Drakkon - I - Le masque du dragon

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Les paysages défilaient à une allure folle tandis que le cheval, l'écume à la bouche et les flancs en sueur, coursait les traces noires et sanglantes d'un envahisseur rendu déjà loin dans le cœur de son ennemi. Le chemin n'était pas difficile à suivre, il était parsemé de jalons aussi évidents qu'une chaîne de montagnes. Des villages incendiés, rasés, dévastés. Des champs retournés, les maigres récoltes de l'hiver parties en fumée. Et du sang. Des membres déchiquetés, des tripes répandues au sol, des femmes violées, des enfants égorgés.

Akio, penché sur l'encolure de sa monture, les yeux écarquillés d'horreur, luttait pour ne pas vomir. Il avait déjà participé à plusieurs batailles, mais pas vu les affres de la guerre de ses propres yeux. Pas sur des innocents, des paysans, des gens sans défense. Des escarmouches au regard de ce qui l'attendait. Car jamais encore il n'avait vu pareille barbarie, et encore moins sur ses propres terres. Ces gens étaient sous la responsabilité de leur seigneur, mais également sous celle de la famille impériale. Or, ils avaient échoué à les protéger, leurs morts leur revenaient donc.

Il avait quitté GuoLiang depuis un moment, à présent. La citadelle avait été complètement ravagée. Heureusement, elle était faite en pierre, ce qui permettrait de la remettre en état plus rapidement que s'il avait fallu tout reconstruire. Néanmoins, cela ne changeait rien aux conséquences d'une telle destruction : Khoomei était bel et bien entré dans Drakkon, mais depuis un moment déjà ! C'était son arrière-garde qui avait mis à sac la cité fortifiée. Aucun des survivants n'avait vu passer ni l'avant-garde ni l'armée elle-même. Les dieux seuls savaient par où elle était entrée sur leurs terres. On aurait dit que c'était toute la frontière septentrionale qui était à feu et à sang.

Alors, le prince avait suivi les traces laissées par l'arrière-garde, en espérant qu'elle la mènerait au reste de l'armée Ecthrosienne. Le vieux serpent assemblerait son armée avant d'attaquer TianLong. GuoLiang était certes une grande citadelle, cependant la capitale était encore plus imprenable malgré sa situation en plaine. Ne restait donc plus qu'à repérer l'armée, l'évaluer autant que possible et se hâter de rentrer pour fournir ces informations.

Cependant, un autre détail commençait à préoccuper Akio et l'intriguer. D'ordinaire, des patrouilles vadrouillaient le long des routes, des soldats du seigneur de la province, et dans les environs de la capitale, des gardes impériaux. Pourtant, parmi les victimes aperçues dans le sillage dévastateur de l'ennemi, aucune ne portait l'armure noire de Drakkon. À croire que les soldats étaient soit faits prisonniers – ce qui était fort peu probable – soit qu'il n'y en avait tout simplement aucun sur les routes de l'empire.

Akio rattrapa finalement l'arrière-garde, bien avant qu'elle ne rejoigne le reste de l'armée. Ils étaient encore à deux semaines de marche de TianLong, ce qui signifiait que l'armée ne devait plus être bien loin. Néanmoins, le jeune homme ne pouvait prendre le risque d'attendre sagement que toutes les forces Ecthrosiennes se réunissent pour faire son inspection et rentrer tranquillement chez lui. Il devait prévenir Keishi au plus vite.

Où étaient passés les soldats Drakkoniens ?

Au vu de la taille de l'arrière-garde, Akio estimait que le reste de l'armée Ecthrosienne devait être conséquent, sans pour autant être une menace ultime pour Drakkon. Pas contre son armée assemblée. Mais comme il le savait, elle était actuellement dispersée aux quatre coins des provinces. Pourquoi Keishi, après avoir épousé Yu au mépris de l'accord négocié avec Khoomei quelques mois plus tôt, n'avait-il pas renforcé la sécurité à la frontière nord-est et prévenu les quatre seigneurs des provinces de Drakkon de se tenir prêts à partir en guerre ? Car tout ceci était la faute de son frère : s'il avait respecté son engagement et épousé la fille de Khoomei, ils n'en seraient pas là !