Infiltrée

10.

Baboum! Baboum! Baboum!

J'entends tout au ralenti, mes oreilles bourdonnent désagréablement. La terre tourne autour de moi et une goutte de sueur s'échappe de mes pores pour attérir sur mon t-shirt.

Le génante sensation que l'on ressent lorsque le paludisme nous a cloué au lit. Je sais de quoi je parle car j'ai déjà attrapé cette maladie à une de mes missions en Afrique.

Je suis paralysée, je n'arrive pas à me retourner. Je ne veux pas me retourner. Pourquoi l'univers s'acharne-t-il contre moi? Comment est-ce possible ?

- Mademoiselle ? Mademoiselle Erinn?

La voix grave et insistante de Loen perce ce brouillard épais de confusion dans lequel, je me suis lamentablement perdue. J'y suis plus à l'aise qu'ici et maintenant, devant l'évidence.

- Erinn? Qu'est-ce que tu fais là ?

La voix cristalline de Gigi s'ajoute à celle de son...de son... Je n'arrive pas à le dire. C'est inconcevable ! Comment est-ce possible ? Non!

Huit paires d'yeux sont tournées en mon sens lorsque je décide de reprendre le contrôle et je ne sais quoi dire. C'est...Je suis dans une mauvaise passe. Pour une fois, je doute de ce que je dois faire.

- Erinn? Ça va?

- Oui, oui monsieur ! Je n'ai juste pas bien dormi la nuit dernière et, depuis mon réveil, je suis un peu ailleurs..., réponds-je calmement comme si de rien était.

Il acquiesce puis me dit que Kae sera chargé de m'intégrer dans les activités du groupe qui va en mission. Après, il nous demande de disposer.

On se dirige hors de la tente pour mieux bavarder Gigi et moi, Kae reste avec son père et malgré mon état de choc, je n'hésite pas à ralentir le pas pour entendre quelques bribes de leur conversation. Sans succès. Ils parlent de mon intégration.

Ensuite, je reporte mon attention sur la mère et sa fille qui marchent devant moi. Je passe mon temps à valser mon regard entre Gigi et Shaïa et inversement pour trouver une réponse mais, elle seule peut m'en fournir.

- J'ai bien vu ton état de choc lorsque tu as entendu Shaïa m'appeler maman.

Elle la porte pour lui faire un bisou et la petite fille rit aux éclats. C'est tellement étrange...

- C'est bien ma fille Erinn, mon trésor. C'est l'une des nombreuses histoires que je m'apprêtais à te raconter à notre prochaine rencontre.

- Je...t'as raison. Je suis vraiment étonnée. Alors ça, pour une surprise, c'est une surprise ! je retorque heureuse pour elle mais...

- Quand je pense qu'elle passe son temps à parler de toi à la maison. Et moi, de mon côté je n'aurai jamais pu imaginer que ça pouvait être toi au début. J'étais même jalouse qu'elle parle autant de Mademoiselle Erinn du matin au soir.

Son rire pure suite à cette réplique me remplit de nostalgie. Et je me mets à rire aussi, en me rappelant de nos folies enfants. Je regarde la petite qui me regarde aussi, comme à son habitude. Pourquoi parlait-elle de moi? Je n'ai jamais rien eu à faire d'extraordinaire à part lui donner ses affaires. Les enfants décidément...

Shaïa se met à rire d'un coup et je suis prise au dépourvu.

- Maman, quand mademoiselle Erinn se parle dans sa tête, elle fait une grimace bizarre avec sa bouche. C'est trop drôle !

Elle continue de rire, ces sons tellement sincères et candides résonnent dans l'habitacle comme une douce mélodie. Nous la regardons incrédules. Pour une enfant de cinq ans, elle est très observatrice. Elle pourrait faire une excellente infiltrée.