10 - La robe de Dame HuaYu (2/2)

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La requête déstabilisa Akio. Jamais il n'aurait pensé que la jeune femme envisagerait réellement une telle possibilité. D'ordinaire, et en particulier dans ce cas-là, il aurait dû lui opposer un refus clair et net qui n'admettait aucune contestation. Mais le souvenir des yeux de jade que Yu gardait cachés sous son masque le fit hésiter. Pour la première fois depuis qu'elle avait quitté ZhiLan, elle semblait sûre de quelque chose.

Il serra les poings, mais s'inclina légèrement devant le palanquin, ce qui eut le don de surprendre Yu elle-même, ainsi que le seigneur et sa fille. Cependant, ils ne firent aucun commentaire lorsque le prince revint vers eux, un peu agacé et nerveux.

— Très bien, faites-la venir.

Il désigna Mariko du menton en regardant le seigneur Yamato droit dans les yeux, avec un regard froid et sévère.

— Mais si cette servante cause le moindre problème à Dame HuaYu ou au palais, je vous en tiendrais personnellement responsable, et votre fille en subira les conséquences. Je n'oublierai pas que c'est elle qui l'a suggérée.

Frappée par ces mots comme si elle venait d'être condamnée à mort, la jeune Mariko vacilla et sa lèvre trembla, mais elle ne dit rien, gardant les yeux bien baissés sur ses pieds. À côté d'elle, son père était dans tous ses états mais il ne répliqua pas non plus. Il n'avait pas son mot à dire face au prince dont seul l'empereur pouvait contester la parole.

Le seigneur s'inclina très bas, pratiquement prosterné par terre.

— Nous en prenons la responsabilité, assura-t-il d'une voix étouffée par la crainte.

— Bien. Faite-la venir, et que personne d'autre n'entre dans la pièce, suis-je clair ? exigea le prince.

Il se tourna ensuite vers ses soldats présents dans la cour.

— Je veux deux d'entre vous en poste devant la porte de la pièce où sera Dame HuaYu.

Les gardes marquèrent leur obéissance d'un signe de tête.

Yu se mordilla la lèvre, pensive. Elle ne connaissait pas cette facette du prince. À vrai dire, elle ne le connaissait pas en tant que tel. Tout ce qu'elle connaissait c'était l'homme qui avait demandé à voir ses yeux et qui était revenu pour l'emmener avec lui, lui promettant une vie meilleure en dépit du fardeau qui pesait sur ses épaules. Pour elle, il était l'homme qui l'avait prise sur son cheval et qui l'avait protégée des regards extérieurs en la cachant sous sa cape. Mais à présent qu'ils étaient à la capitale et que son comportement changeait, elle découvrait petit à petit qui il était vraiment. Un prince. Un authentique prince, héritier du dragon ; un Fils du Ciel.

Comme tout semblait prêt pour qu'elle sorte au grand jour, et qu'Akio lui enjoignait de sortir, Yu le vit ouvrir la portière du palanquin et descendit avec précaution sur le marchepied que l'on avait disposé là pour faciliter sa descente. Cela lui fit du bien d'étirer un peu ses jambes douloureuses. Néanmoins, craintive de son nouvel environnement, elle resserra les pans de la cape du prince sur son dos, se contentant de fixer les mains de son protecteur pour se guider.

Le prince lui-même lui montra le chemin, passant devant le seigneur Yamato et Mariko comme s'ils n'existaient plus. Ils les suivirent de près, ainsi que deux gardes, mais tous restèrent à la porte de la pièce. Seule Yu y entra, ne sachant pas trop à quoi s'attendre.

La pièce était de bonne taille, spacieuse et claire. Dans un coin, sur une petite estrade surélevée, se dressait un arrangement floral fait de diverses fleurs exotiques dans les teintes mauves, dont des orchidées. Yu se souvenait en avoir vu, contre toute attente, pousser dans les forêts de la montagne, à ZhiLan. Le sol était fait en tatamis de paille tressée et les portes coulissantes étaient ouvertes sur un jardin intérieur d'une grande beauté. Il y avait un paravent historié en soie couleur sable, à côté duquel trônait fièrement sur un présentoir une robe en soie vert printemps dont les longues manches et le bas étaient cousus de délicates branches de cerisiers en fleurs, accompagnées de grands hérons blancs. Yu en resta muette de stupéfaction. Elle n'avait même pas conscience que de tels vêtements pouvaient exister !

Drakkon - I - Le masque du dragonOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz