• Ch.24 - Le Sauveur •

146 19 6
                                    

Je n'avais jamais vu de véritables villes durant mon enfance, mis à part à travers une vitre, mais j'étais attristée par l'apparence délabrée des immeubles. Presque toutes les vitres étaient brisées, des débris et des meubles en morceaux encombraient les trottoirs. Néanmoins, je ne voyais pas l'ombre d'un survivant.

Les sentiments de culpabilité et de perte engendrées par mon détachement du groupe s'atténuaient au fur et à mesure que je progressais le long de la route, provoquant des petits nuages de poussière à chacun de mes pas.

J'étais tentée d'appeler et d'attendre qu'une personne, n'importe qui, me réponde, mais j'avais peur qu'il y ait des fondus ou que je ne reçoive aucune réponse.

Cependant, la seule destination envisageable était cette ville, c'était ce que tous pensaient, alors pourquoi elle semblait être une ville fantôme? Où étaient les blocardes du groupe B?

Je tournai à un coin de rue avec précaution lorsqu'un écho de voix me parvint. Je ne saurai dire quelle pouvait en être l'origine, ce qui me provoqua des légers frissons. Je continuai à avancer, me doutant que je marchai tout droit vers l'endroit où la voix provenait.

Je débouchai sur un carrefour et, de nouveau, des voix me parvinrent, plus proches et plus nettes. Je fis quelques pas en avant, pivotai la tête vers la gauche et découvris tout un groupe de survivants. Même à plus d'une dizaine de mètres, je pouvais aisément constater que leurs vêtements aux couleurs déteintes étaient troués par endroit. Certains étaient assis par terre, le dos contre le mur d'un immeuble et d'autres adoptaient un étrange pas rapide en direction d'une bifurcation à droite.

Je fronçai les sourcils, qu'est-ce qu'il y avait dans cette rue? Qu'est-ce qui pouvait les animer comme ça? Je pris une inspiration et repris ma marche vers les nombreuses personnes vautrées sur le sol, comme attendant que la mort vienne les prendre. Ils ne m'avaient pas encore remarquée et j'appréhendais leur réaction le moment venu — je devais avoir l'air en meilleure santé et état qu'eux.

Je passai devant une mère et ses deux enfants mais elle ne leva même pas les yeux vers moi, puis un homme d'âge mûr qui me regarda avec des yeux éteints. Malheureusement, alors que je continuais à me diriger vers la route à droite, on m'interpela. Une voix féminine abîmée par une trop grande consommation de cigarettes me héla et je ne pus l'éviter:

— Eh petite, attends un instant!

Je pilai nette, me raidis sans prendre la peine de me tourner, ce qui devait amplifier mon air coupable. Je la sentis se mouvoir nonchalamment vers moi. Du bout de ses doigts, elle décriva une tracée sur ma peau, de mon épaule droite à mon épaule gauche puis se plaça devant moi, un mètre nous séparant. La tension était électrique, et je n'osais pas esquisser le moindre geste — il n'y avait rien de plus dangereux qu'une personne n'ayant plus rien à perdre et j'étais persuadée que c'était le cas de cette femme.

Elle se mordit la lèvre inférieure, m'examinant de la tête aux pieds pour je ne savais quelle raison. J'en profitai pour l'observer furtivement à mon tour. Elle portait un treillis militaire et un débardeur grisâtre teinté de suie. Ses cheveux ébènes ébouriffés étaient coiffés en une tresse à présent désordonnée qui lui arrivait en bas de la poitrine. Sa pommette était barrée d'une cicatrice récente, encore rougie. Je lui donnai autour de la quarantaine, si ce n'était plus.

— T'es vachement propre pour une gamine, ricana-t-elle.

Je la contemplai avec incrédulité. J'étais moi aussi pleine de poussière et j'avais quelques égratignures, j'étais tout sauf propre.

— Tu caches quoi dans ton sac? Ça m'a l'air bien lourd.

Elle tendit une main vers mon sac à dos mais je pivotai brutalement d'un quart vers la droite. Elle releva la tête et me jeta un regard empli de dédain.

Phases [TMR Fanfiction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant