Chapitre 4

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      Le corps fatigué mais l'esprit alerte, je termine de peaufiner ma to do list dans mon carnet. La journée de demain s'annonce chargée. Trois mille fleurs doivent m'être livrées, et avec mes employées, nous ne compterons plus nos heures jusqu'à samedi.

— Comment te sens-tu ? demande mon père en grignotant des sablés préparés par Penny, la voisine, qui me les a apportés quand je suis rentrée à vingt heures.

— L'excitation est au rendez-vous. L'appréhension aussi, réponds-je en essayant de paraître détendue.

— C'est normal, répond papa en avalant quelques gorgées d'un verre de lait froid.

— Imagine que je ne sois pas à la hauteur.

— Ma chérie. Tu es toujours à la hauteur, assure-t-il en posant un regard doux sur ma petite personne.

— Tu dis ça parce que tu es mon père, répliqué-je en lui tapotant l'épaule.

— Tu te souviens de tes peurs au collège et au lycée ? Souvent, tu craignais d'avoir raté tes examens alors que tu passais ton temps à réviser. Tu étais la meilleure de ta classe. Aujourd'hui, ça n'a pas changé. Tu n'as aucune raison de douter de tes capacités. Les intérimaires que tu as embauchés, Penny, Colm et moi ferons notre possible pour que May's Flowers honore sa prestation. Tu t'es entretenue avec la décoratrice des Thompson. Tu as préparé avec soin les stocks d'assortiments des bouquets et des compositions. J'ai rangé le local et la serre qui permettront de travailler dans de parfaites conditions. Ta grand-mère s'occupe de la paperasse et sera aidée en boutique par Abigail.

— Je sais tout ça. Malgré tout, je ne peux pas m'empêcher de stresser.

— Viens-là, dit papa en m'ouvrant ses bras pour que je me pelotonne contre lui. Tu sais ce que tu vas faire ? Manger ces petits biscuits délicieux, finir ta tisane et allait te coucher.

Je me détache de lui et il se lève du tabouret sur lequel il était assis dans ma petite, mais conviviale, cuisine

— Repose-toi, Juliette. Essaie de ne penser à rien, conclut-il en lavant son verre dans le lavabo avant de m'embrasser sur le front et de me fausser compagnie.

— Bonne nuit, papa, murmuré-je en fermant la porte derrière lui.

Je l'observe quitter l'annexe pour se rendre à quelques pas de là, dans la maison qu'il occupe. Puis dans un réflexe, je vérifie avoir bien verrouillé la porte avant de retourner dans la cuisine. Je termine mon infusion, savourant chaque goutte qui glisse sur ma langue. L'arôme floral m'enveloppe. Il me prépare doucement au sommeil qui se profile et dont j'ai tant besoin quand un bruit indistinct me fait lever le regard. Un frisson me parcourt l'échine. Cherchant à me raisonner, je me dirige vers la fenêtre pour scruter la nuit avec suspicion. Rien ne semble anormal. Les arbres se balancent sous l'influence du vent. Leurs ombres dansent, éclairées seulement par la lueur de la lune.

J'éteins la lumière plongeant la maison dans l'obscurité. Chaque pas que je fais résonne dans le couloir.

Soudain, un nouveau bruit plus distinct joue avec mes nerfs. Méfiante, je saisis le téléphone sans fil à la volée qui était posé sur une tablette. Ma main se crispe autour du combiné. Mon instinct de survie s'éveille. Mon rythme cardiaque s'accélère et je commence à être incommodée par une bouffée de chaleur. Prenant une grande inspiration, je traverse le couloir, pas après pas. Je me plante derrière la porte, en partie vitrée, qui donne sur le jardin.

Je tire légèrement sur le rideau pour voir ce qui se passe dehors.

Relax, Juliette, me répété-je à haute voix. Comme si marteler cette phrase aller étouffer les peurs qui s'éveillent en moi à chaque fois que je me sens en danger. Un danger qui me paraît omniprésent même si je raconte le contraire à mes proches.

Savage loveWhere stories live. Discover now