VII. - Chapitre Deux

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Malédiction

Vingt-quatre ans plus tard : 1er Validus, an 145 / 1er Septembre 2015

Impuissant, il regarda la fumée noire se propager tout autour de lui : la malédiction. Il avait échoué. Pire que ça, il se sentait coupable. À présent, tout ce qu'il pouvait espérer, c'était qu'il arriverait à la rompre. La fumée l'emporta. Il sentait la magie de son corps se dissiper et celle autour de lui, se cacher. Ses paupières s'alourdirent. Il tenta de résister au sommeil, mais c'était impossible. Son esprit se brouilla et sa peur fut balayée. Il ne savait plus ce qu'il ressentait. Il ne savait plus qui il était. Une confusion immense embrumait sa tête. Mais quelque chose l'empêchait de paniquer. Cette même chose rendait tout ceci normal, ordinaire.

Quand il se réveilla, Nolan était dans un lit. À côté de lui, sur la table de nuit, un réveil sonna. Il l'éteint. Le blondinet se leva en découvrant sa chambre comme pour la première fois. Il s'habilla sans ne pouvoir penser à rien. Son esprit était vide. Chaque action qu'il faisait lui semblait nouvelle. Son corps était en mode automatique, comme s'il était un pantin à qui on faisait faire les choses les plus banales, mais les plus inhabituels qui soient. Nolan ouvra ses rideaux et découvrit une épaisse brume dehors. Il repensa à ses derniers souvenirs d'Enchantia. Mais soudain ce nom disparu de son esprit. Il avait l'impression de faire un horrible cauchemar. Il ne savait plus faire la différence entre le vrai et le faux. Il entendit du bruit venir de derrière sa porte. Il l'ouvra et ne s'étonna pas de découvrir un couloir avec en face de sa chambre, des escaliers, à sa droite, deux portes un peu éloignées et une troisième tout au bout du couloir. À sa gauche, une porte ouverte d'où sortit Pierre, un bébé dans les bras. Nolan se fit la réflexion que Pierre paraissait plus jeune. Puis il se sentit lui aussi très jeune. Et hop, cette pensée s'échappa de sa tête. Puis, il reconnut le bébé dans les bras de son beau-père. C'était Estéban.

- Bon anniversaire Nolan, chuchota Pierre, pour ne pas brusquer le petit Estéban qui avait dix mois.

Le blondinet se rappela alors que c'était effectivement son anniversaire.

- Merci, chuchota-t-il à son tour.

Ils descendirent tous les trois. Pierre donna le biberon à Estéban pendant que Nolan prenait son petit déjeuner. Pendant un instant, il chercha quel âge il avait. Douze ans aujourd'hui, évidemment. Quand sa sœur et sa mère apparurent dans le salon en lui souhaitant un joyeux anniversaire, Nolan mit quelques secondes à les reconnaître. Lora avait neuf ans. Patricia, en pyjamas, prit la relève de Pierre pour s'occuper d'Estéban, afin que Pierre puisse aller travailler.

Un peu plus tard, Nolan était parti de la maison, sac à dos sur les épaules, en passant par la porte-fenêtre de la cuisine, la porte d'entrée étant condamnée. La rue Sainte-Aimée, là où il habitait, était plongée dans un brouillard épais, comme toute la ville d'ailleurs. Nolan allait faire sa rentrée en cinquième. Il faisait confiance à son corps pour l'amener au collège. Toutes les rues qu'il traversa, lui semblaient étranges et nouvelles. Il arriva au Boulevard de la Gribelette où quelque chose, une statue surement, était cachée sous une bâche. Nolan se souvint soudain que le maire Mordomo allait inaugurer le nouveau boulevard aujourd'hui en dévoilant ce qu'il y avait sous cette bâche, bien gardée par des gendarmes.

Quelques rues plus loin, Nolan fut rejoint par Louis. Un jeune garçon du même âge à la peau noire, grand et fin.

- Salut Nolan, dit-il. C'est pas ton anniversaire aujourd'hui ?

- Oh salut Louis, si c'est mon anniv.

- Joyeux anniversaire alors ! Désolé, je suis encore endormi ce matin.

- T'inquiètes pas, moi aussi. J'ai fait un étrange rêve cette nuit.

- Ah ouais ? T'as rêvé de quoi ?

- Je... Je m'en souviens plus, mais c'était vraiment étrange.

