Chapitre XXI

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                        Sous les rayons d'un astre blanc

Je l'observais, montant les marches en boitant. Je regardais sa montée en repensant à ce qu'avait dit le Maître plus tôt dans la soirée ; ils l'ont recueilli quand il n'était qu'une brebis égarée.

Que signifiait donc cela, de toute façon il ne me le dira jamais..., me résignais-je avec un sourire de dépit sur le visage.

- " Tu peux le rejoindre, il ne t'en voudra pas. Monte un étage de plus que pour aller dans les bureaux. Les escaliers sont cachés, dans le fond du couloir." m'indiqua Sasha.

Elle avait remarqué mon questionnement et m'avait aidé. N'arborant qu'un simple sourire bienveillant, elle semblait vouloir le bien du monde entier, ne ressentant jamais d'émotions négatives. A côté d'elle, je semblais terne, sans intérêt, avec mes pensées piteuses, déplacées, jalouses  pour une personne aussi exceptionnelle que mon hôte. Elle m'avait invité dans sa guilde, chez elle et ce, sans même se préoccuper de ma personnalité si mauvaise.

Je retenais un sanglot, puis sentant la délicate main de mon amie se poser dans mon dos en signe d'encouragement je me levais.

- " Tu t'en vas déjà, ma mignonne ?! J'aurais bien aimé te montrer combien j'étais costaud !" se vanta le général nommé Seth, affairé autour d'une table de bras de fer.

- " J'ai quelque chose à faire." souriais-je en réprimant mon envie de repousser ses avances.

En arrivant au premier étage, je m'avançais. Sur chaque mur apparaissait plusieurs portes de manière symétrique. Je ne reconnaissais pour l'instant que les bureaux du Vice-Maître et de la scientifique alors je me décidais de profiter de cet instant pour me renseigner.

Lisant les plaquettes de bois suspendues sur les portes, je soupirais.

" Master, Toilet, Archives... Mmmh... Sealed ?" observais-je en remarquant la fermeture de la dernière porte du couloir, qui contrairement au reste de la pièce ne faisait face qu'aux escaliers.

Je ne m'attardais pas plus sur la porte scellée et continuais d'avancer. Je montais une à une les marches grinçantes du vieil escalier aussi ancien que le premier. Il était tourné en colimaçon, de ce fait il fallait tourné à droite pour le voir. Ce dernier revenait ensuite vers la gauche où l'on apercevait, au dessus des bureaux, un autre couloir où trônaient tout autant de pièces que dans le précédant.

Je fus d'abord surprise ; sur les plaquettes de bois n'était que gravé un simple numéro. J'ignorais malheureusement le nom de sa chambre.

- " Le connaissant, il ne doit pas faire de bruit... Cela ne va pas m'aider..." soufflais-je en chassant l'idée d'écouter aux portes.

Soudain une porte s'ouvrit brutalement. La personne qui sortit eût un semblant d'agacement puis soupira :

- " Je me disais bien que seuls les mufles pouvaient faire autant de bruit dans des escaliers..." s'échappèrent de ses lèvres.

Je riais malgré moi ; lui arrivait-il peut être à ne pas faire grincer le bois des marches ?

- " Alors ? Tu veux quoi ? Me sort pas que t'emménage à la guilde ou je t'étripe." me coupa mon interlocuteur.

Mes mains se frottaient machinalement derrière mon dos, je les sentais trembler, moitir. Ce genre de réaction ne m'arrivait pas, plus. D'ordinaire, mes membres ne se nouaient autant que lorsque que père ou mère me faisait face. Pourquoi cet inconnu m'intimidait-il, pourquoi chamboulait-il ce que je découvrais à peine ?

- " Je voulait te voir, Lash." répondis-je simplement, un mince sourire s'étirant sur mes lèvres.

Il eut un bruit de surprise ; sa mine interloquée contrastant totalement avec l'homme fort et mesquin qu'il m'inspirais. Il bafouilla quelques sons sans significations, puis se racla la gorge :

- " Ouais... Dépêches, j'ai envie de dormir." murmura-t-il en entrant précipitamment dans sa chambre, laissant la porte ouverte.

Je prenais cela comme une invitation puis, sans me faire prier je m'approchais de la porte. Mais, arrivant à son seuil je ne parvins pas à franchir la séparation.

Est-ce correct, une fille dans la chambre d'un homme, qui plus est roturier... Je ne sais pas si j'en ai véritablement le droit... me torturais-je l'esprit en contemplant la pièce.

Sur l'un des pans du mur était adossée une étagère vide. A son opposé s'étalait le lit de Lash où ce dernier s'était déjà allongé. En face de l'entrée reposait une petite commode de bois également.

Je ne pensais pas mon professeur maniaque mais, aucun grain de poussière ne traînait. La plupart des choses était bien rangée, pour mon plus grand ravissement.

Je scrutais pendant un long instant la fenêtre au dessous du petit meuble ; celle-ci était cloîtrée par des lambeaux de planches faisant office de rideaux. Les rayons de la lune qui filtraient au travers émanait une douce lumière blanche, seule source de lumière dans la pièce.

Le tableau qui se dessinait devant moi était incroyablement beau. Je croyais rêver tant l'ambiance était paisible, ignorant même le brouhaha régnant en bas, je me perdais dans la splendeur de l'endroit.

En laissant balader mon regard un instant, je parcourus le corps de mon tuteur. Je ne l'avais pas remarqué en lui parlant, son corps masqué par la porte mais, il avait ôté son chandail pour être plus à son aise.

Baigné par la douce lumière, ses muscles se dessinaient sous ses bandages. Malgré sa taille svelte, il était marqué par des années de travail acharné, de combats sanglants et de voyages éprouvants.

Je laissais de côté son animosité durant un instant. Les yeux clos, le visage légèrement éclairé par l'astre de la nuit, il semblait si paisible. On remarquait sans difficulté sa jeunesse, ses traits devenaient presque ceux d'un enfant assoupi ; innocents et délicats.

- " Alors ? Je t'avais demandé de te dépêcher... Je suis claqué, moi..." râla mon professeur, me regardant du coin de l'œil.

Je me raidis tel un criminel pris en flagrant délit puis me repris. Je ne m'étais pas rendue compte que durant tout ce temps j'étais resté sur le seuil. Perdue dans ma contemplation, j'avais oublié que je devais entrer dans la chambre d'un homme, célibataire et qui ne portait pas de chandail.

Je sentis le rouge monter à mes joues, heureuse que le manque de lumière ne lui permette pas de le voir.

Cela me semblait déraisonnable mais, me ressaisissant en pensant à la raison de ma venue je marchais d'un pas décidé sur le parquet de bois.


FlügelWhere stories live. Discover now