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       Kae Stone

Il y a ce type de rêve, celui où tu effectues une chute libre sans fin. Tu te débats encore et encore pour trouver ton équilibre. Ton cœur se contracte douloureusement, tes sens sont en alerte, ta respiration est saccadée, tes mains sont moites. Tu as ce sentiment de perte de contrôle qui t'obstrue la trachée, il te rend fou. Puis soudain, tu réalises que ça ne sert à rien de lutter. Quoi que tu fasses, tu continueras de tomber à l'infini sans pouvoir rien y faire. Ce n'est qu'à ce moment que tu te laisses aller. Seuls les battements de ton cœur faisant vibrer tes tempes, t'apaisent, te bercent. Tu n'as d'autres choix que d'accepter ton sort.

C'est la première phase de ce rêve que je vis en ce moment en portant le corps presque inerte d'Erinn pour l'installer délicatement dans le van. Elle m'a sauvé la vie, deux fois. Elle s'est prise une putain de balle pour moi. Pourquoi a-t-elle fait ça? Je me suis promis que tout le monde rentrerait en un seul morceau et j'ai failli à ma mission à cause de ce sniper de merde. Il s'est enfuie comme le putain d'assassin qu'il est avec tous ses sbires.

C'est moi qu'il visait, moi et c'est elle qui est étendue sur le siège arrière de la voiture avec ma sœur qui surveille son état de plus en plus inquiétant.

- Comment va-t-elle? je demande pour la énième fois depuis que nous avons pris la route.

J'essaye de masquer au maximun la culpabilité qui me gagne pour ne pas paraître plus touché que je ne le suis. Mais ça devient de plus en plus difficile. Lorsque je la vois aussi pâle, les yeux clos et le souffle inexistant je ne peux faire autrement que de demander sans flancher. Je dois être fort pour que les autres le soient aussi.

Je vois par le rétroviseur le regard inquiet et compatissant de Gianne. Je crois que je les saoule elle et Evans à leur poser cette question toutes les trente secondes.

- Comme toute à l'heure. Sa respiration est faible Kae, répond-elle le regard fixé sur son amie maintenant sa main sur le tissu qui recouvre sa plaie.

Elle me répond calmement même si je ressens son stresse peser sur le mien. Ma sœur tient énormément à cette fille. J'aimerai vraiment savoir comment elles se sont rencontrées ainsi que leur vécu avant d'être séparées par l'Institut.

Je serre les dents et le volant. Je n'aime pas du tout ce sentiment qui me submerge. J'ai l'impression que cette fille est ma perte. La culpabilité, la peur, la reconnaissance à son égard, l'inquiétude...je ne peux tout citer du contenu de cette vague d'émotions qui comprime mon cœur me faisant étrangement souffrir.

J'ai peur qu'il lui arrive quelque chose. Je suis terrifié à l'idée de la perdre elle aussi.

Une violente quinte de toux prend ma colocataire et je jette un coup d'œil au rétroviseur l'air grave.

- Fais chier! juré-je impuissant.

Tout ce que je peux faire, c'est de conduire le plus vite possible pour rejoindre le camp. Nous ne pouvons pas l'emmener à l'hôpital. Ça compliquerait encore plus la situation.

- R...roy, gémit-elle encore les yeux fermés.

Evans, Gianne et moi nous lançons des regards perdus. Qui ça peut être ce putain de mec dont le nom ne fait qu'être prononcé par ma colocataire ? Peut-être son petit ami? Si oui pourquoi s'amuserait-elle avec Saige?
Cette fille est tout un mystère à elle seule. D'un autre côté, je dois avouer que l'entendre prononcer ce prénom à tout bout de champ me met dans une colère infondée. Je manque de me prendre une satanée pierre en plein dans la roue. Je vire hâtivement ce qui me vaut un regard réprobateur de la part de Gianne. Qui ça peut être ? Ma sœur ne peut le savoir, évidemment ! Je ne cesse de me demander pourquoi depuis le premier jour que j'ai posé mes yeux sur ma colocataire, je perds le contrôle. Mon corps ne se laisse plus commandé par mon cerveau et mon cœur, cet enfoiré s'affole comme les filles dans les films d'horreur.

InfiltréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant