— Je comprends. Dans ce cas, je ne bougerai pas jusqu'à ce que tu me mettes à la porte, lance un Andrew charmeur.

Bien que nous ayons tout dévoré, l'effluve des lasagnes embaume toujours la pièce. Andrew et moi avons fini de dîner, mais la soirée semble trop agréable pour se terminer. Je débarrasse la table en riant de voir mon invité lécher le bord de son ramequin sur lequel il demeure un soupçon de mousse au chocolat.

— C'est tellement bon ! s'exclame-t-il.

— Tu as gagné le droit de repartir chez toi avec le reste de la mousse.

— Ça aurait été avec joie, si je n'avais pas un régime à suivre ! Je dois me contenter de petits plaisirs ici et là sans en abuser.

— Je comprends, assuré-je tout sourire. Notre demi de mêlée nationale doit garder la forme !

Andrew se lève et me pousse d'un coup de fesses pour s'occuper de la vaisselle.

— Tu es mon invité !

— Un invité qui peut se rendre utile, réplique-t-il alors que je m'accote contre le meuble pour le regarder faire.

Chaque seconde passée en sa compagnie et une seconde de plus qui me fait fondre pour ses grandes et belles prunelles.

Je prends une initiative audacieuse pour profiter encore un peu de sa compagnie.

— Ça te dirait de rester un peu plus longtemps ? On pourrait visionner un film ou quelque chose du genre. Ce serait sympa, proposé-je.

— Très bonne idée ! Cette soirée doit se prolonger. Il ne peut en être autrement.

La perspective de passer plus de temps avec Andrew me ravit. Alors, une fois qu'il s'essuie les mains, je l'invite à s'asseoir dans le salon en le tirant par le bras.

Nous nous installons confortablement devant la télévision. Pudding qui rôde dans le coin finit par grimper sur mes genoux en dévisageant le rugbyman qui tente de le caresser. L'animal renifle la main d'Andrew puis s'en va.

— Je ne sais pas comment interpréter son départ, s'amuse-t-il. Je crois qu'il ne m'aime pas.

— Il se lie d'amitié avec les gens après les avoir vus deux ou trois fois. Il va s'habituer à ton odeur et à ta présence.

— Ce qui signifie que tu comptes m'inviter à nouveau ? s'intéresse Andrew en se rapprochant de moi sur le canapé.

Son corps est si proche du mien que j'en frissonne de plaisir. Il y a cette dualité en moi qui me tiraille. D'un côté, je me répète que c'est prématuré de succomber au désir naissant entre nous. Et de l'autre, je me dis que je n'ai qu'une vie, qu'elle passe vite et que pour l'instant, je n'en ai pas vraiment profité. Il me semble qu'Andrew perçoit mon trouble. Le coquin se rapproche et mon cœur s'emballe quand je pense qu'il va me délivrer un baiser. Nos nez se frôlent et son souffle tiède vient caresser ma peau me volant un tressaillement qui ne lui échappe pas. Andrew pose sa main sur mon bras comme pour me dire de me détendre. Puis, il dépose un tendre et long baiser à la commissure de mes lèvres avant de s'enfoncer dans le canapé sous mon air stupéfait. J'en suis estomaquée et je peine à trouver les mots tant la sensation de ces lèvres sur ma peau était plaisante.

Andrew rit et me tire contre lui pour m'étreindre. Il sait que j'adore ça et je sais que lui aussi.

— Qu'allons-nous regarder ? demande-t-il quand je me saisis de la télécommande.

Je reprends contenance.

— Voyons voir ce qui passe à la télévision...

Je zappe de chaîne en chaîne jusqu'à ce que j'arrive sur RTE NEWS. Le bandeau en bas de l'écran me fait me redresser dans un bond. « Un tueur en série sévit-il dans le comté de Cork ? » La présentatrice, brune au chemisier d'un rouge intense, aborde les récentes attaques. Elle révèle que la police serait sur plusieurs pistes sérieuses. Un frisson glacial traverse ma colonne vertébrale quand elle ajoute :

— Le corps d'une femme retrouvée sans vie, chez elle, à Kinsale, interroge les enquêteurs. D'après nos sources, la victime aurait été agressée à coups de hache. Une similitude notable avec le meurtre de Patricia Grant et l'attaque de Charlotte Green qui se trouve toujours dans un état critique.

Andrew, assis à côté de moi, remarque ma réaction.

— Juliette, tu trembles, murmure-t-il en s'emparant d'un plaid qu'il déplie et pose sur mes épaules.

— Et si elle disait vrai ? lâché-je avec effroi. Et si un tueur rôdait dans les environs ?

Embarrassé, Andrew détourne le regard.

— Qu'est-ce que tu as ?

— Je ne voulais pas t'en parler pour éviter de t'inquiéter inutilement...

— Dis-moi, l'imploré-je d'une voix chevrotante.

— Charlotte Green est la jeune femme à qui tu as porté secours dans ta rue.

J'acquiesce en essayant d'arrêter d'agiter ma jambe.

— Quand je suis venue te voir hier... j'ai croisé un individu étrange.

— Où ça ?

— Il était à quelques kilomètres d'ici sur la propriété d'un ami parti en voyage à l'autre bout de la planète. J'ai trouvé bizarre d'apercevoir une voiture sur son terrain alors je suis allé voir. En m'apercevant, le type est remonté dans son véhicule et il a pris la fuite.

Figée, je suis pendue à ses lèvres. Mon mauvais pressentiment s'amplifie en apercevant l'air sinistre d'Andrew.

— J'ai découvert une hache, lâche-t-il de but en blanc.

Je me lève brusquement faisant tomber le plaid sur le canapé.

— Une hache ? répété-je interdite.

Qui laisse traîner ce genre d'arme ? Personne ! Tout du moins, pas une personne saine d'esprit.

— D'après ce qu'a sous-entendu l'inspectrice chargée de l'affaire, elle est liée à l'attaque de Charlotte.

Une onde glaciale me parcourt. Je me raidis, crispée par cette information.

— Liée ? Comment ça ? Comment le sais-tu ?

— Le sang retrouvé sur la hache correspond à celui de Charlotte.

J'ai besoin de prendre appui sur un fauteuil.

— Quoi ? Une hache ? Je ne comprends plus...

— Assieds-toi, dit Andrew. Viens.

Il me fait contourner le siège pour que je m'y installe et il repose le plaid sur mes épaules. Tant bien que mal, j'essaie de desserrer les poings qui centralise toute ma frustration.

Tout cela semble trop étrange, trop proche de chez moi. La série d'attaques, l'arme trouvée par Andrew... Ça ne peut pas être une simple coïncidence.

— Souffle et calme-toi.

— C'est Woody, assuré-je, le regard hagard. Woody est sorti de prison il y a un mois, et maintenant ça.

Je tente de me lever, mais Andrew m'en empêche.

— Il faut que je m'assure qu'il est au Canada ! Je dois joindre mon avocate !

— On est dimanche, elle ne te répondra pas.

J'essaie de me raisonner.

— Tu as raison... Oui, tu as raison, sangloté-je.

Andrew s'agenouille face à moi en prenant mes mains dans les siennes.

— Tu l'appelleras demain, OK ?

La tension dans la pièce est palpable. La possibilité que Woody soit impliqué dans ces attaques me terrifie. La soirée qui avait commencé sur une si bonne note prend une tournure inattendue. Le doute s'insinue dans mon esprit et la peur que j'avais en partie occultée se fraie à nouveau un chemin en moi.

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