Chapitre 14.

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(Matt)

Cette douche m'a fait beaucoup de bien. Je ne peux pas m'empêcher de passer dans la salle.

La petite est toujours allongée... non, en boule pour être exact. Le plaid est tombé par terre.
Ils n'ont même pas essayé de la laver à l'hôpital. Après, comment leur en vouloir, en deux jours, elle a voulu mordre le toubib et elle a saccagé sa chambre.

Je rejoins Tom dans la cuisine. Il est assis à la table. Un café fume dans une tasse, mais lui dort la tête posée sur ses avants-bras. Je pourrais rester des heures à observer cet homme. J'ai la chance de récupérer très vite, Tom lui a besoin de dormir entre sept et huit heures par nuit pour être en forme. Le regarder me détend à chaque fois. Son visage est  reposé mais ses sourcils froncés sont les images de ses pensées. Il bouge et ouvre les yeux.

Grillé !

Il se redresse et sourit. Normalement, il râle. Et je comprends : ce n'est pas moi qu'il regarde.

Lapuce est dans l'entrée. Une bonne chose, elle ne semble pas avoir peur.

— Tu as bien dormi ? Tu veux voir la maison ? Tu es chez toi, alors promène toi ! Tu veux qu'on vienne avec toi ? lâche Tom d'une traite sans presque respirer.

— Tom. Elle ne parle pas. Elle hoche de la tête. Si tu lui poses plein de questions en rafale, elle va se démancher la tête, plaisanté-je pour le détendre.

— Je viens de me réveiller, de te surprendre en train de me mater et tu trouves moyen de te foutre de moi. T'es gonflé ! râle-t-il avec un sourire au coin des lèvres.

— D'une je venais d'arriver et de deux, je ne te matais pas, j'admirais l'homme que j'aime !

Une petite main se glisse dans la mienne.

— Allons lui montrer la maison, dis-je en me dirigeant vers la salle.

Elle regarde partout, ouvrant ses grands yeux, touchant quelques objets, curieuse. En arrivant devant la pièce du fond, elle s'arrête, examine les lieux.

— C'est ta chambre, lui dis-je pour répondre à sa question muette. C'est ton lit.

Elle nous regarde, prend ma main et me tire vers la salle, s'assoit sur le canapé, les bras croisés.

— Qu'est-ce que tu veux nous faire comprendre ? demande Tom.

Elle se relève du canapé, trottine vers la chambre, fait non de la tête, revient sur le canapé et hoche la tête. J'éclate de rire .

— C'est très clair, je crois. Tu veux dormir sur le canapé. C'est ça ?

Elle sourit.

— Bon. Moi, j'ai faim pas vous ?

Je me dirige vers la cuisine, prends la tasse de Tom, la vide dans l'évier. Attrape trois bols, du lait, des céréales sous l'oeil attentif de Lapuce et de Tom.

— Vous comptez-vous asseoir ? Ou profiter du spectacle ?

— Profiter du spectacle pour ma part ! dit Tom en rigolant. Tu viens Lapuce ?

Elle reste figée, regardant la cuisine, les bols. J'en remplis un avec des céréales, et avant que je n'aie eu le temps de faire quoi que ce soit, elle se jette sur le bol, plonge sa main et se jette sous la table.

Tom, tout comme moi, restons muets de stupeur. Je me penche pour regarder sous la table. Elle mâche avec ardeur la poignée de céréales. Elle me regarde et je la sens prête à mordre si j'essaye de l'approcher. Du petit bout souriant de tout à l'heure, il ne reste rien. A la place, il y a un animal sauvage prêt à se battre pour garder sa nourriture.

— Pas question de faire cela dans cette maison !

Ma voix a porté plus fort que je ne pensais. Une boule sort de dessous la table et court hors de la pièce. Mais qu'est-ce que j'ai fait ? Nous nous regardons tous les deux, désemparés. Puis nous allons vers la salle. Elle n'y est pas.

— Excuse-moi, supplié-je. J'ai parlé fort, j'ai dû te faire peur. Montre-toi...

Dans le silence, on entend sa respiration. Rapide, saccadée. Elle a peur, et doit être cachée sous un meuble.

— Je vais te laisser te calmer. Nous allons dans la cuisine, dis-je calmement.

— C'était quoi ça ?

— Une connerie ! J'ai fait une connerie, je n'aurai pas dû réagir comme ça ! J'ai parlé trop fort et je lui ai fait peur !

— Je parle de ce qu'elle a fait :  se jeter sur la bouffe et aller manger sous la table.

— Elle se comporte comme un animal, Tom. Comme quelqu'un a fait en sorte qu'elle le devienne.

— Et on va la laisser faire pour qu'elle n'aie pas peur ? s'énerve Tom.

— Bien entendu que non. Nous allons lui apprendre à être une petite fille. Ça va être long, j'en ai peur ! Mais ça vaut le coup, non ?

— Oh oui alors ! On fait quoi pour qu'elle réapparaisse ? Une idée ?

— Oui ! On attise sa curiosité ! Et on ne brusque pas les choses.

Je me dirige vers le plan de travail et sélectionne de la musique.

— Si elle revient, je lui mets des céréales dans un bol. Mais je vais poser le bol au sol. Je ne pense pas qu'elle n'ait jamais mangé à une table de sa vie. Tu es d'accord ?

— Je crois qu'on va devoir demander de l'aide. Histoire d'être sûr de pas faire de conneries ! Ça me rassurerait !

— Sans souci. Tu sais, Tom, j'ai l'air d'être très confiant mais j'ai une putain de trouille !

— On est deux. C'est pas un jeu, Matt, nous n'avons  pas le droit de se planter !

Du coin de l'oeil, je vois une ombre près de la porte. Je fais un discret signe à Tom. J'attrape le bol de céréales et je le pose par terre entre la porte et la table. J'essaye de ne pas regarder dans sa direction pour ne pas la bloquer mais je ne peux pas, je m'en veux tellement. C'est à cause de moi qu'elle s'est enfuie . Je tente un truc, je lui tends la main en souriant.

— Viens lapuce. S'il te plait. Viens manger !

Elle avance pas à pas, prête à s'enfuir de nouveau à la moindre frayeur. Je m'assois à table et je détourne mon regard d'elle. (Allez poupée, s'il te plait, continue à me faire confiance ! )

Je fixe Tom qui lui se trouve en face de la porte et je le vois sourire. Je peux de nouveau respirer.

Petite Ellie. Where stories live. Discover now