Flügel

Chapitre XXII

                                                     En attendant ta confiance

Lash s'était allongé sur son lit. Torse nu, les bras soutenant sa nuque, son front humide et ses nombreux bandages témoignaient de sa souffrance. Je me sentais terriblement fragile à côté de lui ; je pouvais me rendre malade en voyant une personne agoniser alors que lui, ayant failli y passer se tenait droit et fier. Il arborait des traits détendus, presque sereins. C'est une personne admirable, ou bornée.

- " Alors ?" se plaignit-il une nouvelle fois, ponctuant ses lamentations de profonds soupirs.

Je m'étais assise sur l'un des coins du couchage, mes mains jointes au dessus de mes genoux se cherchaient et se trituraient d'elles-mêmes. Je ne savais pas comment m'y prendre pour dire ce que j'avais sur le cœur, c'était la première fois qu'il m'arrivait de vouloir dire une chose comme celle-ci.

- " Et bien..." commençais-je, cherchant mes mots et ma voix qui se faisait de plus en plus faible.

J'entendais un soupir, il se retenait de dormir depuis tout-à-l'heure et je me permettait de l'en empêcher encore ; j'étais si égoïste.

- " J-Je voulais savoir comment... tu as fini dans cet état à vrai dire... Je sais que tu n'en as probablement pas envie mais..." continuais-je en me retenant de partir, honteuse de le déranger pour une raison aussi futile que celle-ci.

Il ouvrit les yeux, la mine presque offusquée il confirma mes doutes ; râlant après mes caprices et refusant d'en parler une seconde fois.

 Il avait accepté d'en parler à Sasha, quelques heures plus tôt dans la soirée dans le cadre de son rapport mais, moi. Pourquoi ne pas m'en parler ? Je suis sa partenaire, quoi que nous en disions, nous sommes liés comme un maître et son élève. Il me doit la vérité ! Du moins, il s'agit de la seule raison que je peux avouer ; avoir envie d'obtenir sa confiance et être son amie est... bien trop étrange dans l'esprit d'un tordu tel que Lash.

C'était stupide et pourtant, je ne pouvais retenir la colère qui montait en moi quand il s'agissait de lui et animait mon corps d'une vulgaire crise :

- " Pourquoi ?" protestais-je, telle une enfant gâtée à qui personne n'a jamais refusé un seul caprice.

- " Pourquoi quoi ?"

Et bien... pourquoi refuses-tu de me dire ce que tu as affronté pour finir ainsi ? Ma vie, valait-elle la peine que l'un des meilleurs éléments de la guilde, la personne dont le Maître considère comme son fils, risque sa vie ? En vaut-elle la peine ? souhaitais-je lui demander sans y parvenir. Je n'ai pas le droit de m'abaisser à cette demande, ce n'est pas digne, pas assez présomptueux.

Ma colère se porta sur lui, puis Sasha pour finalement s'acharner sur moi, moi qui n'ait pas encore obtenu sa confiance :

- " Pourquoi refuses-tu de m'en parler ? Tu l'as raconté à Sasha, à elle ! Pourquoi pas à moi ? C'est de ma faute si tu es dans cet état, c'est parce que tu as risqué ta vie pour moi ! J'ai le droit de savoir ce que j'ai causé, non ?" me justifiais-je en haussant le ton.

C'était une réaction excessive. Une femme ne doit jamais perdre son calme et encore moins hausser la voix ; c'est indigne de mon nom. J'ignorais pourquoi une personne aussi futile que lui, dénuée d'intérêt et d'importance parvenait à faire sortir de ses gonds une femme ayant reçu mon éducation.

Toutefois, à contrario de me faire honte, ma réaction provoqua la colère de Lash qui, d'une voix plus forte que d'ordinaire, me réprima sévèrement :

- " C'est justement parce que c'est toi, espèce d'idiote ! Une personne aussi imbue d'elle-même et égocentrique que toi va toujours se donner trop d'importance ! Quand comprendras-tu que je n'ai rien fait pour toi ! Je ne fais que des choses dans mon intérêt, pour simplifier ma vie ! Je n'ai pas envie que tu culpabilises toute ta vie pour un truc comme ça ! C'est mon travail que de finir à moitié mort !"

Je n'arrivais plus à savoir ce qu'il me faisais le plus mal. Est-ce que le fait de ne pas être une personne de confiance est douloureux ?

Non.

Penser qu'il n'a pas agi pour me sauver ?

Non plus.

Ce qui as eu l'effet d'un poignard en pleine chair sur moi est de savoir son opinion, connaître l'image que je renvoie aux autres ; comment Lash me voit et ne pas pouvoir le nier. J'ai été élevée de sorte à m'accorder toujours plus d'importance qu'il n'en faut. Je ne la mérite pas, je me la suis donnée. Je ne suis pas comme le Maître, comme le Vice-Maître, le général, Sasha. Je ne suis pas comme Sasha et c'est l'une des choses les plus dures à admettre que je connaisse.

En revanche, j'avais aussi compris qu'il ne voyait pas cela de cette manière mais, le fait qu'il ne veuille pas que je me sentes coupable réchauffait mon corps d'une douce chaleur agréable, réconfortante.

Je l'observais, malgré ma douleur je ne pleurais pas. Je gardais tête haute, je me suis déjà assez donnée en spectacle. Il continuait de me toiser, l'air énervé et prêt à répliquer cependant je ne lui en laissait pas la peine.

J m'étais légèrement tournée vers lui, posant les mains fermement contre son lit je m'étais inclinée. Mon front effleurait la surface du drap fin, les paupières closes et les traits neutres j'avais pris la parole solennellement :

- " Je te présente mes plus sincères excuses. Par ma faute, tu as subi des torts qui ne te revenaient pas. Ainsi, j'espère que tu m'accorderas ton pardon."

Lash voulait intervenir mais je ne lui en laissait pas le temps, continuant ma tirade :

- " Je souhaite également te remercier. Je te suis infiniment reconnaissante pour ce que tu as fait. Peu m'importe de ne pas savoir ce que tu as fait, tu l'as fait. Peu m'importe pour qui, cela m'a sauvé. Alors, si tu le veux bien laisses moi le temps de trouver quelque chose ayant une valeur suffisante pour te remercier. Je te le demandes, fais-moi confiance, une femme de parole ne se permettrait de mentir sur son honneur. Alors en attendant, acceptes mes modestes remerciements, s'il-te-plaît. Je te remercie sincèrement, Lash."