19 - Le divertissement d'un empereur (1/2)

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Assise à l'intérieur du Pavillon de la Lune à regarder son jardin, Yu songeait à ce qui l'attendait. À ce qui les attendait. Akio avait compris l'intérêt de son frère pour elle, et elle-même avait eu cette impression. En outre, Keishi avait promis qu'ils se reverraient, pour qu'elle dévoile les mystères qui entouraient son masque. Les problèmes ne faisaient donc que commencer.

Senlinn arriva dans la pièce avec le thé. Elle était étonnamment silencieuse, depuis la veille, ce qui ne gênait pas Yu dans la mesure où elle n'était pas très attentive ces derniers temps non plus. La servante posa le plateau de thé sur le sol à côté de sa maîtresse et s'assit à sa droite, en silence, attendant qu'elle boive la première avant de se servir elle-même.

Comme si elle remarquait enfin sa présence, Yu tourna la tête vers elle en sursautant à demi.

— Oh, Senlinn ! Merci pour le thé.

Elle s'empara d'une tasse et la porta à ses lèvres. Le liquide bouillant lui brula la langue et elle grimaça en écartant les lèvres pour laisser l'air frais rafraichir sa bouche.

D'ordinaire, sa servante lui aurait fait une remarque sur le comportement d'une dame. Elle lui aurait dit de ne pas grimacer, de se cacher derrière son éventail, ou encore que les dames de la Cour étaient censées être capables de boire un thé brûlant sans que cela ne se voie. Mais elle ne disait rien, les mains posées autour de la tasse de thé, les yeux baissés tout au fond.

Yu la fixa, légèrement inquiète, à présent qu'elle s'y intéressait.

— Quelque chose ne va pas, Senlinn ?

Pour toute réponse, les mains de la servante se crispèrent sur la tasse. Puis, au bout d'un moment, elle releva les yeux vers sa maîtresse, déterminée, et se décida enfin à parler.

— Dame Yu. J'ai... surpris un bout de votre conversation avec son Altesse, hier. Je... je voulais que vous le sachiez.

Le regard de Yu se troubla, mais elle n'éprouva aucune colère à l'égard de celle qu'elle considérait davantage comme une amie qu'une servante.

— Dis-moi, qu'as-tu entendu qui te mette dans cet état ? demanda-t-elle doucement.

Ils n'avaient pas dit grand-chose, à vrai dire. Ils avaient un peu parlé pour se taquiner, mais ils avaient passé le reste de l'après-midi bêtement assis à l'entrée du Pavillon de la Lune, main dans la main, l'un contre l'autre, silencieux.

Senlinn se mordit la lèvre. Elle n'arrivait plus à la regarder dans les yeux, à présent.

— C'était au sujet... d'une malédiction. Vous avez dit être... maudite. Comment est-ce possible ? À mes yeux, les dieux veillent sur vous comme si vous étiez leur fille.

Cette remarque émue beaucoup Yu qui ne s'était jamais considérée comme bénie des dieux. Personne ne le lui avait dit auparavant non plus. Et cela faisait plus de bien à entendre que ce qu'elle s'était imaginé.

— C'est vrai..., répondit la jeune femme en baissant les yeux sur le contenu de sa tasse où un thé vert attendait en refroidissant. Pardonne-moi de ne pas te l'avoir dit plus tôt. C'est la raison pour laquelle Akio t'a achetée au seigneur Yamato. Parce que nous ne pouvions pas te laisser m'aider et prendre le risque que tu me trahisses si tu t'apercevais de quelque chose.

Senlinn serra les dents.

— Mais je savais. Je savais que vous n'étiez pas comme les autres. Cela ne veut pas dire pour autant que j'ai l'intention de vous trahir, s'offusqua la servante.

Yu sourit, mais son amie ne put pas s'en rendre compte.

— Et je remercie ta loyauté. Mais à présent que tu sais quel fardeau je porte, peut-être que...

Drakkon - I - Le masque du dragonWhere stories live. Discover now