Chapitre 62.

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(Tom)

Ils ont passés un long moment ensemble à "parler". Cette fois-ci, le son de la voix de l'ordinateur de Léo a souvent été interrompu par la petite voix cristalline de Lilou.

Peter, notre homme fort, a raconté le témoignage d'Inès à tous nos amis. C'était nécessaire, mais je ne pouvais pas le faire.

Matt a réagi mieux que moi à tout cela : il connaît la cruauté des hommes.
Moi, malgré mon travail de policier, je n'avais pas été touché de près. Matt m'a maintes fois montré  sa souffrance, même si je suis conscient qu'il me cache des infos pour me protéger. Mais là, entendre ce que cette femme a traversé jour après jour, et imaginer que mon petit ange aurait pu subir cela, me fait mal, très mal.
Son traumatisme a été si important qu'elle ne parlait plus. La présence d'Inès est indispensable à son développement psychique. Elle a besoin de la voir, de parler de tout cela, mais je ne sais pas si j'aurai la force de le supporter.

— Tom ?

— Oui. Excuse-moi, Anne. J'étais dans les nuages.

— Tu préfères bosser aujourd'hui ou tu veux que je te remplace ?

— Je vais y aller. J'ai besoin de me plonger dans le boulot...

— Tu sais qu'ici il y a plein de personnes qui sont disponibles pour t'écouter et te soutenir.

— Oui, je sais, Anne. Je dois mettre de l'ordre dans ma tête. Il me faut un peu de temps pour assimiler la réalité.

— Ne lâche pas Matt.

— Je ne fais pas ça. J'ai l'impression d'avoir découvert la cruauté. Entre Léo et Lilou, j'ai pris une grosse claque.
Matt a vécu des atrocités et m'en protège. Ou il a compris que je ne pouvais pas le supporter. Je dois réfléchir à tout ça. Et en tirer les conséquences.

— Je n'aime pas ce que tu dis, Tom ! Tu es un grand flic, car tu as justement cette sensibilité. Elle te donne un regard différent. Ne le regrette pas.

— Je suis du même avis qu'Anne. Tu es toi ! N'ai pas honte de cela, dit Nicolas en me serrant contre lui.

***

(Damien)

Je suis inquiet, depuis que nous sommes  rentrés, Inès est restée quasiment muette.

— Chica ? Qu'est-ce qui se passe ?

— J'ai peur.

— De quoi ?

— Cela fait tellement longtemps que mon objectif était de la sortir de ses griffes. Maintenant, c'est fait. Il est mort. Elle est bien entourée.

— Oui. Et alors ?

— Je suis d'un tel égoïsme. Je me dégoûte. Je ne sers plus à rien.

— Chica ! Ma belle, je t'interdis de dire une telle énormité. Sans toi, elle serait morte. Moi, je sais à quoi tu vas servir ? A aider Lilou. Elle a besoin de verbaliser ce qu'elle a vécu. Tu es la seule à pouvoir le faire.

— Je ne peux pas m'immiscer dans leur vie. Les gêner...

— Ce ne sera pas le cas. Personne ne t'a rejetée. Ils sont tous proches, soudés. Lilou est une pièce forte de ce groupe. Tu as contribué à ce qu'elle soit le mieux possible, ils ne l'oublieront pas.

— Ils n'ont rien entendu. De ce qui c'est passé.

— Chica, je peux t'assurer que toute la troupe d'Oliv a déjà été brieffée. C'est trop important pour eux. Tu as ressenti à quel point entendre Lilou parler les remplissait de joie.

— J'ai ressenti cette complicité entre eux, cette bienveillance.

— Alors, crois- moi, ils doivent tous t'admirer.

— Arrête de dire n'importe quoi, réplique-t-elle en haussant les épaules.

— J'arrête de le dire, pas de le penser. Va prendre un bain, cela va te faire du bien. Et après au lit.

— Oui. Je suis courbaturée.

— Tu étais tellement tendue. Tu veux un petit massage ?

— Je veux bien. Damien ? Est-ce que je pourrais rester encore un jour ou deux ?

— Chica, tu peux rester autant que tu veux. Je suis heureux que tu sois là. Très heureux. J'ai l'impression que je te connais depuis toujours.

— Moi aussi. Je me sens bien avec toi. Mais je ne veux pas te déranger.

— Ce n'est pas le cas. Tu prends mon lit. Je suis un oiseau de nuit, le canapé me va très bien.

— Sinon, on peut encore partager ton lit. Cela m'a plu de dormir dans tes bras.

— C'est vrai ? Je n'osais pas te le proposer. J'ai aimé aussi.

— Je vais à la salle de bain, alors ! Demain, j'appellerai Marc.

— Pourquoi ?

— Je crois qu'il a besoin de me sentir loin de lui. Il est comme ça. Très généreux. Mais, il a du mal à exprimer ses sentiments. Ma confession l'a bouleversé, il lui faut du temps.

— Justement, en restant ici, tu lui donnes ce temps.

***
(Oliv)

— Ça va Amy ? Je ne t'entends plus. Même Max ne te fait plus râler, dit tendrement Oliv.

— Excuse- moi. Mais je ne suis plus d'humeur à rigoler, réplique-t-elle morose.

— Tu as tort, regarde Lilou, elle est tellement souriante.

— C'est une gamine, Oliv. Elle ne réalise pas.

— Justement ma belle. Laissons- la être une gamine. Tu as vu Matt ?

— Il a été fumer dehors, avec une bouteille. Va le voir, Oliv. Il doit lâcher du lest.

— C'est pour cette raison que je le cherchais, dis-je avant de me diriger vers l'extérieur.

Je le trouve assis dans son coin.

— Tu as l'intention de picoler tout seul ?

— Ouais. Casse-toi, Oliv. Je ne suis pas de très bonne compagnie, me prévient-il les mâchoires serrées. Même Tom a préféré foutre le camp.

— Tu sais, Matt, autant cela peut fonctionner avec d'autres, autant avec moi cela ne marchera pas. Je te connais trop, mon pote.

—  En es-tu certain, me reproche-t-il ? Parce que moi, non ! Je suis plus du tout sûr qu'un mec comme moi, soit capable...

— Capable de quoi, Matt ? De parler à un petit bout terrorisé, de lui donner l'envie de rire ?

—  C'était facile, ça ! Mais maintenant, elle va avoir besoin de quelqu'un qui la guide, qui la protège, qui l'aime. Tu sais un père. UN PÈRE. Le voilà, mon Putain de problème, Oliv, j'ai pas trop de modèle.

— Tu es vraiment bouché, tu as toutes les qualités requises. Bordel ! Ne prends pas le chemin de la facilité ! Boire ou se battre. Tu n'en as pas marre ?? éructé-je prêt à lui foutre mon poing dans la figure.

— J'ai tellement peur, gémit-il. Si je devenais comme lui ? Elle a déjà tellement souffert.

— Parce que tu crois que Tom te laisserait faire ? Et que JE te laisserais faire ?

— Tom ? Il est où ? dit-il en regardant de droite à gauche. Il est parti au boulot, sans me dire un mot.

— Lève- toi. Magne- toi ! On y va !

-— Où ?

— Voir Tom. Tu dois lui parler de tes doutes. Arrête de tout garder à l'intérieur, Matt. De le protéger de tout.

— Tu as raison. Comme d'hab.

Petite Ellie. Where stories live. Discover now