58 - ShunYuan (2/2)

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Lorsque l'empereur parvint finalement à mettre la main sur sa fille, elle était bel et bien en train de batifoler avec un courtisan. Mais contrairement à sa première idée, ShunYuan se contenta de le gifler avec une force sidérante. Le jeune homme vit trente-six chandelles, heurta l'ornement proéminent d'une colonne, et s'effondra, inconscient. Lien hurla d'horreur et de peur, cependant son père l'ignora. Il ne s'assura même pas que le goujat était encore vivant. Il agrippa fermement le poignet de son enfant et la tira derrière lui avec force, tandis qu'elle pleurait de rage, de peur et d'incrédulité mélangées.

— Ton frère et toi devez quitter TianLong au plus vite, expliqua-t-il succinctement. Si tu veux emporter quelque chose, tu as deux minutes pour le faire.

— Père, je vous en prie, est-ce bien nécessaire ? riposta mollement l'adolescente. Je vous promets de ne plus le revoir, plus jamais. Je ne suis même pas sûre qu'il soit encore vivant...

— Cela n'a rien à voir avec cette vermine, la coupa l'empereur en filant d'un bon pas, obligeant sa prisonnière à courir derrière lui. Vous devez quitter la capitale pour votre sécurité.

Il hésita avant d'ajouter, pour tenter de la convaincre sans lui donner trop d'explications :

— Lien, écoute. Une guerre civile s'est déclarée. Si les rebelles parviennent à leurs fins, ils entreront dans le palais et vous serez tous massacrés. Vous devez vous mettre à l'abri, le plus loin possible de TianLong.

La jeune fille se figea, mais son père l'obligea à continuer son chemin. Elle était devenue blême. Elle n'avait jamais rien connu d'autre que le faste et l'opulence, la bonne fortune, l'aisance, la richesse et la sécurité. On se pliait toujours en quatre pour exécuter toutes ses volontés, les hommes la regardaient avec envie et commençaient à faire des demandes en mariage auprès de son père. Les filles des autres seigneurs la jalousaient parce qu'elle était belle, qu'elle avait les plus beaux bijoux, les plus belles soieries. Elle pratiquait les arts, avait une voix magnifique, et tout l'empire semblait vouloir se prosterner à ses pieds. Elle épouserait un grand seigneur de province, dirigerait sa maisonnée et porterait ses enfants. Comment la guerre pouvait-elle être soudain si proche et si réelle qu'elle menaçait de balayer tout cela en un battement de cils ?

— Père...

— Nous n'avons pas le temps, Lien.

Il la poussa sans ménagement dans la pièce où le petit Song, perdu, semblait à deux doigts de se mettre à pleurer. Autour de lui, la nourrice s'affairait à la hâte pour remplir un petit coffre.

— Il faut partir maintenant, ordonna l'empereur.

La nourrice opina, prit l'enfant sur une hanche, agrippa la main de l'adolescente et fit comprendre qu'elle était prête. Deux domestiques s'emparèrent de la malle, prêts à les suivre, et quatre gardes les escortèrent. Trop sidérée par ce qui lui arrivait, Lien se laissa mener sans opposer la moindre résistance.

— Prenez soin d'eux, ordonna ShunYuan à la nourrice et aux gardes avant de bifurquer vers un autre couloir.

Lien eut tout juste le temps de se retourner pour le voir disparaître.

— Père ! appela-t-elle, en proie au désespoir.

Néanmoins, contrairement aux moments bénis de son enfance, son père ne revint pas.

L'empereur regagna le Pavillon d'Or à la hâte et s'enferma à nouveau, dans l'espoir d'achever sa lettre pour la princesse Mio, sa fille qui s'accrochait à la vie jour après jour, malgré la maladie. Il connaissait la loyauté de ce seigneur, Wuhan, qui régentait la province de QiAng depuis des générations. En signe de gratitude pour ces longues années de loyaux services aux Fils du Ciel, ShunYuan avait décidé de marier son aîné, le prince Ren, à la fille unique du seigneur de QiAng. De ce fait, la fille deviendrait impératrice un jour, et le sang des seigneurs de QiAng rejoindrait celui du dragon pour l'éternité.

Drakkon - I - Le masque du dragonOnde histórias criam vida. Descubra agora