Ils arrivèrent au collège Éric Carreau. Ils regardèrent sur des fiches accrochées au portail, dans quelle classe ils étaient. Par chance, Louis et Nolan étaient ensemble cette année. Ils étaient aussi avec Félix Wininbeg, Rodolphe Mackenzie, Flora Jon et Pietro Ombrage. Nolan et Louis se souvenaient être en primaire avec eux. Ils étaient plutôt sympas à l'exception de Pietro et Flora. Ou du moins, eux n'aimaient pas vraiment Nolan et Louis. Il faut dire que les deux garçons avaient le profil typique des intellos de la classe un peu fayots. Ce qui ne dérangeait pas tant Louis, il se fichait que ces enfants-là l'apprécient ou non. En revanche, pour Nolan, ce n'était pas rien. Il aimerait prouver, au moins à Félix et Rodolphe, qu'il n'était pas qu'un petit intello faiblard, qu'il pouvait être très sympa et cool. Alors qu'hier, il était un roi quarantenaire, aujourd'hui, Nolan était un vrai adolescent cherchant l'approbation des autres.

La semaine passa et un jour, alors que la classe de Nolan sortait du collège, un garçon en troisième, qui était en train de fumer devant le portail, siffla deux filles de la classe. C'était Amine. Avec son duvet sur la moustache et ses cheveux noirs attachés en petite queue de cheval, il avait l'air d'un poisson-chat. Les deux filles étaient Dorothée Flos et Lucie Géhenna. Dorothée était plutôt grande avec de longs cheveux bruns et une frange au-dessus de ses yeux bleus. Elle portait des vêtements classes et avait des petites joues rondes et rosées. Quant à Lucie, elle avait une coupe au carré avec des cheveux noirs, comme ses lunettes rectangulaires. Elle était assez petite et portait une veste bleue.

Alors que le reste de la classe continuait sa route, Dorothée se retourna, folle de rage, prête à bondir sur Amine tel un chat enragé.

- Qui est-ce que tu siffles comme ça, imbécile ? gronda-t-elle.

Amine ricana.

- Faut pas le prendre mal, ma petite.

- Dorothée, allons-nous-en, supplia Lucie.

- Tu ferais mieux d'écouter ta copine, appuya Amine. Parce que la prochaine fois que t'ouvrira ta grande gueule, ce sera pour chialer, okay ?

- Pas la peine de leur parler comme ça, intervint Rodolphe.

- Laisse, Rodolphe, le tira Pietro.

Félix et Flora restèrent spectateurs. Nolan et Louis étaient là aussi, se faisant discrets pour le moment.

- Oh, c'est mignon, les petits cinquièmes qui se protègent les uns des autres. Allez, casse-toi p'tit gros, le bouscula Amine.

- Tu ne vas pas t'en tirer comme ça, tête de têtard ! lui hurla Dorothée.

Amine ria avant de la bousculer par terre.

- Je t'avais dit de la fermer.

- On ne t'a jamais appris à ne pas frapper les filles ! le poussa Rodolphe.

Alors Amine répliqua avec un coup de poing dans le ventre. Lucie aida Dorothée à se relever.

- Eh ! T'as pas honte de t'en prendre à des plus petits que toi ? intervint Nolan.

- Nolan ! lui souffla Louis, inquiet.

- Tu veux quoi, p'tit PD ? l'insulta Amine.

À ces mots, le blondinet sentit tous les regards se poser sur lui, même si c'était faux, c'était l'impression qu'il avait. Il sentait que tous attendaient la prochaine réplique, la prochaine action. Comme si laisser passer ça justifiait l'insulte d'Amine, comme si l'inaction lui donnait raison. Nolan bouillonnait de colère, de peur et de frustration en lui. Alors qu'ils se regardaient depuis plusieurs secondes maintenant, Amine termina leur bataille de regard en crachant un molard sur le visage de Nolan qui l'essuya avec ses manches immédiatement. Puis, le troisième s'en alla, ses actes restants impunis.

- Merci d'être intervenu, dit Lucie à Rodolphe.

- Cette sale brute ne paie rien pour attendre, annonça Dorothée, toujours enragée. Je vais en dire deux mots à la CPE, on va voir s'il croit pouvoir s'en tirer si facilement.

- Si vous voulez, on viendra avec vous, proposa Rodolphe en jetant un regard à Nolan, comme pour l'inclure dans le « on ».

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