Infiltrée

3.

- Vous êtes fin prêtes ! s'écrie la Dirigeante en s'installant sur une chaise. Nous allons régler les derniers détails.

Xyéla sort des vestiaires avec sa tenue de combat et se place dans l'arène. Je la regarde faire, puis je répercute mon attention vers cette femme au visage de marbre.

- Psycho, pour cette mission, tu dois être la plus vulnérable possible. Toi qui as un égo surdimensionné, une pointe d'arrogance et un sang froid hors norme. Te sens-tu capable de pouvoir être le contraire de ce que tu es? De t'humilier et laisser les autres penser que tu es faible pour mieux d'intégrer et atteindre tes objectifs?

Est-ce que je suis vraiment capable d'une telle chose? Pour me façonner cette réputation, j'ai travaillé très dur et y renoncer comme ça pour une simple mission...ça fait beaucoup. Et puis merde! Si je me défile maintenant, la Dirigeante se dira qu'il y a au moins un domaine où je n'excelle pas. Que je ne suis pas encore la fille parfaite. Je dois accepter, même si j'ai des doutes, j'aviserai sur place.

- Oui Mère ! Je m'en sens capable! crié-je avec le plus d'assurance possible.

- Alors soit, tu as interdiction de te défendre! m'ordonne-t-elle dans un calme olympien, mais son regard profond me fait comprendre qu'aucun retour en arrière n'est possible.

Elle claque des doigts et la salle se remplit peu à peu des lavettes qui me font offices de frères d'armes. Ils s'échangent des regards perdus, curieux, excités par les combattantes présentes dans l'arène. D'autres commencent les paris, je suis sûre qu'ils pensent que je gagnerai.

Je n'arrive pas à croire que je devrai laisser cette rousse poser ses sales pattes sur moi. Rien que d'y penser j'en ai la nausée. Son visage plein d'assurance et son regard hautain font ressortir en moi des pulsions meurtrières. Ce n'est que de cette manière qu'elle pouvait m'avoir cette idiote! Ça me prouve définitivement que je ne peux considérer cette chose faible et opportuniste comme ma rivale. Je regrette même d'avoir prononcer ces paroles un jour dans ma vie. Moi je ne pourrais jamais me battre avec quelqu'un qui n'est pas en possession de toutes ses capacités. J'ai confiance en mes aptitudes alors, pourquoi me ridiculiser en faisant un truc aussi pathétique ? Quelle satisfaction va-t-elle tirer en sachant que je l'ai juste laissé faire? Que je n'ai pas eu d'autres choix que de la laisser faire? On n'a définitivement pas le même niveau de réflexion et je m'en réjouis.

Si pour prouver à la Dirigeante que je mérite d'être sa fille la plus qualifiée, je dois mettre en péril ma personne devant tous ces yeux, je le ferai! L'essentiel pour moi, c'est ce que j'ai en moi et l'opinion que j'ai de moi. Les dires de ces gugusses ne m'atteignent guère.

Je marche donc vers l'arène d'un pas lent et assuré, puis je me mets en position de combat avec mon sourire le plus meurtrier. Un éclair d'incompréhension passe dans les iris de mon adversaire; ce qui gonfle mon égo. On m'a demandée de ne pas me défendre, pas de perdre ma prestance et mon charisme. Elle sait que si j'étais en pleine possession de mes facultés elle serait déjà K.O. Alors soit, tabasse moi la rousse!

Elle se dirige vers moi avec rapidité et colère, m'assome avec un coup de poing en pleine figure, elle n'est pas assez rapide. Mes réflexes ont failli prendre le dessus mais ma détermination est bien trop conséquente. Mon cerveau crie vengeance et mon cœur se comprime en pensant aux différentes manières de l'exterminer plus tard.

L'impact de son poing sur ma joue me fend la lèvre inférieure et le goût métallique de l'hémoglobine se répand dans ma bouche qui se tort en un rictus amère.

Des cris de surprise résonnent dans les gradins, d'autres cessent subitement de m'acclamer et les traîtres, reprennent confiance et encouragent Xyéla. Celle-ci prend ses airs et revient à la charge un sourire malicieux aux lèvres. Elle me défie de relever mon honneur et de désobéir à Mère. Elle ne sait pas ce que je suis capable de faire pour que la Dirigeante soit fière de moi.