Infiltrée

12.

Je sillone les obstacles du regard en schématisant chacune de mes actions dans ma tête. En temps normal, j'ai vu pire que ça, j'ai déjà eu des parcours extrêmement corsés et extravagants. Il m'arrive de me demander comment j'ai fait pour survivre avec les écorchures, les foulures et les brûlures qui ont orné mon corps durant cette période. N'en parlons pas des blessures de l'âme qui demeurent jusqu'à présent.

Toutefois, lorsque j'ai parlé de mon ressenti à Mère, elle m'a expliquée que c'est normal que je me sente aussi en colère et apeurée. Elle m'a dit que cette épreuve nous permettait de prouver notre loyauté envers elle et le Gouvernement. Ça leur permettait de voir si nous aimions l'Institut au point de surmonter n'importe quel obstacle pour lui, si nous étions prêts à nous sacrifier pour notre famille. Elle m'a parlée de la différence entre les enfants qui n'ont pas reçu ce style d'éducation et nous, elle m'a également montrée les exemples en vidéos des adolescents ingrats, grossiers envers leurs parents, extrêmement paresseux qui existent hors de l'Institut. Elle m'a demandée si je voulais être comme eux, si c'est à ça que j'aspirais. Cette version de l'adolescent ne m'a pas plu. Mère avait raison. Je ne voulais pas devenir comme ces débiles même s'il fallait surmonter des obstacles d'une telle envergure...

Je me positionne attendant le coup d'envoi qui ne tarde pas. Je dois d'abord faire un sprint de plusieurs mètres que j'effectue le plus rapidement possible. Après, je me retrouve devant une grosse roue d'un camion de construction que je dois déplacer à main nue sur une petite distance pour un début.

Je ris de l'intérieur en voyant tous ces regards braqués sur moi. D'autres m'encouragent, d'autres ne veulent pas qu'une petite nouvelle dépasse leur record. Et Kae, ne sachant toujours pas à quoi il peut penser, je ne me penche pas sur son cas.

Je soulève difficilement la roue en poussant un cris creux. Toutes les veines de mon cou et de mes bras ressortent en effectuant cette action. Je balance l'objet dans un bruit lourd et je répète l'action jusqu'à ce que j'atteigne la ligne d'arrivée.

Pas le temps de prendre mon souffle. J'arrive au grand filet suspendu que j'escalade aisément même si, mes mains sont encore rougies pas mon effort précédent. La roue était un peu brûlante vu le soleil grandissant à l'horizon. Étirer les bras de la sorte, a réduit mes performances de 2% le parcours n'étant pas très long. J'aime bien l'escalade, ça m'aide à fortifier mes bras et mon agilité.

De l'autre côté du filet, c'est le moment de ramper sous un tunnel de fils barbelés, dans la boue. Je n'hésite pas une seconde, trop habituée à me rouler dans la poussière. Je ne suis pas une de ces filles préoccupées par son apparence. Je sais que des fois, il faut se salir les mains pour atteindre un objectif qu'on s'est fixé. Et ça, ça se tient dans les deux sens...

Une fois en position dans le tunnel, la boue imprègne immédiatement mes vêtements. Je me baisse le plus possible pour ne pas que mes cheveux s'enroule sur ces aiguilles meurtrières et que ma peau soit entaillée. En plus, je préfère passer haut la main ce test d'entrée. Si je leur prouve qu'un petit parcours me met en difficulté, je n'aurai pas l'attention et le respect que je recherche.

Je sors enfin du labyrinthe de fils barbelés et son lit boueux. Ensuite je me retrouve au stand de tire. Je nettoie la boue sur mon visage et je me munie d'un Glock 23 noir. Mes doigts entrent en parfaite harmonie avec le manche de cette arme, on dirait qu'elle n'attendait que moi. Je pourrai tirer sur tous les poids lourds de cette organisation présents ici par contre, je ne suis pas sûre d'avoir assez de balles. Et je pense que si je le fais, la punition que m'a promise Mère me tombera dessus comme le pire des supplices. Elle me connait parfaitement, elle sait ce qui me mets en difficulté.

Ma cible en joug, je prends quelques secondes pour observer la distance qui nous sépare. Une balle dans le crâne ça devrait faire l'affaire...

Une balle dans le crâne !