Chapitre 28.

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(Tom)

Hier soir, après avoir couché la petite et s'être assurés qu'elle dormait, nous avons pris un peu de temps pour nous.
Je sentais que Matt avait tant de choses en tête qu'il n'allait pas dormir.
Dès que ses pensées s'égarent sur cette dure période de sa vie, il a tendance à perdre pied. Par périodes, il a encore des cauchemars.
Nous avons beaucoup parlé.
Il déteste ces excès de violence. Terrorisé à l'idée de ne pas se contrôler un jour et de me faire mal.
J'ai beau lui assurer que cela n'arrivera jamais, il a des doutes.
Je le comprends, il a subi la pire violence qui soit : celle de sa famille. Cela a failli le détruire.

Quand je l'ai rencontré, il était devenu un homme en colère contre tout le monde.
Moi, j'ai eu une chance inouïe, ma famille ne m'a jamais rejeté. Ils ont accepté qui j'étais.

Ce mec qui passe beaucoup de temps à faire de l'humour, est quelqu'un de très fragile. Il a peu confiance en lui. L'arrivée de Lilou l'angoisse car cette petite est sans défense, mais il ne l'abandonnera jamais.

Je me lève. De rester à la maison sans travailler me pèse même si profiter de Lilou et de Matt est un véritable bonheur. Par contre mon corps est en manque d'exercice.
Ce matin, j'ai décidé d'aller courir. J'arrive dans la salle, et je me stoppe net.

Je dégaine mon portable afin d' immortaliser cet instant magique.

Sur le canapé, Matt, les cheveux emmêlés, une moue sur les lèvres, dort profondément et lovée contre son torse musclé, Lilou un pouce dans la bouche dort aussi.
En faisant le moins de bruit possible, je les mitraille.
Leur abandon dans le sommeil, collés l'un à l'autre m'émeut.
Dire que hier, elle l'a mordu quand il la prise de façon impulsive dans ses bras.

Je m'installe en face d'eux dans le fauteuil, me nourrissant de cette image.

Matt, le premier réveillé ouvre les yeux, me voit et malgré sa surprise, me fait un sourire si craquant que mon ventre se contracte.
Je le vois se figer quand il comprend que la chaleur qu'il ressent sur sa poitrine est celle de Lilou. Il ne bouge plus de peur de briser ce moment.
Et tout comme moi tout à l'heure, il le savoure. Je voudrais me rapprocher de lui afin de partager ce moment, mais je me contente de rester là.

Matt a compris et d'un mouvement d'épaule s'excuse de mon exclusion. Puis il me regarde avec une telle intensité que je ne me sens plus exclus du tout.

Lilou remue, ouvre les yeux, se fige un bref instant, sur la défensive, puis reconnaissant Matt, se détend et lui sourit.

- Bonjour, Lilou. Tu as bien dormi ?

Elle acquiesce en silence, comme à son habitude. Puis elle s'étire en baillant, toujours installée sur la poitrine de Matt. Celui-ci, les bras croisés sous la nuque, profite avec un réel plaisir de l'instant présent. Il se tourne vers moi .

- Cela faisait longtemps que tu profitais du spectacle ? me demande-t-il.

- Oui, un moment mais je n'ai pas vu passer le temps, lui dis-je en souriant. J'ai même pris des photos, plein de photos ! Tu avais peur de me réveiller ?

- Non, je ne pensais pas m'endormir surtout. Tu as bien dormi ?

- Oui. Je pensais aller courir, j'ai besoin d'exercice.

- Je ne pense pas que ce soit envisageable pour l'instant, bébé ! dit-il avec un clin d'oeil.

- Zut, quel dommage ! Tu t'occupes du petit déjeuner ? Je suis là dans une demi heure.

****

(Matt)

Lilou s'est rallongée sur mon torse, le pouce dans la bouche. J'ai envie de lui faire des chatouilles, mais en pensant à hier, je préfère m'abstenir. Subitement, elle glisse au sol et s'échappe en courant vers les toilettes. Je me lève à mon tour, et me dirige vers la cuisine.

- Je suis dans la cuisine, j'ai allumé la télé si tu veux ! lui crié-je.

En fait, je ne veux pas qu'elle entre dans la pièce tout de suite. Il me faut un peu de temps pour mettre en place mon travail de cette nuit.

Je redoute un peu sa réaction pour être honnête. Un regard rapide dans la salle me confirme qu'elle regarde la télé.

Au boulot Matt !

Cette nuit, voyant qu'une fois de plus, le sommeil ne viendrait pas, je me suis installé à mon bureau pour bosser. Sans plus de succès.

Je pensais à nos soucis de communication avec Lilou. Il est plus qu'évident qu'elle nous comprend.
Par contre, nous n'avons aucune info sur la façon dont on s'occupait d'elle. Elle est curieuse. Tout en réfléchissant, je jouais avec mon portable et tout à coup une idée a jailli.

J'ai mitraillé plein d'objets : la télé, le canapé, la table, la chaise. Puis j'ai imprimé ces photos et je les ai collé pour en faire un cahier, un genre de dictionnaire. Ou un imagier, qu'importe son nom !

Ce matin, je vais lui demander ce qu'elle veut manger en lui parlant mais surtout en lui montrant.
Ce que je veux ? Lui donner la possibilité de pouvoir le faire elle pour communiquer avec nous. Je suis impatient et mort de trouille à la fois.

La porte d'entrée s'ouvre. C'est Tom qui revient de son footing. Il apparaît à la porte de la cuisine, les joues rosies par la fraîcheur et l'effort. Ces cheveux courts sont humides de transpiration.

- J'ai le temps de prendre une douche rapide ?

- Vas-y ! Là, tu es trop...Casse-toi !

Un quart d'heure après, il s'approche de moi et m'embrasse doucement sur la joue.

- Lilou ? On mange ! appelle-t-il.

Je ne sais plus, j'hésite, je ne veux surtout pas déclencher une nouvelle crise. Tom sentant mon trouble me regarde bizarrement. Je me lance à l'instant où elle rentre dans la pièce.

- J'ai fabriqué quelque chose pour toi cette nuit, poupée ! Regarde ! Tu veux du lait ? Je lui montre la brique de lait sur la table, la photo de la même brique dans le classeur.

Elle regarde sur la table puis sur le classeur et me fait un énorme sourire. Puis elle tend son doigt vers la photo.

YES !

Elle s'approche du classeur, tout son corps se tend vers lui.

- Vas-y ! Regarde ! Montre-moi. Montre-nous, complété-je en impliquant Tom.

Elle feuillette les pages, ses grands yeux écarquillés. Elle montre la photo de la télé puis la direction de la salle.

- Tout à l'heure, la télé. Là on mange !

- Tu es un homme tellement génial ! me chuchote Tom. Merci.

Petite Ellie. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant