VI. - Chapitre Cinq

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Enchantia (Nolan)

Même époque, même soirée, autre lieu

Nolan. Ce petit garçon blond, à l'aube de ses dix ans, n'avait connu rien d'autre que le Foyer dans lequel il avait vécu toute sa vie. C'était l'établissement qui lui avait donné son prénom. Le Foyer s'occupait et éduquait les enfants jusqu'à ce qu'une famille les adopte ou jusqu'à leur majorité. L'établissement se situait sur l'une des deux grandes îles qui composent la région sur-mer du Nord.

Nolan n'avait pas beaucoup d'ami. Seulement une amie : Alison. Elle avait le teint mâte et les cheveux bouclés, noires, avec une mèche d'un blanc parfait. Quand Nolan lui demandait pourquoi elle avait cette mèche blanche, Alison racontait une histoire différente à chaque fois. Elle était un peu plus vieille que lui, mais il la connaissait depuis toujours. Seulement, les filles et les garçons étaient séparés dans deux bâtiments. Les deux amis ne se voyaient que les jours de repos ou pendant les pauses entre certains cours quand tous vont en récréation, que garçons et filles partagent. À part Alison, Nolan n'avait pas d'autre attache au Foyer.

Aussi, ce soir-là, où la lune était d'un rouge sang, Nolan fut réveillé par un bruit. Les trois autres garçons avec qui il partageait sa chambre, se réveillèrent aussi. C'était une musique. Une flûte pour être plus précis. Elle était envoutante. Les garçons sortirent discrètement de leur chambre. Nolan les suivit en enfilant une chemise et un pantalon dans lequel il rangea, dans l'une des poches, son miroir à main. Il l'emportait partout, c'était la seule chose qui lui restait de ses parents. Dans les couloirs des dortoirs des garçons, tous étaient sortis de leur chambre, guidés par la musique de la flûte. Nolan se demandait ce qu'il se passait. Même si tous avaient l'air de faire comme lui, c'était assez inquiétant. Tous avaient l'air d'être plus envoutés par la musique que lui.

Il suivit le groupe jusque dans la cour où les filles sortaient, elles aussi, de leur dortoir. Des enfants étaient en train de couper un grillage avec des cisailles, probablement trouvées dans la cabane du jardinier, pour sortir du Foyer. Tous sortirent, suivant toujours le son mélodieux de la flûte. Et c'est là que Nolan en découvrit la source. Une calèche noire, très grande, attendait les enfants qui montaient déjà dedans. Les montures étaient tous des ânes grisonnants qui semblaient usés. Un homme très grand avec une imposante corpulence était aux rênes. Il avait un long manteau sombre et un large chapeau. Sa peau était foncée et sa barbe taillée en bouc. C'est lui qui jouait de la flûte. En voyant les enfants arriver, il avait cessé d'en jouer.

- Allez mes amis ! Montez tous à bord !

Nolan regarda ses camarades, tous heureux en grimpant dans le véhicule. Mais lui avait un mauvais pressentiment.

- Tu viens Nolan ? demanda Alison en apparaissant derrière lui. Le cocher va nous emmener sur l'Île-aux-Plaisirs !

- Le cocher ? L'Île-aux-Plaisirs ? hésita le blondinet. Alison, tout ceci ne me dit rien. On devrait s'en aller. Tout de suite.

Tous les enfants avaient pris place à bord de la calèche. Il ne restait plus qu'eux deux.

- Alors les enfants ? Vous venez ? demanda le cocher.

- On arrive ! répondit Alison. Allez Nolan, ce sera amusant !

- Qu'est-ce qui t'arrive, jeune homme ? se mêla le cocher. Tu n'aimes dont pas t'amuser ? Tu ne veux pas profiter de la vie comme tous ces enfants ?

- Je... Je ne vous fais pas confiance, dit timidement Nolan.

- Oh, je vois. Si tu n'as pas confiance en moi, fais-leur confiance à eux au moins.

Alison regarda Nolan avec de grands yeux, comme pour le supplier.

- Tu ferais mieux de te décider et vite, mon garçon, pressa l'homme. Après tout, tu fais ce que tu veux. Si tu n'es pas un fêtard, si tu as peur de t'amuser, ce n'est pas moi qui t'en voudrai.

- Allez Nolan ! S'il te plaît, on va bien s'amuser ! insista-t-elle en le tirant sur la calèche.

- Allons jouer ! Allons jouer ! crièrent joyeusement tous les enfants pressés.

- Alors ? Tu viens ou pas ? demanda le cocher insistant.

Nolan prit de panique fit un geste brusque pour se défaire de l'emprise d'Alison et descendit de la calèche.

- À ta guise, dit le cocher en haussant les épaules.

Puis, il tira les rênes et les ânes partirent en galopant. Alison fixa Nolan jusqu'à ce que l'horizon détache leurs regards. Le jeune garçon pouvait lire de la déception dans ses yeux. Quel genre d'ami était-il ? La laisser partir, on ne sait trop où... Il se sentit coupable instantanément. Il marcha dans les rues de la ville, encore et encore, regrettant celle qui venait de quitter. Il ne voulait quand même pas retourner au Foyer. Il ne s'y était jamais plu et puis il y serait le seul orphelin à présent. Il était sans domicile et sans amis. Un miroir en poche, voilà la seule chose qu'il avait Cette nuit-là, Nolan pleura toutes les larmes de son corps. Il était démuni et ne savait pas quoi faire, à part attendre dans un coin de rue, à l'abri de la neige hivernale du Nord.

Au petit matin, Nolan fut réveillé par des forains qui s'installaient sur une place de la ville, à deux rues. Le soleil se levait doucement dans le ciel. Nolan alla voir l'agitation de la place, curieux. On installait des banderoles, on ouvrait des stands, on construisait une scène, on montait des tentes. Les forains chantaient joyeusement en travaillant. En les voyant faire, Nolan oublia un instant tous ses problèmes. Il était émerveillé par ce qu'ils faisaient.

- Salut gamin ! dit un forain qui s'approcha de lui. Tu habites dans le coin ? Si c'est le cas, pense à dire à tes parents de venir nous voir ! Nous ne restons qu'une semaine dans cette belle ville.

L'homme était jovial et était gentil. Il était noir de peau et avait des vêtements abîmés qui ne semblaient pas très propres. Il portait sur la tête un béret-casquette à carreaux gris. Il ne devait pas être très vieux, il était grand et maigre. Ses doigts crasseux sortaient de ses mitaines.

- Je n'ai pas de parents, répondit Nolan.

- Oh, fit le forain en se grattant le front. Tu as une famille tout de même, non ?

- Non, répondit d'une petite voix le petit garçon.

Le forain se gratta la nuque, gêné par la situation. Puis, son visage s'illumina.

- Eh, ça te dirait de devenir forain ? Il arrive que nos ventres soient creux, mais nous voyageons dans le monde entier ! Et nous sommes tous une grande famille ! Alors qu'en dis-tu petit ?

Nolan n'eut pas à réfléchir longtemps. Il n'avait plus rien à perdre de toute façon et puis l'idée de faire partie d'une famille était comme un rêve qui se réalisait.

- Bien sûr que j'accepte ! s'exclama le jeune garçon, des étoiles dans ses yeux bleus. Au fait, comment vous appelez-vous ?

- Mon nom est Burt, bienvenue chez les forains, petit !

Burt retira sa casquette et la posa sur la tête blonde de Nolan.

MalédictionsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant