48 - Peine capitale (2/2)

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Un soir, alors que Yu s'apprêtait à aller se coucher, la porte de sa chambre coulissa en silence, et une jeune fille se glissa à l'intérieur, suivie d'une autre femme, plus grande, qui referma la porte derrière elle. Assise dans son lit, Yu se redressa en glissant la main sous son oreiller pour s'emparer du manche de son arme. Heureusement, elle dormait avec son masque depuis son arrivée au Pavillon d'Argent.

— Tout va bien, Votre Majesté, ce n'est que Dame Chiyo et moi, murmura une voix familière dans l'obscurité.

Il faisait nuit, et Yu venait de souffler la lanterne dont l'odeur chaude et parfumée flottait encore dans l'air. De plus, elle portait son masque. Elle ne voyait vraiment plus rien.

— Sen ? appela la jeune femme, perplexe. Que se passe-t-il ?

— C'est moi, confirma la domestique en s'approchant pour qu'elle la distingue mieux, consciente que son masque ne lui facilitait pas les choses.

— Pourquoi es-tu ici ? Que faites-vous là, toutes les deux ?

Yu ne comprenait pas ce qui poussait son amie et sa dame d'honneur à se faufiler dans ses appartements privés en pleine nuit, aussi discrètes et silencieuses que des loups.

— Je n'ai pas le temps de vous expliquer pour le moment, répondit Senlinn. Levez-vous vite. Dame Chiyo, s'il vous plaît, pouvez-vous allumer une lanterne ?

Yu vit sa nouvelle amie et confidente hésiter dans la pénombre, des fantômes incandescents creusant son regard de terreur. Depuis que Dame Shizuka lui avait renversé de l'huile sur le visage, s'approcher de près ou de loin de toute flamme lui faisait peur. Pourtant, l'impératrice devina les traits concentrés de la jeune fille tandis qu'elle mobilisait son courage. Elle n'avait probablement jamais allumé de lanterne de sa vie, contrairement à Yu, mais elle était décidée à surmonter cette ignorance. Et tandis que Senlinn la faisait assoir sur un coussin posé au sol, une lumière tremblotante naquit dans un coin de la pièce.

Ce n'est que lorsque la jeune fille – en robe de nuit blanche, les cheveux défaits, un sourire victorieux sur le visage – revint avec la lanterne vers les deux autres femmes, que Yu découvrit le couteau dans la main de Senlinn, sa lame brillant d'un éclat argenté à la lumière vacillante de la lanterne. Instinctivement, la jeune impératrice eut un brusque mouvement de recul, dicté par un instinct que Keishi avait tenu à lui inculquer à travers la pratique de la naginata : la survie.

— Dame Yu, ne m'insultez pas en croyant que je suis ici pour attenter à votre vie, siffla Senlinn avec mécontentement. Je pensais avoir été assez claire à ce sujet, et croyais que ma loyauté était chose acquise depuis longtemps.

— Elle l'est, confirma Yu dans un murmure en reprenant convenablement sa place. Pardonne-moi... Pourquoi ce couteau, dans ce cas ?

— Vous avez confiance en moi, n'est-ce pas ?

— Bien sûr.

— Alors laissez-moi m'occuper de tout, et je vous donnerai des explications lorsque nous en aurons le temps.

Yu opina avec curiosité et lui fit signe qu'elle avait le champ libre. Chiyo tenait la lanterne tendue vers Senlinn, tremblante et effrayée, mais son visage aux traits enfantins était concentré sur sa tâche : faire de la lumière à l'ecthrosienne. Alors, l'intéressée posa le couteau au sol et noua la longue chevelure de Jai de sa maîtresse avec un ruban rouge. Récupérant ensuite le couteau, et après une brève inspiration, elle trancha net les cheveux au niveau du cou. Avec horreur, Yu sentit la masse de ses cheveux s'envoler comme un oiseau quittant sa branche, allégeant considérablement le fardeau de l'arbre.

Elle poussa un petit cri d'effroi que Senlinn bâillonna en plaquant sa main libre – celle qui avait tenu ses cheveux avant de les lâcher – contre sa bouche.

Drakkon - I - Le masque du dragonحيث تعيش القصص. اكتشف الآن