Malédictions

I. - Chapitre Dix

Enchantia

Le soleil disparaissait petit à petit à l'horizon. Chloé guidait, avec son scintillement vert, Rina et Charley, qui transportait toujours Nolan accroché à sa taille, ainsi que le tapis volant sur lequel Evan, Julie, Jade et Shiva étaient installés. Ils survolaient les terres boisées du Royaume de Cœur. Julie n'était pas très rassurée sur le tapis contrairement à Jade et Shiva qui étaient épatées par la vue et la sensation de voler. Nolan était à moitié émerveillé, à moitié terrifié. Il serrait la taille de Charley parfois un peu trop fort. La sorcière essayait de ne pas trop le secouer. Elle se rappelait ses premières fois à voler sur un balai, ce n'était pas toujours rassurant.

On avait fait rentrer les derniers nobles dans la chapelle. Tous était regroupés debout autour du kiosque circulaire et surmonté de deux marches. Le kiosque tenait avec six piliers beiges décorés de bourgeons de roses. Un long tapis rouge reliait les deux grandes portes ouvertes de la chapelle et les marches du kiosque. Les gardes étaient postés aux deux bords du tapis, la foule derrière eux, comme pour faire office de barrière. À part le prince, plus personne ne devait marcher sur le tapis.

Sous le kiosque centrale, il y avait un pupitre avec un vieux livre poussiéreux. Dorothée, la fée bleue, était devant ce livre, planant et scintillant. Derrière elle sous le kiosque, presque toute la famille Valdez était là. Au premier plan, Joséphine et son mari Edgar, avec leur petite-fille Lora et Alphonse qui tenait un magnifique coffret en or. Au second plan, il y avait les autres grands-parents du futur roi, Huguette et Franc, à côté de Jean-Benoît et son fils Victor, du même âge que Roland à quelques mois d'écart. Tous deux portaient l'uniforme de la marine royale. Jean-Benoît était le fils de Joséphine et Edgar, par conséquent, l'oncle de Roland et Lora. Il avait deux enfants, Victor donc, et Rosie, habillée d'une magnifique robe rose scintillante. Rosie était plus jeune que Lora, elle avait seize ans dans quelques jours seulement.

Le soleil n'éclairant pratiquement plus le bâtiment, les flammes des bougies se balancèrent au rythme de la musique jouée sur un orgue plus loin. Roland, dans son uniforme trop bien couvert, s'avança d'un pas décidé et calme sur le tapis rouge. Son expression était froide. Dans quelques minutes il serait roi et prouverait à Alphonse et à tous ceux qui ont douté de lui, que son destin est fait de lumière, qu'il est un bon roi. Il n'avait pas eu d'écho quel qu'il soit d'un jumeau qui s'approchait. Il avait envoyé des éclaireurs discrets dans les bois mais ils n'avaient rien trouvé.

Derrière lui, on ferma les deux imposantes portes. Sa cape rouge flotta dans sa démarche au rythme de l'orgue. Il monta les deux marches du kiosque, salua de la tête sa famille et la fée, puis se retourna vers les portes et son public, le regard fixe, et mis une main sur son cœur. Dorothée commença alors à lire le livre posé sur son pupitre. Roland n'avait qu'à répondre « Je le jure. » à chaque question que la tradition imposait de poser aux futurs rois et reines.

Alphonse ne pouvait pas s'empêcher de jeter des coups d'œil à la porte, espérant que quelqu'un interrompe le couronnement. Il le fallait. Dorothée essaya de gagner du temps en lisant doucement les lignes du livre, comme si elle ne le connaissait pas par cœur. Le majordome avait vite compris ce qu'essayait de faire la fée. Il compris donc, et l'espérait bien, qu'elle avait fait le nécessaire en lisant sa lettre.

- Je le jure ! répondit une dernière fois le prince.

- Dans ce cas, genou à terre, ordonna Dorothée.

Roland s'exécuta, toujours face au public et dos à sa famille. Joséphine toucha le coffret en or dans les mains d'Alphonse. Un charme ouvrit la boîte et de sa main droite, elle prit le Collier de Cœur. C'était un collier plastron en or qui se porte à ras du cou. La pendentif en forme de cœur rose était incrusté dedans. Joséphine s'approcha doucement, les bruits de sa canne retentissaient dans la chapelle qui formait des échos.