Chapitre 15 - Andrew

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       La nuit enveloppe le comté de Cork. Je ramène Juliette chez elle après une journée qui aurait dû n'être que joie et bonne humeur, mais quelque chose a changé. Sur le trajet du retour, je sens le poids du silence qui s'est installé entre nous. Un silence chargé d'une tension que je ne comprends pas.

Aux alentours de vingt-trois heures, je me gare devant la maison des Campbell, coupant le contact sans oser rompre ce silence pesant. Juliette, d'ordinaire si bavarde et joyeuse, regarde distraitement par la fenêtre. Son visage révèle une tristesse déconcertante. Je me pose des questions. Est-ce que j'ai dit ou fait quelque chose de mal ? Je me refais le film de la journée et je ne vois pas à quel moment tout a capoté... Ou peut-être si ! C'est au pub que son comportement a changé.

— Juliette, est-ce que tout va bien ? demandé-je doucement, presque à contrecœur, craignant la réponse.

Elle esquisse un sourire forcé, mais ses yeux trahissent une vulnérabilité douloureuse.

— Tout va bien, Andrew. Merci pour cette belle journée, murmure-t-elle. C'était génial.

Quelque chose dans sa voix, dans la manière dont elle évite mon regard, me dit que tout n'est pas aussi parfait qu'elle le prétend. Encore une fois, je ne peux m'empêcher de m'inquiéter, de me demander si j'ai pu faire quelque chose qui aurait pu la mettre mal à l'aise ou la chagriner.

— Si tu es préoccupée, Juliette, je suis là pour toi. Ça ne fait pas longtemps que l'on se connaît, mais tu sais que tu peux me parler ? insisté-je en cherchant à percer le mystère qui obscurcit cette soirée.

— Je sais.

— Je me suis mal comporté ?

Après un moment d'hésitation, elle soupire, comme si elle avait pris une décision qui pourrait sceller notre courtrapprochement.

— Non, Andrew, tu n'as rien fait de mal. Tu as été parfait. C'est juste...

Elle marque une pause. Son expression dévoile une douleur que je ne peux ignorer.

— Je t'assure que ce n'est pas toi. Je suis un peu fatiguée. Une bonne nuit de sommeil me fera le plus grand bien.

Elle ment.

Juliette m'embrasse sur la joue. Je n'ai pas le temps de sortir de la voiture qu'elle progresse déjà dans l'allée menant à son annexe. Sans même un regard, elle rentre chez elle. Une lueur s'élève derrière les rideaux sur lesquels son ombre apparaît. M'enfonçant sur mon siège dépité, je crois que le message est clair : je ne lui plais pas autant qu'elle me plaît. Étant trop gentille, elle n'a simplement pas réussi à me le dire.

Non ! Ça ne peut pas être ça, pensé-je. J'ai remarqué comment elle me regardait avec admiration pendant la séance photo. Je ne vais pas insister, la nuit me portera conseil.


18 octobre

        Les jours qui suivent, je constate que Juliette se replie sur elle-même. Les messages deviennent plus rares, les appels inexistants. Elle ne décroche pas quand j'essaie de la joindre à deux reprises. Je ressens un éloignement, une barrière invisible qui s'est érigée entre nous. Inquiet, je décide de prendre l'initiative de me promener dans les rues familières de Cork pour tenter d'éclaircir la situation. Je voudrais avoir des réponses. Que s'est-il passé au pub ? J'hésite longuement avant de pousser la porte de May's Flowers.

— Monsieur Thompson ! Quelle bonne surprise ! s'exclame Colm qui pose le bouquet qu'il préparait et vient à ma rencontre. Désolé. Vous avez raté, Juliette... de peu !

Savage loveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant