Malédictions

VII. - Chapitre Cinq

Notre monde

Les semaines passèrent et Amine continuait d'embêter Nolan et ses amis, surtout sur le temps du midi, à la récréation. La CPE n'avait pas fait grand-chose, suite à leur première altercation devant le collège, à part convoqué l'élève de troisième dans son bureau. Nolan et Louis arrivaient à ignorer les bêtises de cet imbécile, alors cela ne l'amusait plus de les insulter. Le duo partait dans son coin s'amuser sans lui prêter attention.

En revanche, Rodolphe et Lucie avaient plus de mal à ignorer ce lourdaud d'Amine. Félix et Dorothée n'étaient pas là pour les défendre l'un et l'autre, car ils rentraient chez eux le midi, ils ne mangeaient pas à la cantine. Quant à Flora et Pietro, elle rejoignait ses copines et lui laissait Rodolphe tout seul. Nolan se demandait pourquoi. Pietro et lui étaient censés être amis. Il sentait que quelque chose n'allait pas, comme un pressentiment. Quelque chose le poussait à enquêter.

Alors ce midi-là, quand Amine commença à embêter Lucie et Rodolphe qui tentait de la défendre, Nolan voulu agir.

- Viens Louis, nous devons faire quelque chose ! avait dit le jeune garçon d'un ton solennel.

- Qu'est-ce que tu comptes faire exactement ? demanda Louis. Tu veux vraiment aller défier Amine ? Il va te mettre KO en deux secondes, tu sais.

- Oui, tu as raison... Et si je reviens avec la tête en sang, mes parents vont s'inquiéter et dieu sait ce qu'ils vont faire. Si j'ai évité de leur parler d'Amine jusque-là, c'est pour cette raison aussi. Mais on ne peut pas rester sans rien faire !

- Nous ne sommes même pas vraiment amis avec Rodolphe, remarqua Louis, comme si c'était un argument pertinent.

- Alors allons trouver Pietro.

Les deux garçons cherchèrent dans toute la récré, le plus vite possible. Ils finirent par trouver Pietro avec une bande de garçons, certains plus âgés qu'eux, assis par terre. Le groupe s'était installé dans un coin caché au fond de la cour. Certains avaient leurs téléphones portables dans les mains, d'autres des cigarettes dans la bouche. Nolan avait un sentiment étrange. C'était donc ici qu'on se réunissait pour braver les interdits. Tous les regards s'étaient posés sur eux.

- Qu'est-ce qu'ils font là les gosses ? lança un troisième.

- Pietro, on a besoin de toi, pressa Nolan.

Les garçons se moquèrent pendant que Pietro se leva.

- Oh, ce sont les copains de Pietro, s'exclama l'un d'eux en prenant une voix ridicule. 'Pietro, on veut te sucer la queue'.

Tout le groupe ria.

- Qu'est-ce que vous me voulez ? chuchota Pietro à Nolan et Louis en les éloignant du coin.

- Ton ami Rodolphe se fait harceler par Amine et toi, tu traînes avec son groupe de pote ?! s'indigna le blondinet. Ne me dis pas que t'es ami avec Amine !

Pietro le dévisagea.

- Mais mêle-toi de ce qui te regarde, toi.

Puis, il partit en direction d'Amine, toujours en train d'embêter Rodolphe et Lucie. Nolan et Louis le suivirent de près.

Lorsque tous les trois arrivèrent, quelques personnes entouraient Lucie, ramassant toutes ses affaires éparpillées par terre, Rodolphe couché dans les feuilles mortes et Amine qui le bousculait en l'insultant à chaque fois qu'il essayait de se relever. La scène se déroulait un peu cachée, derrière quelques arbres. Les surveillants, qui surveillaient mal, ne voyaient rien.

- Regardez ce gros porc qui n'arrive pas à se relever, ricana Amine en imitant très mal le bruit du cochon.

Pietro dégagea les spectateurs qui se moquaient de Rodolphe et Lucie.

- C'est bon Amine, je pense qu'ils ont compris, intervint-il.

Le harceleur se tourna vers Pietro et cessa un instant de bousculer Rodolphe. Lucie finit de ranger toutes ses affaires et aida le jeune garçon à se relever.

- Je crois que tu as pris un peu trop la confiance, toi, fit Amine en s'approchant de Pietro.

- Je ne veux pas d'embrouilles.

- Alors laisse-moi rigoler avec ton copain, sourit le troisième. Il peut se défendre tout seul si c'est un homme.

Et Amine bouscula à nouveau Rodolphe et Lucie qui était sur son chemin.

Pietro soupira.

- Qu'est-ce que tu attends, défends-toi ! l'encouragea-t-il.

Nolan comprenait mieux pourquoi Rodolphe ne parlait pas de son harcèlement à sa famille, avec des amis comme Pietro. Mais le blondinet savait que Rodolphe ne riposterait jamais. Il comprit à cet instant qu'il était comme lui. La force de Rodolphe était dans ses mots et sa sagesse, pas dans ses poings. Face à Amine, plus grand et plus costaud, il n'aurait aucune chance et il valait mieux attendre que le moment passe. Mais il fallait aussi que cette situation cesse. Rodolphe se relevait incessamment, fatigué. En cela, il était plus fort que n'importe qui autour de lui. Amine était allé trop loin, humilier autant quelqu'un et l'attaquer physiquement, en plus de l'insulter, Nolan ne pouvait pas en supporter davantage.

- On a fait tout ce qu'on a pu, soupira Louis.

- Non, pas tout, ponctua Nolan en partant chercher un surveillant.

Cela peut paraître un peu stupide de ne pas l'avoir fait plus tôt, mais au collège, aller voir des adultes pour régler un problème, c'était se condamner à être appelé 'fayot' jusqu'au brevet.

En tout cas, Nolan trouva que cela en valu la peine. Amine fut convoqué dans le bureau de la CPE. Le jeune garçon espérait que cette fois, il serait sanctionné davantage que la fois précédente. L'important, c'est que Rodolphe et Lucie furent libérés du piège humiliant dans lequel on les avait mis. Les deux avaient remercié Nolan pour son intervention. C'était bientôt l'heure de reprendre les cours de l'après-midi.

- Je ne comprends pas pourquoi tu ne t'es pas simplement défendu, reprocha Pietro à son ami.

- Moi, ce que je ne comprends pas, Pietro, intervint Nolan, c'est que tu traines avec le groupe d'Amine !

- Quoi ? C'est vrai ce qu'il dit ? demanda Rodolphe à Pietro.

- Il m'a vu avec eux, mais je ne 'trainais' pas avec eux... Un mec de leur bande m'avait péta mon sac pour s'amuser. Je suis allé le reprendre c'est tout.

- Espèce de menteur, l'accusa le blondinet. C'est bizarre, tu laisses Rodolphe seul, tous les midis. Tu n'es avec lui que lorsque Félix revient.

Nolan était persuadé que Pietro mentait, il le sentait au fond de lui. Il ne comprenait vraiment pas son camarade. Pourquoi laisser son ami seul et faire comme si rien n'était devant Félix ? Peut-être Pietro n'était-il, en vérité, ami qu'avec le rouquin.

En voyant les élèves externes rentrer par le portail du collège, Nolan eu une idée, ou plutôt une pulsion. Il partit, sans trop réfléchir, voir Félix et tout lui dire.

- Félix ! Je dois te prévenir que Rodolphe se fait harceler tous les midis et que Pietro est ami avec Amine alors qu'il sait qu'il embête Rodolphe !

Les mots sonnèrent faux quand cela sortit de sa bouche. Félix fit une tête étrange. Rodolphe, Pietro et Louis arrivèrent jusqu'à eux.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda le rouquin dans l'incompréhension.

- Nolan m'a vu avec la bande d'Amine et du coup, il croit qu'on est pote, résuma Pietro.

- Mais c'est vrai ! Il laisse Rodolphe tout seul le midi et...

- Je ne pensais pas que ça te dérangeait Rolph, 'scuse-moi.

- Non, t'inquiète, j'aurais dû vous dire qu'Amine m'embêtait, avoua le jeune garçon brun.

- S'il revient, on lui casse la gueule, fit Félix.

Et les trois amis tournèrent le dos à Nolan et Louis. Rodolphe, hésitant, lança un dernier regard au blondinet avant de poursuivre sa route.

- Il ne s'en sortira pas comme ça ! jura-t-il.

- Pourquoi tu veux toujours te mêler de tout, soupira Louis. Qu'est-ce que ça peut te faire ce que fait Pietro ?