Chapitre 17 - Andrew

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19 octobre

        Je me réveille avec un goût étrange dans la bouche. Sans doute est-ce celui du CBD ingurgité pour vaincre la migraine qui m'a tenaillée pendant toute la soirée. Les draps froissés témoignent de mon sommeil agité. La lumière pâle du matin filtre à travers les rideaux entrouverts. Il me semblait pourtant avoir baissé les volets avant d'aller me coucher. Je m'étire et me redresse sur le matelas. C'est alors que je remarque la présence de Nine au pied du lit.

— Bonjour petite beauté ! déclaré-je en me frottant le visage.

Elle fronce les sourcils.

Elle se tient là, immobile et blafarde comme un fantôme dans sa longue robe noire et droite. Avec son chignon banane, son air dur, ses collants opaques et ses chaussures à talons carrés, elle ressemble à la parfaite nanny Anglaise. Effrayante et austère. Son regard pénétrant ne me quitte pas. Pourquoi est-elle debout à m'observer comme si elle attendait quelque chose ?

La dernière fois qu'elle a patienté au pied du lit le temps que je me réveille, alors qu'une colère froide lui dévorait le bide, c'était à cause de mon cousin.

— Quelle connerie Owen a encore faite ?

— Il n'est pas question d'Owen, répond-elle froidement.

J'en déduis que je suis le nœud du problème.

— Quelle connerie j'ai encore faite ? m'informé-je dans le plus grand des calmes.

— Je ne les compte plus.

OK. Ça, c'est du réveil.

Mes mouvements sont lents, presque engourdis. Nine ne bronche pas. Elle attend. Je ferme les yeux puis les rouvre et je la vois de façon plus nette. Un serre-tête, de lady coincée du XIXe siècle, encadre son visage désormais impassible.

Je pousse la couette et je me lève. C'est nu comme un ver que je tire les rideaux clairs et que je m'étire.

Ça ne perturbe pas Nine. Elle a l'habitude.

— Est-ce que tu vas rester plantée au pied de mon lit toute la journée ? l'interrogé-je.

Elle ne bouge pas.

— Tu as perdu ta langue ? Pourquoi diable es-tu dans ma chambre ?

Elle contourne le lit pour me rejoindre.

— Andrew, habillez-vous, exige-t-elle avec intransigeance.

J'enfile le caleçon posé sur le dossier de la banquette. L'instant d'après, je suis debout devant Nine.

— Que fais-tu ici ? demandé-je en essayant de percer le mystère qui entoure son air des plus sévères.

— Si quelqu'un était mort, tu serais arrivée dans tous tes états. J'en déduis que n'est pas ça, réfléchis-je à haute voix. Si le chien du voisin était parvenu à entrer sur le terrain et à saccager ton potager, je t'aurais entendu hurler.

— James veille au grain quand il ouvre le portail pour que ce genre d'incident ne se reproduise plus.

— Qu'est-ce que tu planques les mains dans le dos ?

D'un geste vif, elle me fourre un journal contre la poitrine. Je le saisis, perplexe.

— Je vous informe que la police a essayé de vous joindre sur le fixe. Vous ne répondiez pas sur le portable. L'inspectrice Evans doit passer dans l'heure pour vous poser, je cite, de nouvelles questions dans le cadre d'une enquête criminelle.

Je soupire. Ma journée était censée être réservée à des tests et des exercices avec mon kiné.

De nouvelles questions. J'en déduis que ce n'est pas la première fois qu'elle entre en contact avec vous.

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