Chapitre 34

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3 novembre

       Assise sur un lit d'auscultation à l'hôpital, entourée par les murs immaculés et stériles, je tiens mon téléphone, le regard fixé sur l'écran. Les images du gala de charité auquel Andrew assiste sans moi à Dublin défilent. Chacun de ses sourires, chacun de ses gestes envers Scarlett, vêtue d'une sublime robe blanche à bustier, me serrent le cœur. Pour l'occasion, la National Gallery of Ireland illumine. Le cadre est élégant et les convives du gala mondain, où seule l'élite est invitée, peuvent profiter des expositions. La pièce étincelante où les tables sont recouvertes de nappes claires, de vases en cristal et de roses est un univers qui tranche avec le silence pesant de la salle de consultation dans laquelle je patiente depuis une dizaine de minutes. J'aurais dû être là-bas, bras dessus, bras dessous avec lui, mais le coup à la tête reçu il y a dix jours m'a laissée affaiblie et vulnérable. Il était inconcevable que j'accepte d'assister à la soirée bruyante et longue. Et puis, j'éprouve encore des difficultés à me concentrer plusieurs heures. Malgré tout, je ne peux m'empêcher d'être envieuse voire jalouse de Scarlett.

La porte s'ouvre brisant le cours de mes pensées moroses.

— Bonjour Juliette ! Comment allez-vous ? Vous avez bonne mine ! me lance le médecin du haut de son mètre quatre-vingt-quinze dans sa blouse blanche. Le docteur Stevenson, au physique agréable, est le neurologue qui me suit. Il est souriant et décontracté ce qui est un plus face à des patients angoissés comme il m'est arrivé de l'être.

— Je reprends du poil de la bête, assuré-je.

— C'est une bonne nouvelle, répond-il en enfilant une paire de gants.

Il s'approche avec précaution, ses yeux scrutent les miens cherchant des signes de confusion. L'examen commence : il vérifie mes réflexes, la réactivité de mes pupilles et mon équilibre. Puis il réalise une évaluation cognitive pour jauger ma mémoire et ma concentration. Mes réponses le rassurent.

— Vous montrez des signes d'amélioration notable, Juliette. Je pense qu'il est temps de stopper les antidouleurs, prévient-il en notant ses observations sur son ordinateur. Toutefois, je vous recommande de continuer à vous reposer et d'éviter toute activité qui pourrait solliciter trop intensément votre cerveau ou votre corps.

Il revient inspecter les points de suture sur mon crâne.

— La plaie est belle. La cicatrisation bien avancée. Les points de suture se résorbent. Ça prendra encore quelques jours avant qu'ils ne disparaissent totalement. Vous avez encore des maux de tête ?

— Ils sont se font rares.

— Très bien. Prenez du paracétamol en cas de besoin. Je prolonge votre arrêt maladie de trois semaines. Au vu de votre dossier médical et de vos antécédents, je préfère ne prendre aucun risque. Continuez de vous reposer. Pourquoi ne pas voyager un peu ? Je suis sûr que ça vous ferait le plus grand bien. D'autant plus qu'il n'y a aucune contre-indication à prendre le train ou l'avion.

— Mon père vous a corrompu, le taquiné-je.

Le docteur rit.

— Votre père s'inquiète. Mais n'ayez crainte ! Même autour d'une bière avec lui, le secret médical prévaut !

Je lui souris.

— Le sevrage aux antidouleurs devrait se faire sans problème étant donné que vous n'en avez presque pas pris. Je vais suivre cela de près. Vous reviendrez pour une consultation dans dix jours. Et si vous ressentez le besoin de me voir avant, appelez sans hésiter le secrétariat.

J'acquiesce en mettant ma veste.

— Et concernant le psychologue ?

— J'ai eu trois séances, dont deux d'hypnose. Je crois que ça m'aide.

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