pas.

—  Arrête de te reprocher leurs gestes ! Eux ne supportaient pas ce que tu es, mais plein de personnes t'aiment. Moi, je t'aime, dis-je en me serrant contre lui.

— Moi aussi, je t'aime. Je ne te mérite pas. Tu as la force et la patience que je n' ai pas.

— Et toi, cette folie que j'adore. Et cette sensualité naturelle qui me rend dingue. Embrasse- moi.

— Pas ici. Ce soir, on prend une chambre d' hôtel. J'en ai marre de ne pas pouvoir m'isoler. D'accord ?

— D'accord. Je dois y retourner. Je te tiens au courant sur l'heure pour me récupérer.

— Je m'occupe de tout. A ce soir. J'ai hâte, finit-il avec un clin d'oeil pervers.

(Tom)

Je l'ai retrouvé. Mon homme. Celui qui m'aime et me fait rire. Mais aussi celui qui bouscule mes certitudes et qui m'a appris à assumer mes envies. Car bizarrement, celui qui a été brimé à cause de son homosexualité, est celui qui assume le plus. Au quotidien. Un baiser appuyé, un câlin, une main aux fesses, et j'adore. Il est vrai que notre cohabitation commence à nous peser. Alors l'idée de se retrouver à l'hôtel. Tous les deux. Quelle merveilleuse idée !
Je fais un signe de la main à Oliv et retourne au poste.

Petite Ellie. Where stories live. Discover now