Chapitre XVIII

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Celle qui voit

Les yeux clos, je pouvais voir ces parasites, ceux qui font tout tomber à l'eau, vos plans, vos tentatives. Je n'aurais pas de mal à remonter un nouvel engrenage sur une nouvelle pièce mais, je dois bien avouer être déçue. C'est que ce "Klaus" m'avait bien amusée, moi. Enfin, chassant ces pensées futiles de mon esprit, je me concentrais sur la cité où ces problèmes vivants s'agitaient.

Le crépuscule était tombé. Les panaches de cendres s'échappant des cheminées industrielles avaient revêtu leur plus bel apparat. Enfermé dans un écrin doré, le soleil perçait les nuages et tapissait ces derniers de ses plus beaux rayons. A travers les fenêtres si grandes que cela en était presque grotesque, la faible lueur illuminait les manoirs.

C'est à l'intérieur d'un de ces derniers que se réunissaient ces personnes qui, d'apparence, n'auraient rien à faire ensemble.

Un homme de grande taille assis devant un bureau, une splendide femme toute aussi terrorisante que lui dans son dos, une plus jeune assez troublée, encore une autre devant, roturière ayant l'air plus confiant et un autre paysan qui, donnait davantage l'impression d'une gueule de bois affreuse plutôt que le côté dramatique d'une séparation.

- " Voilà... J'imagine que... Le temps des adieux a sonné."

Ces mots furent prononcés par Sasha l'aventurière. Par la suite, des regards surpris furent jetés, des soupirs furent poussés mais seul le silence resta.

Cette dernière, gâcheuse d'instants "émouvants", s'avança. Elle et sa jeune amie se serrèrent la main, le regard humide.

Diane, la petite fille perturbée titubait. Perdre ceux qu'elle venait de retrouver, perdre la chance de réellement vivre ; voilà ce que représentait leur départ. Certes mais, dans son esprit cela n'était pas cela qui la torturait.

Les rires partagés entre deux verres, les accueils chaleureux après des entraînements éprouvants, le charme pittoresque de dormir à la belle étoile ou dans un canapé de petite facture, la fierté ressentie lorsque l'on défait un ennemi, la joie procurée par un simple compliment de son professeur, découvrir de nouveaux visages, de nouvelles silhouettes, vivre.

Avoir goûté aux bonheurs d'une aventure et à ses souffrances puis, s'en séparer pour revenir à un quotidien monotone et routinier ; se lever, travailler, manger, sourire et se coucher. C'est difficile, n'est-ce-pas ? Sûrement trop pour elle en tout cas qui articulait sur ses lèvres ses pensées.

Elle laissait passer quelques bribes de phrases trop douces pour être entendues de l'assemblée :

- " Alors... C'est vraiment le moment ? Non... Non... !"

Sur ces paroles inaudibles, mise à part pour moi, la demoiselle quitta brusquement la pièce.

- " Diane !" l'appela la scientifique laissée sur place, s'en suivit celui de ses parents.

Rien ne leur répondit, si ce n'est le bruit d'une porte claquée au loin. Même Lash, le gosse qui ignorait l'ambiance de la scène s'était intéressé un brin au départ de son ancienne élève.

- " Je ne sais pas ce qu'elle a... Je suis confus, c'est indigne d'une Eulet que de ne pas saluer convenablement ses sauveurs." s'excusa son géniteur d'un souffle.

Comme quoi, Lash n'était pas le seul à ne pas saisir les émotions... Même Isaure, sa mère pourtant insensible, comprenait parfaitement de quoi il en retournait :

- " Filip... S'il-te-plaît. Qu'elle quitte les lieux. Je vous en conjure, mademoiselle Aggran, monsieur Lash, gardez la à vos côtés. Par votre faute, c'est devenue une sauvageonne. Jamais elle ne pourra se reconduire comme une bonne noble, si elle reste ici elle nous couvrira de honte !"

Elle mentait. Ses propos étaient évidemment faux, justes de bons prétextes à faire sourire son enfant. Après tout, cette femme a beau n'être qu'une impassible personne ignorant les sentiments à des fins productives, elle n'en reste pas moins une mère. Une bonne mère, si l'on puis dire.

- " Madame..." souffla Sasha.

Ah ça non ! Je voulais bien accepter les trucs tires-larmes cinq secondes mais pas plus ! Fallait pas pousser, non plus ! rageais-je avec une mine boudeuse.

Je m'ennuyais. C'était d'un long ! Oui, on a compris que la petite Diane veut retourner à Rosran, que sa mère veut son bonheur et oui on a compris que Sasha veut qu'elle revienne avec eux mais qu'elle refuse que ses parents aient des regrets entre temps et la reprennent... S'ils pourraient changer les classiques, faire du plus surprenant... Sur ce point là, ces originaux sont bien prévisibles.

Je me massais les tempes, frustrées de comprendre que mon échiquier fut mis en pièces par des personnes aussi peu déroutantes. J'espérais qu'il allait au moins y avoir un petit retournement de situation, un coup de théâtre comme ils disent si bien chez les bourgeois...

Dans cette optique, je plissais quelques secondes mes paupières encore closes puis, rouvrait les yeux, voyant désormais quelques minutes en avance sur le cours du temps.

De ce que je percevais, les acteurs de cette fade comédie était réunis dans ce qui s'apparentait à une chambre cependant, il manquait les deux aînés de la pièce ; les parents de la petite Diane. Cette dernière était d'ailleurs allongée sur son lit plutôt petit comparé à celui sur lequel j'étais allongée en ce moment même. Sa servante était assise à ses côtés et lui caressait la tête comme à un chien avant que les petits aventuriers n'arrivent.

- " Hé, Diane ! Qu'est-ce tu fiches ? Prépare tes bagages, on va pas trop traîner ici, nous." annonça Sasha avec une élégance digne de son apparence délicatement féminine.

On lisait aisément la surprise dans les yeux de cette petite bourgeoise, apparemment la seule à ne toujours pas avoir compris cela malgré l'évidence de leur petite vie toute tracée.

Je n'écoutais même plus leurs paroles heureuses, me contentant de brièvement scruter le seul à ne pas se laisser aller aux câlineries ; le petit gars au manteau noir.

Depuis que j'ai commencé à suivre leur petite réunion, ce type gardait toujours un air hagard sur le visage et pourtant, c'est bien le seul à m'intriguer. Enfin, ce n'était pas lui à proprement parler mais plutôt, le fait de savoir que cet homme au visage crétin est le même à avoir sauvagement assassiner mon pion dans le plus grand secret.

Heureusement que ma petite espionne était toujours sur place pour ramener les preuves... Ses "propriétaires" de ce conglomérat ont bien choisi son nom de chienne, franchement. Grâce à cela, on évite les échos dans la populace et puis, si cela peut nous permettre d'effacer enfin cette tâche dans mon monde blanc, je n'aurais aucun scrupule à me servir de lui. Pour une fois qu'un cadavre est utile, décidément ce Klaus est bien le pion le plus divertissant que j'ai eu jusqu'à présent.

Tadaaa ! Ce chapitre était assez perturbant peut être ? Le point de vue était celui d'un personnage encore jamais vu, c'est pour ça ; p Qu'en avez-vous pensé ? Aimez-vous bien voir ce chapitre dans ses yeux ou voulez-vous que je le réécrive normalement ? ,: )

Aussi, c'est l'avant dernier, normalement, avant la prochaine partie ! ; p ; p Dites- moi tout, est-ce que cela vous plaît toujours ? ; p

Et encore merci de lire cette histoire ! ; p

FlügelWhere stories live. Discover now